Le poids du savoir [PV]

Comment pouvait-on oublier sa propre sœur ?

Eden fixait Léa, tâchant de ne pas paraître trop interloquée. Une once de politesse qui trainait au milieu du champ de curiosité caractérisant la demoiselle.
Avant qu’Eden n’ai pu dire ou faire quoi que ce soit, le décor s’effaçait. Autour tout était gris. Un autre décor semblait se construire autour d’elle, comme s’agencent les pièces d’un puzzle. D’abord le sol, des pavés gris, puis le reste, petit à petit.

Eden, profita de cet instant de répit pour se diriger vers Léa. Elle n’était pas très douée pour ça.
Un peu embarrassée, elle posa une main sur l’épaule de sa camarade, à la fois honteuse de ce geste et de l’inutilité qu’il devait avoir, mais sentant qu’il fallait faire quelque chose.

Ça va Léa ?

Ça aussi c’était très utile. Tout à fait le genre de comportement dont elle se serait moqué. A l’évidence ça n’allait pas. Inutile qu’une cruche vienne en rajouter avec ses gestes théâtraux et ses questions stupides.
Eden haussa les épaules.

Ecoute, au moins maintenant tu sais. Si tu veux, on trouvera un autre moyen pour comprendre ce qui s’est passé ensuite. Il doit exister d’autres façons. Peut être une pensine ou quelque chose de ce genre t’aiderait à retrouver des souvenirs enfouis?

Autour, le décor était en place. Tout était immobile, comme si les protagonistes attendaient que les deux jeunes filles soient prêtes à assister au spectacle.
Eden tourna la tête de droite à gauche. Une rue de la banlieue de Londres d’après les bâtiments au loin. De très jolies maisons aux grands jardins bordaient l’allée où étaient garées de superbes voitures lustrées dont les propriétaires devaient passer le plus clair de leur temps à faire briller la carrosserie. Les maisons étaient en briques rouges pour la plupart et possédaient plusieurs étages dissimulés au regard des passants par de hauts arbres verdoyant qui paissaient tranquillement au sein d’immenses propriétés verdoyantes.

Une allée de riches.

Eden chercha des yeux la petite Léa, se tournant de tout côté, jetant des yeux curieux dans les jardins avoisinants. Pas de brunette à l’horizon.
Au bout de la rue en revanche, se tenait la silhouette d’une jeune femme blonde tenant à la main une petite fille qui ne devait pas avoir plus de 3 ou 4 ans.

Eden se figea.

Longue, blonde, gracieuse, Elizabeth Sanders revivait sous ses yeux. Accrochée à sa main comme à une bouée, trottinait une blondinette aux yeux gris.

Tout d’abord un grand choc… remarquez il y avait de quoi, quand on passait neuf ans en croyant qu’on était fille unique et que finalement et bien non, on avait une grande sœur… C’était assez étrange…
Ensuite un intense soulagement… Parce qu’il y avait enfin un mystère de résolu…enfin elle avait découvert la vérité et même si ce problème résolu en soulevait de nouveaux, cela faisait un bien immense de connaître la vérité.
Pour finir un début de colère et de rancœur… Comment ses parents avaient-ils pu lui cacher ça ?! Elle ne voyait pas de raison valable à garder ce secret, ils avaient vraiment intérêt à en avoir une de bonne raison, parce que même si Léa n’était pas majeure, elle aurait son mot à dire…

Léa sursauta à l’intervention d’Eden, elle n’avait même pas encore réalisé le changement de décor. Si ça allait, oui et non… oui elle n’aurait plus d’inquiétude à ce sujet, son passé ne lui ferait plus peur sans doute. Non c’était pas facile à avaler, non il allait y avoir plein de complications et de nouveaux problèmes à l’avenir et l’avenir c’était comme le passé, cela lui faisait peur… Léa adressa un faible sourire à Eden…

- ça va aller, juste le temps que ça passe…

Elle inspira un grand coup avant d’analyser la nouvelle scène. Elles se trouvaient dans une allée plutôt luxueuse sans doute en ville, cela n’avait plus rien à voir avec le jardin de Léa, l’endroit était agréable à la vue mais complètement désert. Léa n’était jamais venue ici, ça ne lui disait absolument rien, en tout cas…

- On est où ?

Elle ne savait pas trop si Eden pourrait répondre, mais peut-être connaissait-elle le coin. Deux nouvelles personnes se joignirent à la scène. La première question qui lui vint à l’esprit fut "Qui sont-elles ?" Mais elle ne la posa pas, tout doucement elle commença à réaliser… Elles étaient désormais dans le rêve d’Eden et sûrement la petite fille était-ce elle ce coup-ci. Léa observa du coin de l’œil sa camarade pour la comparer à la petite. Oui c’était sûrement elle, et la jeune femme, sa maman sans doute.

- Tu crois qu’elles peuvent nous voir ?

C’était à prévoir.
On n’a rien sans rien.
Sa petite intrusion dans la vie de Léa lui coûtait la transparence de son propre passé. Eden serra légèrement les dents à l’approche des deux silhouettes. La situation ne lui plaisait guère. Elle n’aimait pas parler de sa vie, et l’idée même qu’elle puisse défiler devant quelqu’un d’autre comme une bande de film ne l’enchantait guère.
L’avantage qu’elle prenait sur Léa, c’est que ni la mère, ni la fille ne mourraient aujourd’hui.

Eden haussa les épaules à l’attention de sa camarade.

Je suppose que non. Et quand bien même ce serait le cas, j’imagine que ça n’aurait pas plus d’influence que dans ton rêve.

Eden s’écarta tout de même pour laisser passer la mère et la fille.
La blondinette babillait gaiement de sa voix déjà si particulière alors que la mère gardait le silence.
Eden laissa ses yeux courir sur le visage à la fois si familier et si lointain qu’était celui de la jeune femme. Elle était d’une beauté déconcertante, empreinte de tristesse et de mélancolie jusqu’au fond des yeux. Sa peau était pâle, cernée d’ombres lilas sous les yeux, ce qui lui conférait un air à la fois solennel et profondément mélancolique.
Eden avait toujours eu le souvenir d’une mère à la beauté si torturé que s’en était surnaturel. Elisabeth Sanders avait le visage d’Hélène de Troie et semblait porter bien plus d’années de souffrance que ne devait en contenir son âge.
Elle répondait distraitement aux bavardages de l’enfant, parcourant les allées des yeux et cherchant visiblement quelque chose.

Eden se tourna prestement vers Léa.

Je les suis, te sens pas obligée, c’est certainement un jour à la noix et des plus ordinaires. J’ai juste envie de …

La regarder encore un peu.

De me rappeler ce qu’on a bien pu faire ce jour là. Bougonna-t-elle.

Eden emboita le pas à son double sans attendre la réponse de Léa essayant de dissimuler le rose qui lui montait aux joues.

Oui évidemment, les rêves qu’elles étaient en train de faire, n’influeraient en rien sur leur passé respectif. Lane avait été une sorte de guide, la seule à savoir déjà ce qui se passerait, peut-être parce qu’elle n’était plus. Alors, que l’une de ces deux personnes puisse les voir ne changerait sûrement rien. Léa observa Eden sans trop d’insistance. Et elle, qu’avait-elle à découvrir de son passé ?

Les deux nouvelles venues passèrent devant elles. De voir déjà autre chose l’empêchait de penser à son propre rêve, mais connaissant Eden pour cela, Léa ne devait pas être la bienvenue. Sa camarade lui proposait déjà de ne pas s’embêter à la suivre et d’ailleurs avait décidé de se mettre en route. Léa se mordit la lèvre, gênée par la situation. Elle se sentait étrangère et tout ce qui l’entourait lui était inconnu. Elle prononça un "ok, d’accord" discret. Et tenta de trouver un endroit tranquille pour attendre. Pas de banc, à la rigueur le petit muret là.

" Eh, mais t’es inconsciente Léa ?! Si personne ne peut te voir, comment tu vas faire pour demander ta route si Eden ne te retrouve pas ? "

Léa pâlit ( Oui, plus qu'elle ne l'était déjà, c'était possible ). Elle avait un sens de l’orientation quasi-inexistant, elle ne savait même pas où elle était. Oui bon en même temps se perdre dans un rêve ne devait pas être si dramatique, mais et si elle devait rentrer avec l’aide d’Eden ? Bondissant du muret, elle se lança à la suite de sa camarade.

- Attends, je ne sais pas combien de temps ça va te prendre, et je ne sais pas où on est…

Elle fixa Eden et après un instant d’hésitation, se sentit obligée d’ajouter.

- Je serai super discrète et euh… je te gênerai pas…

Ça, c’était des paroles stupides, elle aurait pu tout aussi bien lui dire "Je suis une personne digne de confiance, je te promet de rien dire " . Mais ça aussi, c’était nul. Bien sûr que Léa n’était pas animatrice de radioragots, mais ça c’était plutôt à sa camarade d’en juger.

Hj: Désolée, c'est tout petit, faut que je m'y remette.

Les deux silhouettes continuaient d’avancer, talonnées par Eden, dévorée par la curiosité. Elle avait gardé un souvenir de sa mère dans une maison perdue en Irlande, au beau milieu des landes. Il était clair qu’elles n’habitaient pas là. Que venaient-elles y faire ?

Léa galopait derrière, jurant qu’elle ne gênerait pas. Eden la fixa un instant. Elle n’en doutait pas.

- Ok. Mais ne t’attends pas à de super révélations ou autre. C’est une journée si banale que je n’en garde aucun souvenir.

Eden haussa les épaules. Elle ne se souvenait même pas avoir mis les pieds à Londres. Faut dire qu’elle n’avait pas l’air bien grande à cette époque. Difficile de juger la blondinette cependant, elle n’avait jamais été bien haute, alors à cet âge là, elle était hors catégorie. Une mini poupée aux yeux gris, au petit nez retroussé et aux joues à fossettes. Bon sang qu’est ce qu’elle pouvait être bavarde !
Qui eut cru que la gamine aux gazouillis incessants puisse devenir la jeune fille silencieuse et solitaire qu’elle était.

Devant, Elisabeth ralentissait. Bien vite elle s’arrêta derrière une haute grille qui entourait une immense propriété verdoyante, entretenue jusqu’au moindre brin de gazon.

- Attends là une seconde, veux-tu bien ?

La petite fille acquiesça et se mit en devoir d’appeler un chat qui passait par là. Sa mère avait empoigné la grille et était grimpée sur le petit muret qui la soutenait, tâchant de voir ce qui se passait derrière. La grande Eden jeta un œil à son double miniature qui agitait un bâton devant le félin noir, bien sagement, sur le trottoir. Elle rejoint sa mère sur le muret et observa plus cette dernière que la belle propriété.
Une moue boudeuse accrochée à ses fines lèvres, Eden détailla avec minutie chaque détail du visage tant regretté. Des yeux clairs en amande, qui ressemblaient beaucoup aux siens, un petit nez droit et fin, des traits doux, mais triste, encadré par une cascade de boucles blondes.
Eden s’arracha douloureusement à sa contemplation quand un bruit du côté de la demeure attira son attention. Une femme sortait de la maison et se dirigeait vers le portail à grands pas décidés. Derrière elle, un homme ganté de blanc portait une colonne de paquets aux couleurs diverses. Elisabeth Sanders descendît brusquement du muret et se pencha vers sa fille.

- Lève-toi Eden.

La petite fille obtempéra après un dernier regard au félin qui étendu de tout son long, jouait avec la brindille qui avait servie à le taquiner.

Eden, plus âgée, suivit des yeux la belle femme brune, bien habillée qui traversait le jardin.

- On dirait la reine et son portier… grommela-t-elle en direction de Léa. En plus belle peut être.

" Ce n’est pas parce que l’on ne garde aucun souvenir d’une journée qu’elle est pour autant banale… "

Léa garda ses réflexions pour elle-même. Le jour de la mort de Lane n’était pas des plus banals et encore moins celui où elle avait perdu sa sœur… sa sœur… et pourtant elle avait réussi à oublier cette journée…

La voix de la mère d’Eden la ramena à la réalité, juste à temps, avant qu’elle ne commence à plonger dans de noires pensées. Elles étaient arrêtées devant une grille qui se dressait devant une somptueuse propriété. Si c’était là qu’habitait Eden, elle avait une de ces chances ! Mais si c’était là qu’elle vivait, pourquoi sa mère s’amusait-elle à escalader la grille ? Léa jeta un œil du côté d’Eden, du moins celle qu’elle accompagnait. Elle observait sa mère, mais comme si elle ne l’avait pas vu depuis des années. Et comme la brunette ne savait rien de la vie de son amie, elle se demanda ce qui pouvait bien l’amener à fixer sa mère de cette manière.

Enfin, il y avait de l’animation de l’autre côté de la grille. Sûrement les propriétaires qui sortaient. Léa écouta la remarque d’Eden, un sourire aux lèvres. Il était vrai que cette femme ne manquait pas de classe, on comprenait très bien qu’elle faisait partie de ces gens huppés, très sophistiqués, de la haute société.

" Espérons qu’elle n’a pas le caractère vaniteux qu’on imagine aller avec… "

La femme atteignit enfin le portail et aperçut la petite Eden et sa mère. Ses sourcils très nets se plissèrent immédiatement et l’on vit se serrer presque automatiquement ses poings, elle se redressa vivement comme pour montrer qu’elle dominait la situation et se dirigea en quelques enjambées vers leur petit groupe.

- Oh là, j’espère qu’elle ne peut pas nous voir, elle, parce qu’elle n’a pas l’air du tout commode…

Mais cette femme très chic avait plutôt l’air d’avoir la mère d’Eden dans le collimateur. C’est d’ailleurs à elle qu’elle s’adressa sans la moindre once d’hésitation.

- Vous n’avez rien à faire ici et vous le savez très bien, retournez d’où vous venez !

"Ha ben ! charmant l’accueil par ici… "

Léa regarda l’Eden de son âge. Ella avait cru comprendre qu’elle ne connaissait pas cette femme. Pourquoi cette dernière se montrait-elle aussi hostile envers sa mère ? Lui avait-elle fait quelque chose de mal ? Difficile à croire avec un visage d’ange pareil.

Hj : Si la maman ne sait pas qu’elle ne doit pas traîner dans les parages, je peux éditer.

HJ: C'est parfait Le Théo

Elisabeth eut un mouvement de recul et se cramponna un peu plus à la petite fille qu’elle tenait par la main. Elle releva le menton dans un geste de défi qui accentua plus que jamais la ressemblance avec Eden.

- Vous n’avez rien à faire ici ! Répéta la femme à nouveau. Allez-vous--en, vous et votre enfant. Il ne veut pas vous voir !

Elisabeth jeta un œil à la maison, derrière la femme. La bâtisse était une œuvre architecturale aux dimensions plus que satisfaisante, bordée d’un jardin tout à fait exquis entretenu jusqu’au moindre brin de gazon.

- Il n’est pas là, inutile d’attirer l’attention…

- Helen, il faut que je le vois, je vous en prie… la voix d’Elisabeth se faisait suppliante, pour la plus grande stupeur de la gryffondor qui rêvait déjà d’étrangler la belle brune rien que pour la façon dont elle s’adressait à sa mère.

Elle avait idéalisé cette dernière comme une force de la nature, identifiant chacune de ses faiblesses comme une trahison à sa propre mère…et voilà qu’aujourd’hui, Elisabeth Sanders suppliait…

- Il ne veut rien avoir à faire avec vous, Elisabeth, ni avec elle ! Cracha-t-elle en direction d’Eden.

Les yeux perçant d’Elisabeth s’animèrent d’un éclat de fureur. Elle serra sa fille contre elle et attaqua.

- J’ai parfaitement compris votre manège, Helen, vous réceptionnez chacun de mes messages, ne lui en transmettez aucun. J’exige de le voir.

Helen se radoucit, mêlant une touche de miel à sa voix qui la rendait plus menaçante que si elle s’était mise en colère.

- Vous êtes plus intelligente que je ne pensais. Mais ça ne changera rien. Mon fils est voué à une carrière bien plus importante que vous n’êtes vous-même Elisabeth. Vous et Elle.

Elle jeta un regard haineux à la petite fille qui lui rendait un regard curieux, détaillant ses beaux vêtements, ses bijoux avec une attention toute particulière.

Eden, lança un regard en coin à sa camarade, un peu gênée d’être regardé comme une crotte de Doxy sur une statue de Vénus. Elle se racla la gorge avant de murmurer :

- Espèce de vieille chouette…

Puis elle s’arrêta. Frappée par l’évidente identité de la femme si élégante…

Qui ? Qui ne voulait pas voir Eden et sa mère ? Un homme, apparemment… Léa ne comprenait pas grand chose à cette histoire, mais elle était sûre de quelque chose, cette journée serait loin d’être banale. Elle n’osait pas poser de questions à Eden, c’était de l’indiscrétion pour elle.
Inutile d’attirer l’attention ? Il n’y avait personne dans cette rue, du moins pas encore. La mère d’Eden insista. Qui voulait-elle voir ? un frère ? un cousin ? un ami ? ou probablement l’homme qu’elle aimait à en juger par la dernière réplique de la dénommée Helen. Le père d’Eden…

Léa observa cette Helen qui commençait à ressembler à un monstre sans pitié. Comment une carrière pouvait-elle être plus importante qu’une famille ? La brunette en était sidérée. Cet homme dont il était question était-il réellement en accord avec tout ça ?
Léa hocha la tête à la remarque d’Eden, quelle affreuse bonne femme ! La tête que son amie tira alors, la laissa perplexe. Elle semblait étonnée… Oui bon en même temps, elle était aussi là pour apprendre des trucs.

Léa restait silencieuse, tandis qu’une foule de questions se pressaient dans sa tête. Très vite chassé l’épisode de son passé, celui d’Eden l’intriguait. N’y tenant plus, une question franchit ses lèvres.

- Eden… Est-ce que tu la connais ? ou du moins sais-tu qui elle est ?

Elle avait envie de lui demander, si c’était bien de son père auquel la conversation faisait référence, bien qu’elle en soit presque certaine. Elle avait envie de demander si son père avait choisi sa famille plutôt que sa carrière mais quelque chose la retenait… Elle ajouta tout de même :

- Tu sais de qui elles parlent ?

Si Eden, ne voulait pas répondre, elle ne répondrait pas, et Léa n’insisterait pas.
De nouveau de l’agitation derrière l’imposante grille. La grande porte de la demeure s’ouvrait. Léa s’attendait presque à en voir sortir l’homme qu’Elisabeth cherchait à voir. Mais à moins qu’il n’ait pris une potion de rajeunissement superpuissante qui ne devait d’ailleurs pas exister, il ne s’agissait pas de lui. Un jeune garçon qui devait avoir dans les six-sept ans descendait les quelques marches de la majestueuse bâtisse.

" Tiens un nouveau protagoniste ? "

Qui elle est ?... Une vipère, c’était certain.
Eden détailla la femme de haut en bas. De son tailleur Gucci, à sa coiffure impeccable, à son maquillage parfait et son air décidé. Ce menton fière et arrogant, elle ne le connaissait que trop bien, elle possédait le même. Pareil à la petite Eden dont les yeux était désormais fixés sur les perles d’Helen, son aînée de quelques années ne parvenait à détacher son regard des yeux de l’inconnue. Les yeux de son père.

- C’est… commença-t-elle… Elles parlent de… de mon père. Je crois. Bafouilla-t-elle.

Voilà qu’elle s’exprimait comme une lavée du cerveau. En bégayant, bafouillant, cherchant ses mots. Elle jeta un regard un peu dur à Léa, lui défendant par là même de se moquer ou de sourire. Mais Léa n’était pas de ces gens là et Eden se radoucit aussitôt.

- Il s’agit de…

Dévalant la pelouse qui le séparait du reste du groupe, le jeune garçon rejoignit Helen, d’un pas bondissant. Il s’arrêta devant la grille et offrit un sourire angélique à Elisabeth qui l’observait d’un air curieux.

- Bonjour, lança-t-il à la ronde.

Helen lui accorda un regard fier avant de se tourner à nouveau vers Elisabeth qu’elle gratifia d’un sourire cruel avant d’enchaîner d’un ton mielleux.

- Voici mon petit fils. Le seul.ajouta-t-elle avant de consacrer une moue dédaigneuse à l’attention de la fillette qui n’avait toujours pas détaché son regard gris du collier de la femme. Monte dans la voiture Nathan, on y va.

Le garçonnet obtempéra et grimpa dans le splendide véhicule dont la porte lui avait été ouverte par l’homme ganté, qui croulait sous les paquets. Ce dernier les plaça dans le coffre et s’installa au volant, non sans jeter un œil à la petite scène qui se déroulait sous ses yeux.

- Allez-vous en Elisabeth, il n’y a rien pour vous ici.
- Vous n’avez pas le droit…
- Une mère à tous les droits pour protéger son fils. Maintenant allez-vous en, avant que je ne prévienne la sécurité. Siffla-t-elle, empreinte d’une animosité qu’elle parvenait de moins en moins à dissimuler.

Elle tourna les talons, et grimpa à son tour dans la voiture, après avoir pris soin de se recomposer un visage bienveillant. Geste qu’Eden trouva bien trop familier à son goût. Elisabeth resta un instant devant la grille, regarda passer la voiture, serrant dans sa longue main blanche les petits doigts de la fillette qui ne disait plus rien. La jeune femme essuya une larme de son autre main. Lorsqu’elle se pencha vers sa fille, elle abordait à nouveau ce sourire angélique qui parsemait les rêves d’Eden.

- Viens ma puce, on y va.

La petite fille lui rendit son sourire et calqua ses pas sur ceux de sa mère pour disparaître au coin de la rue.

Eden les suivit des yeux, ses jambes trop faibles pour leur emboiter le pas. Elle s’assit un instant sur le muret où sa mère s’était tenue quelques instants auparavant, puis leva son regard gris vers Léa.

- Tu vois, pas de mort chez moi. Tout est très propre… Rien ne dépasse. Lâcha-t-elle d’un ton qui se voulait assuré.

Malgré son regard dur et son menton levé en signe de défi, les coins de ses lèvres tremblaient légèrement.

Eden semblait perdue. Loin de vouloir se moquer, Léa la comprenait puisqu’elle venait de vivre une situation analogue. Une chose était sûre, elle ne ferait pas de cette potion, sa boisson préférée. Trop douloureux…
Le nouveau venu vint les saluer avec sympathie.

" Ha ben, au moins quelqu’un de gentil dans les parages… "

Helen reprit aussitôt après l’intervention du jeune garçon, ses paroles melliflues commençaient à agacer Léa. N’y avait-il rien pour lui clouer le bec ?
Il fallut un certain temps à la brunette pour comprendre qui était exactement Nathan.
Tout d’abord, cette bonne femme était la grand-mère d’Eden, plus de doutes à ce sujet. Elisabeth et Helen parlaient toutes deux du père d’Eden, et ce Nathan était le petit-fils d’Helen ? Alors soit le père d’Eden avait un frère dont Nathan était le fils, soit ce dernier était le demi-frère d’Eden.

"Whou la famille, c’est d’un compliqué..."

Léa regarda la grand-mère d’Eden partir d’un air digne et hautain, absolument rien de ce que pouvait lui dire Elisabeth ne l’affectait. Jamais elle n’aurait supporté une grand-mère pareille, elle avait eu de la chance mais la sienne était partie trop tôt de son avis. La brunette trouvait celle-ci sans cœur et elle compatissait à la tristesse de la mère d’Eden.

- Quelle injustice !

Les deux dernière personnes de l’histoire s’éloignèrent et Eden s’installa sur le muret de la grille, Léa la rejoignit. Pas de mort certes, mais ce n’était pas le fait de se retrouver le jour de la mort de Lane qui l’avait le plus bouleversé, c'était les révélations qu’elle avait découvertes. Alors Léa savait que quoi qu’en dise Eden, ce petit épisode ne l’avait pas laissé de marbre.

- Tu savais que tu avais un cousin ? ou un demi-frère ?

Léa observa la rue vide à présent, se demandant s’il devait encore se passer quelque chose où si elles allaient toutes deux se réveiller comme prévu. Une fois rentrée, Léa chercherait des traces de sa sœur. Elle avait sûrement été à Poudlard avant de disparaître et Eden… chercherait peut-être son demi-frère si elle n’en connaissait pas l’existence ou peut-être pas… peut-être qu’elle reprendrait sa vie comme d’habitude sans avoir été affectée par ce qu’elle venait de vivre… peut-être pas…

- Oui j’avais cru comprendre que…

Que je n’étais pas le centre de l’attention de mon père.

Eden secoua la tête un instant puis leva les yeux vers Léa.

- En tout cas, j’espère qu’en Potions le prof t’a mis un O. Sinon c’est un abruti.

Et des abrutis, y en a plein. On en croise à tous les coins de rue. Parfois même, c’est affreux, on leur parle ou même on les touche. Pour un peu que l’un d’entre eux soit votre père ou votre prof, alors là on est foutu.

Bref.

- C’est sympa de ta part de m’avoir fait partager ta potion…

Et tes souvenirs…et les miens par la même occasion.

Eden tenta le sourire sincère qui dégénéra en grimace de celui-qui-vient-de-prendre-le-sel-pour-le-sucre.
Elle se sentait un peu perdue. Triste de constater à quel point son existence avait été des plus invisibles aux yeux de tous, et ridicule de se sentir atteinte par si peu de chose. Léa venait de revivre la mort de sa cousine, et elle, se sentait mal parce que… parce que rien. Parce qu’elle était Eden.

Déjà autour d’elles le décor fondait comme une aquarelle sous la pluie. Eden, regarda les arbres qui bordaient la route dégouliner tel un torrent de larmes vertes, les maisons fondaient comme des sculptures de glace qu’on aurait laissées au soleil et la route s’effaçait sous l’action d’une gomme invisible.

Si tu lèves pas tes fesses de ce muret tu vas disparaître avec…

Eden se leva… et se retrouva au sol, le nez dans la poussière d’une salle vide, quittée quelques heures ? Minutes ? Secondes ? Plus tôt.

- Yaaaaaaaaaaaaaaaaaak. C’est quoi ce truc ?

Un scolopendre aux couleurs rosacés traversait tranquillement les dalles de la salle de classe, sous les yeux médusés de la rouge dont le nez était à quelques centimètre à peine du curieux spécimen.

Jamais ses jambes ne l’avait relevée aussi vite. En moins de temps qu’il ne faut pour dire « pâtacitrouille » Eden était bien campée sur ses guiboles, à un mètre sécurisant de la bestiole. Ce fut seulement de là qu’elle remarqua Léa, qui tout comme elle, quelques instant auparavant, était à terre.

- ça va Léa ?

Le ton d'Eden était un peu vif, cherchant à masquer son embarras. Ses yeux scurtaient sa camarade, à la recherche d'un indice pouvant lui indiquer ce à quoi elle pensait.

Fais gaffe, y a une bestiole dégoûtante qui rampe dans le coin...

- Euh, et bien je ne m’en rappelle plus vraiment, je ne fais pas attention à mes notes…

Les notes n’étaient justement que des notes, ce n’était qu’une lettre inscrite au coin d’une page parmi d’autres et le principal était le résultat. Un résultat pas trop mauvais, mais Léa avait toujours apprécié la matière, elle imaginait bien plus tard, sa profession tourner autour de ça.

- Oh, ce n’était rien, je crois que je n’aurais pas franchi le pas sans toi, dans un sens c’est moi qui devrait te remercier…

Une Gryffondor effrayée d’affronter son passé, ce que ça pouvait être pathétique, non ?
Enfin le décor fondait autour d’elles comme un peu plus tôt dans le rêve de Léa, restait à savoir si le retour se ferait sans encombres. Ce qui se passa ou presque.

Léa ouvrit les yeux sur le plafond de la salle dans laquelle elles s’étaient installées. Quelques toiles d’araignées poussiéreuses subsistaient accrochées au lustre qui pendait d’une drôle de manière. Elle sursauta au cri d’Eden et releva brutalement son buste non sans arracher une grimace de douleur. Un bon matelas aurait quand même été plus confortable pour ce genre d’expérience.

- Oui ça va, répondit-elle en cherchant des yeux ce qui avait pu provoquer les cris de sa camarade.

Elle repéra finalement la petite bête qui fuyait se cacher derrière le pied d’une table et se retint de faire une petite remarque comme quoi qu’elles avaient de la chance, car elle pensait que ce type d’espèce était plutôt rare dans la région. Mais Eden n’avait pas l’air d’apprécier les petites bêtes qu’elles rampent, courent ou fassent de la broderie au plafond.

La brunette se releva, se frottant les mains, tant pis pour le jean on y repasserait. Elle se demanda combien de temps elles avaient passé dans cette pièce. Il ne faisait pas nuit noire dehors, donc en théorie elles avaient dû passer une à deux petites heures à rêver. La bibliothèque n’était peut-être pas encore fermée, mais peut-être était-ce un peu tôt de commencer des recherches surtout après ce qu’elle venait de vivre. Elle regarda Eden, se demandant ce qu’elle avait prévu de faire, ensuite. Non en effet Léa ne prenait pas souvent le temps de faire une pause, surtout quand elle était lancée dans quelque chose. Et là en l’occurrence, elle venait de mettre en route une machine qui n’était pas près de s’arrêter.

" Et maintenant?"

Fin