Spectatrice pour Serpentard

Tout avait commencé au réveil, ce matin-là. Son beau chat blanc avait semblé trouver amusant de venir lui chatouiller les narines avec le bout de sa queue, très fournie, à tel point que la première chose qu'elle fit avant même de comprendre qu'elle ne dormait plus fut d'éternuer bruyamment.

Elle n'avait par chance réveillé personne d'autre dans la chambre, car celle-ci était vide. Oui, vide. Toutes ses colocataires l'avaient désertée... et par ailleurs, il faisait bien trop clair. Elle avait mis un long moment à comprendre d'où venait l'erreur. Avant de se redresser vivement en se rendant compte que les chiffres indiqués par les aiguilles de sa montre n'avaient rien de rassurant. Rien du tout.

Elle s'était levée en toute hâte, envoyant sa couverture sur le dos de Muguet qui s'éclipsa en crachant.

-Désolée, Muguet, avait-elle lancé dans le vide tout en s'habillant.

Voilà que même son chat la fuyait. Elle songea furtivement qu'il ne s'était pas même montré de la journée. Elle allait encore devoir se faire pardonner par un pauvre félidé. Magnifique. Ce qu'il pouvait être susceptible quand il s'y mettait, celui-là...

Mais s'il n'y avait eu que cela... La ribambelle de pépins s'était poursuivie jusqu'au dîner. Après son réveil en catastrophe, elle n'avait pu prendre qu'une courte minute pour aller chercher de quoi grignoter avant de se rendre à son cours. Comme un malheur n'arrive jamais seul, elle avait trouvé la Grande Salle... complètement vide. Surprenant. Déçue et affamée, elle avait dû se résoudre à courir pour ne pas être en retard à son cours. Où elle avait fait de son mieux pour comprendre la leçon qui lui échappait finalement encore.

Le reste de la journée n'avait guère été mieux, à ce niveau. Elle en était sortie tellement frustrée qu'elle avait passé tout son repas à travailler, ne songeant à manger que lorsqu'il fut l'heure de retourner en cours. Et comme si tout cela n'était pas suffisant, Testarotho, l'abominable chat de son cousin, était venu lui imposer son envahissante présence durant tout le dîner.

Comme mauvaise journée, Loevi avait rarement vu pire.

Mais elle savait comment décompresser par un jour comme celui-ci. Après avoir fait un tour rapide dans sa chambre dans l'espoir de croiser son petit Muguet chéri, la jeune Poufsouffle se rendit au terrain de Quidditch, munie de son éternel petit carnet pourpre qu'elle s'était promis de noircir de quelques vers. Elle avait entendu dire qu'une équipe s'entraînait, ce soir-là, et comme, de toute manière, il y avait très souvent une équipe sur place... Elle pouvait tout aussi bien s'y rendre lorsque le terrain était désert, mais voir un entraînement ne lui ferait pas de mal, ce soir.

Elle grimpa tout en haut des gradins et s'assit sur le banc le plus élevé. De loin, elle voyait les membres de l'équipe s'avancer sur le terrain. Elle fronça les sourcils, bien qu'elle n'en aie pas réellement besoin : il ne faisait aucun doute que les sept silhouettes qu'elle apercevait portaient toutes du vert... Les Serpentard.

Elle se cala contre la rambarde de bois, dans son dos, et ouvrit son carnet en souriant. Il fallait bien admettre que les Serpentard n'étaient pas si mauvais. Même si, juste par esprit d'équipe, elle tentait parfois de se persuader du contraire. Mais après tout, ce n'était pas un match et il n'y avait personne de sa maison pour lui reprocher quoi que ce soit en cet instant. Les Serpentard étaient bons. Point.

Premier vers.

Il était 18h, un peu plus même. Le ciel clair, et la douceur du vent avait donné envie à Sakura de marcher sur l’herbe fraîche. Dès lors qu’elle avait poussé les grandes portes du château, la jeune fille s’était empressée d’enlever ses sandales des pieds.

Après une dure journée de travail et de réflexion intense (on y croit hein -_-‘), il semblait plus qu’agréable de sentir la végétation sous ses pieds. Un bonheur simple, mais doux.

Sans vraiment s’en rendre compte, Sakura marcha en direction du terrain de Quidditch. «Ah balais quand tu nous tiens ! »
Un coup d’œil en direction des airs. Il semblait que sept silhouettes volaient. « En tout cas, c’est pas Serdaigle, j’aurais pas oublié ça quand même... »
Un coup d’œil en direction des gradins. Seule une jeune fille semblait suivre l’entraînement. Quelques pas de plus en direction du terrain, et la jeune fille s’aperçut que c’était une Pousouffle qui suivait du regard les balais.

Sakura n’avait rien de prévu pour ce soir, elle pouvait donc prendre le temps de suivre des yeux l’entraînement de ce soir. Les chaussures toujours à la main, elle marcha nonchalamment en direction de la demoiselle.


- Salut toi ! Alors tu espionnes !? Rajouta t-elle en souriant.

Sakura n'avait jamais parlé avec la jeune fille auparavent. Mais elle la connaissait de vue, et elle était persuadée, que Loevi avait le sens de l'humour

Loevi était bien tranquillement en train de noter quelques vers... Mais décidément, qu'il était dur de ce concentrer dans les gradins d'un terrain de Quidditch... à plus forte raison quand les joueurs venaient de prendre leur envol. Elle avait remarqué qu'elle levait de plus en plus souvent les yeux vers le ciel, et que l'inspiration se faisait de plus en plus volatile. Mince, alors qu'elle se préparait à faire un poème épique sur les joueurs de Quidditch !

Finalement, elle posa son carnet sur ses genoux et observa avec passion l'évolution des joueurs. Mince, mince et re-mince. C'était parfait pour son poème, tout ça... mais impossible de quitter des yeux ces silhouettes volantes. Ah ça non, hors de question ! Ils y étaient, ils y restaient ! Ce que c'était agréable... La jeune brune se laissa aller à rêvasser en les suivant distraitement des yeux.

Si seulement elle avait pu être à leur place... Elle aurait beaucoup aimé voler comme eux dans ce ciel, sans contrainte, sans souci, sinon celui de suivre le vent là où il la mènerait... Mais... c'était impossible, pas tant qu'elle n'aurait pas vaincu son abominable vertige. Et c'était loin d'être gagné. Elle se souvenait encore avec horreur de son premier cours de vol... Une véritable catastrophe. Et même Madame Bibine n'avait pas insisté pour la faire remonter sur son balai. En y repensant... le professeur avait semblé aussi choqué que l'élève.

Non, plus jamais elle n'approcherait un balai, ni rien de ce genre. Comme les tapis volants, encore en circulation dans elle ne savait plus quel pays. Dès qu'elle s'en approchait, c'était le désastre assuré. Cela lui avait valu quelques railleries au début de sa scolarité, maintenant bien apaisées. Mais tout de même.

-Salut toi ! Alors tu espionnes !?

Loevi sursauta, elle n'avait pas entendu la jeune fille approcher. Elle leva la tête vers elle et se surprit à la détailler.

-Ah, euh... Salut, répondit-elle.

Puis elle assimila enfin la fin de la phrase. Stupéfaite, elle écarquilla les yeux... avant de voir le sourire agréable de son interlocutrice. Elle prit un air malicieux.

-Oui, j'espionne, souffla-t-elle. Même que je prends des notes, ajouta-t-elle en montrant son carnet.

Elle hocha la tête et se permit cette fois de la détailler ostensiblement, sourire en coin.

-Mais je vois que tu n'es pas de Serpentard, serais-tu toi aussi venue espionner l'équipe adverse ?

Puis, se laissant aller à un élan de crétinerie, elle lui tira la langue. On pouvait dire qu'elle avait sacrément besoin de se changer les idées. Et cela semblait bien parti !

- Est-ce que j’espionne !? Mmm voyons voir. Je suis batteuse dans l’équipe des bleus et argent et le Prochain match important sera Serpentard vs Serdaigle… Mmm Vois tu une bonne raison qui me donne envie de venir mettre mon nez par ici ?
- Moi je n’en vois aucune. Mais vraiment au-cu-ne. Juste pour le plaisir des yeux. Mais si tu voulais partager tes notes avec moi je ne dirais pas non hein

A aucun moment, Sakura n’avait eu l’idée d’espionner ses futurs adversaires mais maintenant qu’elle était là, la tentation semblait grande pour la jeune fille. Heureusement pour nous (ou devrais-je dire pour les verts), elle n’était pas avide de gloire. Elle ferait donc abstraction des tactiques employées ce soir et se concentrerait sur Loevi.

Loevi, de un an son ainée, paraissait aimer la vie et ne pas faire attention aux regard des gens. Car tirer sa langue en public ce n’était pas rien surtout devant une quasi-inconnue. Mais elle ne le regretterait pas, étant donné que Sakura possèdait elle aussi, ce petit coté espiegle.

Ce fut donc sans surprise que Sakura prit place aux cotés de la poufsouffle. Et ni une, ni deux, elle contre-attaqua en tirant la langue elle aussi, les mains vissées sur la tête, essayant d'imiter un lutins canailloux. Enfin, elle essayait car elle n'avait que très peu de talent dans ce genre de choses, ce qui rendait "l'imitation" encore plus drôle

Voilà qui était fait. Rester plus qu'à lui subtiliser son carnet et vérifier ce qu'elle avait marqué à l'intérieur. Meuh non, Sakura ne ferait jamais ça. Elle allait demander tout simplement :

- Mais dis alors, c'est des vraies notes ? Un petit sourire en coin, et elle aurait une hypothétique réponse.

Loevi était ravie. Positivement ravie. A aucun moment de cette maudite journée elle ne s'était attendue à croiser le chemin d'une jeune fille aussi malicieuse qu'elle. Car oui, la jeune fille qu'elle avait face à elle était malicieuse. Preuve en fut si besoin la réponse qu'elle donna à la question de la Poufsouffle, ainsi que la petite mimique qu'elle lui renvoya, agrémentée de drôles d'oreilles. Amusée, Loevi éclata de rire. Si la journée avait mal commencé, au moins risquait-elle de finir dans la joie et la bonne humeur.

-Ça, de vraies notes ? répondit-elle lorsque la jeune fille le lui demanda. Non, pas du tout, de toute manière, je n'y comprends rien, en tactiques de Quidditch...

Elle se permit un sourire à demi gêné. Elle se souvenait avec embarras des nombreuses heures durant lesquelles son cousin avait tenté - sans succès - de lui faire comprendre les différentes stratégies et figures du Quidditch. Il finissait invariablement en colère, la traitant d'idiote et la laissant sur le carreau, chagrinée. Alors elle faisait des efforts ; mais cela ne changeait jamais rien. Dire qu'elle adorait ce sport...

Elle regarda son carnet, puis tourna la tête vers sa voisine, semblant la jauger du regard. Lui dire, ne pas lui dire ? Puis elle songea que, d'une part, cela n'avait rien d'un secret et, d'autre part, la Serdaigle avait un sourire avenant et lui inspirait confiance. Excepté...

-Eh ! Je ne connais même pas ton nom ! réalisa-t-elle soudain, stupéfaite.

Légèrement mal à l'aise, elle laissa échapper un rire forcé et décida de se présenter en premier.

-Loevi Leroy, cinquième année à Poufsouffle, lança-t-elle rapidement. Je fais vraiment tout de travers aujourd'hui... ajouta-t-elle d'un air contrit.

Je m’excuse expressement du retard Perte totale de motivations, mais c'est revenu

Non, pas du tout, de toute manière, je n'y comprends rien, en tactiques de Quidditch...
A cette révélation, Loevi fit un sourire contrit. Sans doute la fait d’avouer ça à une joueuse de Quidditch , la rendait un peu nerveuse. Mais y avait pas de quoi, mais vraiment pas de quoi …

- Oh tu sais, je vais te dire un secret. Sakura s’approcha un peu plus près de la poufsouffle et lui glissa à l’oreille : Même moi qui suis batteuse à Serdaigle, je connais pas toutes les formations et les tactiques. En général je fonce dans le tas et je me donne à fond et ça marche aussi bien

Elle recula l’instant d’après, un large sourire aux lèvres. Cette rencontre s’annonçait prometteuse. Bien qu’elle connaissait du monde au château, Sakura avait toujours besoin de faire de nouvelles rencontres, et de se retrouver baguette à baguette avec quelqu’un qui possèdait son enthousiasme. Et c’était chose faite !
Les élèves du château étaient parfois trop sérieux pour Sakura qui avait besoin de sa dose journalière de fous rires.


Un petit regard en coin, et Sakura aperçut deux Serpentards qui avaient faillit se percuter de plein fouet. La demoiselle étouffa le rire qui montait dans sa gorge et pesta contre elle-même. Elle était vraiment incapable de résister et de suivre ses promesses. Mais c’était tellement délicieux de les voir « mal » joué. Elle se retourna bien vite quand Loevi lui demanda son nom.

- Mon nom retient le bien. Car bientôt il fera parti de l’histoire ! Dit –elle avec un air canaille. Tiens d’ailleurs je vais peut-être te signer un autographe maintenant au cas où… Sakura fit mine d’attraper un papier dans la poche de son manteau mais se ravisa soudain.
Plus rapide qu’un écureuil à la poursuite d’une noisette, Elle attrapa le crayon de Loevi et son carnet. Elle l’ouvrit à une page au hasard -une page vierge en passant- et marqua :



- Garde le précieusement maintenant. Rajouta t-elle avec un clin d’oeil.

(HJ : pas grave pas grave, ça arrive ^^)

Loevi écouta avec une surprise non feinte la jeune fille avouer en toute sincérité qu'elle-même ne connaissait pas tout aux tactiques quidditchiennes... tout en étant joueuse ! Elle se retint de rire mais ne put empêcher de sourire. Elle avait trouvé pire qu'elle, dans ce cas.

En revanche... elle n'avait pas souvenir de l'avoir vue jouer. Elle réfléchit rapidement aux équipes adverses - Gryffondor et Serdaigle, c'était rapide - et retrouva enfin la silhouette de la jeune fille filant à toute vitesse dans les airs. Oui, oui, c'était bien une joueuse, aucun doute. Et fonceuse, avec ça. La mémoire de Loevi lui jouait de sacrés tours, aujourd'hui...

-Mon nom retiens-le bien. Car bientôt il fera parti de l’histoire ! déclarait celle-ci en réponse à sa question.

Elle parut vouloir prendre quelque chose dans son sac mais changea finalement d'avis. Loevi vit sans avoir le temps de réagir son carnet lui échapper des mains : plutôt que de se présenter, sa voisine avait décidé de lui signer un autographe ! Elle la regarda avec des yeux ronds ouvrir le carnet au hasard et annoter la page blanche ainsi trouvée. Penchée au-dessus du carnet, elle lisait les mots à l'envers au fur et à mesure qu'ils étaient écrits.

-"A ma... chère Loevi... ma première... supportrice !" ? Sakura Haruno...

Elle sourit et se rassit correctement en reprenant son carnet. Bon, la dénommée Sakura avait utilisé son précieux carnet pour sa petite signature, mais à vrai dire, la Poufsouffle était infiniment plus ravie qu'indignée. Cela lui rappelait qu'elle-même était capable des mêmes frasques... D'ailleurs, ne lui était-il jamais arrivé de noter des bêtises sur les parchemins de cours de ses camarades ? *Hum pensons à autre chose...*

-Sakura Haruno, répéta-t-elle. Ce n'est pas anglais ça, pour sûr. Moi c'est Loevi Leroy, poète en herbe. Mais j'ai bien l'intention que ce carnet devienne doublement précieux, si tu vois ce que je veux dire ! lança-t-elle en brandissant ledit carnet.

N'avait-elle pas exagéré en affirmant cela ? Poète connue, c'était un peu prétentieux pour elle, songeait-elle. Et puis... ce n'était pas l'avenir qui l'attendait, loin de là...

Sakura écoutait avec attention les propos de sa camarade, et sourit à l’évocation de son talent. Elle lui parlerait de ses origines un peu plus tard. Pour le moment, elle était intéressée par la fin de sa phrase…


- Poète en herbe … Tu connais donc l’art et la manière d’utiliser les mots pour en faire des poèmes. Que j’aimerais comme toi avoir la plume facile. La seule fois où j’ai été contrainte d’en faire un le résultat n’a pas été très original. En faite contrainte est un bien grand mot, c’était à l’occasion du bal de la Saint valentin Une petite épreuve parmi tant d’autre. D’ailleurs Loïc lui m’a fait un sublime poème.
- Heureuse de le faire, mais stressée de faire partager à mon cavalier et aux autres couples.

- Mais tu sais qu’il ne faut pas dire des choses comme ça à moi, car je suis très curieuse. Maintenant que tu m’en as parlé, tu m’a donné envie d’en lire un Un des tes poème.

Et une perche tendue pour réussir à lire dans son carnet. Pas dans l’intérêt de lire ses confidences, mais elle devait bien avoir une petite création sous la main. Pas forcement tout de suite, mais peut être la prochaine fois qu’elles passeraient du temps ensemble.
Sakura ne regrettait pas le moins du monde d’avoir marché jusqu’au stade en cette fin de journée. D’ailleurs il commençait à faire un peu froid. La demoiselle se pencha alors pour remettre ses sandales au pied et ainsi réchauffer ses petits petons.
Une petite brise insufflait de la vie à ses cheveux roses qu’elle avait gardés lâchés. Mais pour le moment ses petits détails de la nature lui importaient peu. La compagnie de Loevi lui suffisait pour ne pas s’inquiéter du temps.

Sans doute le début d'une amitié... Du moins l'espérait-elle

Saint Valentin ? Le terme accrocha l'attention de Loevi, qui fallit presque en oublier le reste. C'est vrai, il y avait eu la Saint Valentin. Quand était-ce déjà ? Voilà bien une date qu'elle oubliait facilement sans le moindre complexe ! Elle fut en tout cas ravie d'apprendre que Sakura semblait avoir quelqu'un dans sa vie. Ça ne la concernait pas, et elle ne connaissait la jeune fille que depuis quelques minutes, mais elle était ravie tout de même.

Elle eut envie de lui demander les poèmes, mais se retint à temps : c'était infiniment personnel, un poème de Saint Valentin... Ce serait s'immiscer dans leur vie privée que de demander à les lire. Quoique... partager avec les autres couples ? Elle comprenait aisément que ce n'ait pas été chose facile.

Mais Sakura enchaîna... Lui montrer un de ses poèmes ?! Loevi s'y était attendue, c'était certain mais... cela ne l'empêcha pas de sursauter, et se sentir la chaleur lui monter aux joues. Joues qu'elle dissimula derrière ses mains en laissant échapper un petit rire.

-J'aurais mieux fait de me taire ! lança-t-elle.

Mais, jetant un coup d'œil à sa voisine entre ses doigts écartés, elle vit que celle-ci était sincère. Et puis, elle savait à quoi s'attendre, en déclarant qu'elle était poète. Elle se massa les joues, yeux fermés et sourire aux lèvres, et finit par se décider.

-Allez, allez, pas de chichis. Je t'en montre un...

Et tandis que Sakura remettait ses sandales - *Tiens, c'est pour ça que je ne l'ai pas entendue approcher...* - et attendait patiemment, Loevi parcourut les premières pages de son carnet, plongée dans une intense réflexion, repoussant distraitement les quelques mèches de cheveux que le vent ramenaient sur son visage.

Que montrer ? Elle ne pouvait pas lui faire lire n'importe quel poème. Certains étaient franchement dénués de tout intérêt, d'autres en revanche étaient si personnels qu'elle n'était même pas sûre de les faire lire à quiconque un jour. Elle faillit à plusieurs reprises s'arrêter pour en lire quelques-uns, mais ce n'était pas le moment. Pas le moment de perdre du temps à relire ses créations, et pas le moment d'y trouver matière à sombrer dans la mélancolie.

Elle allait se résoudre à abandonner quand l'un d'eux lui sauta aux yeux. Peut-être pas une pure merveille, mais elle l'aimait bien. Elle le relut rapidement en souriant, se rappelant du contexte inexistant de ce poème. Oui, aussi étrange que cela puisse paraître, celui-ci n'avait aucun contexte, aucune inspiration particulière. Et il n'était pas si affreux, ce qui était rassurant.

Elle regarda Sakura et lui tendit le carnet, ouvert sur ce poème :

Citation :

Monseigneur

Je ne sais que dire, cher Monseigneur,
Vous êtes notre maître,
Vous êtes plus que traître,
Que puis-je vous dire, cher Monseigneur ?

La vie et la mort, ici tout vous appartient,
Le vin des amphores, ce n'est pas votre travail,
Nous l'avons cultivé pour payer notre bail,
Mais nos pensées et nos envies sont notre bien.

-Désolée, c'est loin d'être l'un des meilleurs que j'ai pu faire... s'excusa-t-elle.