Imprévisions... [PV Adel]

Léa avançait dans un couloir. Lequel ? Elle n’en savait rien. Depuis qu’elle s’était réveillée ce matin, elle avait une migraine terrible. Aller à l’infirmerie ? Oui peut-être, mais… non ça finirait bien par passer. Pourquoi elle marchait dans ce couloir ? Sûrement pour se changer les idées. Rester enfermée dans la salle commune ne l’arrangerait pas. Une dalle, deux dalles…

" stop, ça ne va pas… "

Elle s’arrêta contre un mur, s’y appuya et repris son souffle. Elle ferma les yeux, tenta de se détendre et de penser à autre chose. Etrangement cette nuit, elle n’avait pas rêvé, mais la migraine ce n’était pas mieux. Pas rêvé, façon de parler, disons qu’elle n’avait pas eu affaire à des rêves étranges comme ceux qui l’obnubilaient depuis le début de l’année. Pourquoi rêvait-elle de ces choses ? Elle ne savait pas. Presque les même rêves chaque nuit. Chacun contenant des souvenirs d’enfance plus ou moins étranges. Sa migraine passait, du moins ce n’était plus aussi douloureux qu’avant. Elle garda pourtant les yeux fermés, comme si ça l’aidait à aller mieux. Si quelqu’un passait dans ce couloir et la voyait ainsi, il se demanderait ou était passée la joyeuse Gryffondor qu’elle était.

" bon je ne vais pas rester plantée là ! de toutes façons ça n’arrangera rien, la migraine ne partira pas comme ça… "

Elle se détourna du mur, n’ouvrant pas les yeux immédiatement, à tort.

[hj: voilou et encore merci de m'aider!]

Calfeutrées dans la salle commune des Serpentard, les âmes vivantes rient et s'amusent bruyamment. Les âmes mortes fuient la masse et vont se promener pour retrouver un peu de calme. Suite à la Green Party, beaucoup de ses compagnons de maison avaient la tête de bois, ce qui avait eu le mérite de faire sourire Adel. Ceux-là étaient calmes, les autres étaient inépuisables de vantardise et fêtaient encore depuis plus d'un mois leur grande victoire sur Gryffondor.

Au détour d'un couloir par lequel je dois passer pour me rendre vers l'escalier principal menant au Grand Hall, il y a une jeune fille adossée à un mur. Elle ne bouge pas. Bref regard derrière moi puis autour de nous. Rien.

J'avance tout doucement ne sachant pas si elle cherche à être seule ou si elle va mal.
J'avance encore, ses yeux sont fermés.
J'avance toujours sans m'arrêter et la rejoins bientôt. Elle ne m'entend donc pas? Ses pensées doivent l'avoir mené très loin au fond d'elle. Je me baisse un peu pour voir son visage mais ce que je vois en premier, c'est son blason épinglé comme un avertissement.

Au moment où je vais reculer, elle rouvre les yeux et fait un pas en avant. Non, décidemment, elle n'avait pas senti ma présence. Surpris, je n'ai pas le temps d'éviter l'impact. Elle me marche sur le pied. Déséquilibrés, nous tombons tous les deux à la renverse.

Instinctivement, j'enroule mes bras autour des siens pour que cela ne soit pas contre les dalles mais sur moi qu'elle échoie. Le choc est rude. Tête, dos, coudes rencontrent le sol intraitable. La masse corporelle de la Gryffondor sur mon abdomen me coupe la respiration. J'exulte à l'intérieur mais ne cris pas.


La surprise passée, j'ouvre les yeux. Mon sac est à côté de ma tête, il s'est ouvert et tout s'en est échappé mais la fille a l'air intact.

- Ca va? Je demande sans pouvoir me dégager.

À tort oui… Léa a rouvert les yeux, mais trop tard… Quelqu’un est là. Coupée du monde qui l’entoure, par ses réflexions, elle n’a rien entendu venir. La personne est bien trop près d’elle. Le choc est inévitable. Léa se sent partir vers le sol, mais il se produit quelque chose d’étrange. Ses yeux se ferment d’eux-mêmes et elle n’entend plus rien non plus. Puis une lumière aveuglante. Celle-ci s’efface très vite et laisse place à un décor qui n’a rien à voir avec le couloir dans lequel elle se trouve.

Il s’agit d’une véranda. De grandes baies vitrées donnent sur une cour entourée d’arbres immenses, cachant la pièce de la vue des voisins. Il y a deux enfants. Un garçon et une fille, assis sur banc, une pile de livres à côté deux. Ils se ressemblent beaucoup. La jeune fille paraît fatiguée et a le visage plutôt pâle.

Léa n’en voit pas plus, la lumière aveuglante revient. Ses yeux s’ouvrent alors très rapidement sur le visage d’un jeune homme. Elle se remémore le mur et la chute. Il lui demande si ça va et Léa lui répond doucement :

- Je… je crois, oui…

Elle se dégage alors doucement du garçon, et se met sur les dalles à genou. Elle analyse ensuite la situation. Les affaires du jeune homme sont éparpillées au sol à côté de sa tête. Elle se sent alors idiote de n’avoir pas été plus vigilante, rougit et se mord la lèvre inférieure.

- Je suis désolée, je… ne faisais pas attention…

" évidemment que je ne faisais pas attention, sans ça, rien ne serait arrivé… "

Elle détourne la tête et repense à cette… sorte de… vision… puis lentement elle se rend compte… sa migraine est passée.

Je me relève sur mes coudes et passe ma main sur mon ventre qui lui ne va pas très bien. Je reste ainsi un petit peu le temps de reprendre compètement mon souffle puis m'agenouille à mon tour face à elle. Elle semble être perdue. Ailleurs. J'imagine qu'elle est encore sous le choc.

Je tourne ma tête vers mes affaires éparpillées: livres et manuels de cours, encrier renversé, plume tordue et cassée, inutilisable... puis il y a mon livre avec la photo de Mai-Lan qui ne me quitte jamais. Avant d'entreprendre de tout récupérer, je m'assure qu'elle va bien tandis que mes yeux descendent le long de ses bras. Simplement vérifier qu'il n'y a pas de plaie. Elle se tient debout, ou presque. Je suppose que tout va bien donc, je récupère ma Serpentard attitude et me referme comme une huitre en détournant le regard d'elle.

- Pas grave, dis-je d'une voix neutre en commençant à ramasser mes affaires.

Je sens un petit cognement sur mes coudes. Comme si le choc se répercutait encore dans mes os. Je laisse mes affaires de côté le temps de vérifier les séquelles: presque rien mais ça saigne. Aller, direction infirmerie ou juste un peu d'eau fera l'affaire?

Silence.

* Pourquoi elle a l'air si stone si ça va? *

Léa reste pensive un moment, puis elle s’aperçoit que le jeune homme à côté d’elle, s’est relevé. Elle hésite, puis finalement se retourne vers lui quand il lui annonce que ce n’est pas grave. Il a commencé à ramasser ses affaires. Léa s’approche alors :

- Attends, je vais t’aider…

"Après tout, c’est ma faute si tout est dans cet état… "

Léa avance ses mains vers les affaires pour les rassembler mais s’arrête. Une goutte de sang tombe au sol. Elle provient du coude du jeune homme. Son regard remonte vers son visage. Elle ne le connaît pas mais elle l’a déjà vu. Quand ? Il n’y a pas cinq minutes, certes dans le couloir mais pas seulement. C’est le garçon de sa vision. Surprise, elle fixe le jeune homme.

" c’est lui…oui mais dans ce que j’ai vu, il avait l’air plus jeune…"

Elle reporte son attention sur son coude. Ce n’est certainement pas elle qui lui conseillera l’infirmerie. Cette salle, elle ne l’a jamais aimé, elle ne l’aimera sans doute jamais et tant qu’elle le pourra, elle l’évitera. Elle ne sait pas comment réagir, à part s’excuser… mais ça, c’est déjà fait. Elle reste là, sur le sol froid sans savoir quoi dire, sans comprendre non plus, ce qui lui est arrivée.

Léa sursaute, en entendant la voix directe du jeune homme. Elle le regarde à nouveau, et baisse les yeux très vite. Pour le coup, elle ne sait pas quoi répondre. Lui dire ce qu’elle a vu ? Il la prendrait pour une folle. Elle ne comprenait même pas comment elle avait pu voir ça, ça n’était pas normal. En étant sorcière, la conception du normal était différente, mais quand même.

- Non… enfin je veux dire…je…je t’ai juste regardé parce que…

Elle s’arrête de parler. En rajouter n’arrangerait pas sa situation et maintenant elle se sent gênée de l’avoir observé, bien qu’elle en ai le droit. Léa tord une mèche de ses cheveux, regardant tout, sauf le jeune homme. Elle lâche alors ses cheveux pour débarrasser un peu le sol. Elle réunit les livres de cours en premier lieu, les seuls objets encore intacts. Elle les réunit en pile silencieusement. De l’un d’eux s’échappe une photo. Léa la rattrape prestement et y jette un coup d’œil furtif avant de la remettre à sa place. Mais quelque chose l’en empêche. Elle y voit à présent la jeune fille de sa vision. Elle relève la tête brusquement.

" ça n’est pas une coïncidence, ça… "

Une question brûle les lèvres de Léa, mais elle se retient, gardant la photo à la main.

La jeune fille paraît soudain gênée et s'évertue à rassembler mes affaires pour passer à autre chose. Je la regarde faire. cette fois-ci c'est à mon tour de la dévisager car je ne comprends pas son comportement.

* Elle ne sait pas terminer ses phrase, ou... quel est son problème? * me dis-je en me grattant le coin d'un sourcil, avec confusion.

En tâchant de rapporter mes livres et autres feuilles de parchemin près de nous pour que je puisse les enfouir dans mon sac, elle s'arrête à nouveau de bouger devant la photo qu'elle vient de trouver. Je sais qu'il s'agit de la photo de Mai-Lan. C'est la dernière qui a été prise d'elle. Mon bien le plus précieux. Assise dans une barque, elle y a un sourire radieux et balaye l'eau du bout de ses doigts en fixant droit devant elle. C'est ma mère qui a pris la photo depuis la rive.

La rouge et or adopte un comportement très bizarre devant la contemplation de l'image que je ne tarde pas à lui arracher violemment des mains sans parler.

Après un temps et avoir remis la photo dans le livre que je fourre dans mon sac avec précipitation, ainsi que le reste de mes affaires pour qu'elle ne touche plus à rien, je lui dis entre les dents:

- Je m'appelle Adel.

C'est la seule chose que je trouve à dire après tout ce temps.
Je ne trouve rien à ajouter. J'aimerais m'excuser de ce geste violent mais je n'y parviens pas. Elle n'avait qu'à pas toucher à mes affaires. Où a-t-elle la tête? Les Gryffondor sont vraiment étranges.

Elle ne garde pas la photo à la main longtemps. En effet le jeune homme la lui reprend violemment. Vu le comportement de celui-ci, sa question elle la gardera pour elle. Elle la ressortira peut-être à un autre moment, celui-là n’est pas le bon. Léa le laisse ranger le restant de ses affaires seul. Elle n’a pas envie de toucher à autre chose de toute façon. Il se présente, et Léa répond simplement :

- Moi c’est Léa.

Elle ne dit rien d'autre, non... poser une question sur quelque chose qui ne la regarde pas ou presque, même si elle en a envie n'est pas la solution. Puis elle repense à cette photo. Qui était-ce ? A moins de lui demander, elle ne le saura pas. Mais elle n’ose pas. Pour une fois que la curiosité ne l’emporte pas… à l’occasion, c’est le silence qui l’emporte.

"Quelque chose à dire, trouve quelque chose à dire… je suis désolée pour la photo ? non il va croire que je n’ai que ça à faire que de m’excuser… "

Elle ne s'est jamais sentie aussi idiote, à ne pas savoir quoi faire, quoi dire. Toujours au sol, Léa pense à se relever. Le carrelage froid n’est pas confortable et il n’y a plus vraiment de raison d’y rester.

Elle se relève. Je fais la même chose en vérifiant autour de nous qu''il ne reste rien. Les dalles son nette, alors je reporte mon regard vers Léa qui vient de se présenter à son tour. A son de sa voix, je devine que mon geste l'a vexé. Je soupire faiblement avant de reculer de quelques pas pour m'adosser au mur en mrant le plafond.

Un lourd silence s'installe et je mens complètement incapable de le briser.

Je réfléchis, je réflechis, je réfléchis à toute vitesse. Comme c'est dur de dire pardon. Je le dis pas. Pour quoi? Je suis dans mon bon droit après tout.

* Elle me bouscule, elle fouille dans mes affaires alors que je venais voir si ça allait. *

De toute évidence, cette fille ne va pas bien. Elle agit comme une malade metale sortie de Sainte Mangouste. J'écarquille les yeux en dandinant légèrement la tête. Signe négatif qe j'accompagne de court: pf, pf, pf d'un faux désespoir, sur l'expiration:

- Vous voyez comme vous agissez dans votre maison de fou. Ce n'est pas étonnant que nos deux maisons ne se comprennent pas. Tu as l'air d'un zombie qui cherche l'aventure à tout prix, je lui lâche sans reproche mais comme une affirmation définitive. Un jugement sans appel et hautement mélodramatique.

Je finis par lui sourire de bon coeur malgré le pic sans véhémence que je viens de lui envoyer:

- C'est quoi ton problème?

Léa regarde ailleurs maintenant. Aux paroles d’Adel elle se retourne vers lui et lui répond froidement.

- Ma maison n’est pas une maison de fous ! Et je suis loin de chercher l’aventure en ce moment même !

Léa a changé d’avis, elle n’a plus envie de s’excuser devant quelqu’un qui la traite de folle. Et voilà qu’il se met à lui sourire après l’avoir jugé de cette manière. Qui est fou dans cette histoire ? Mais elle se rend compte que son attitude n’a pas été des plus banale. Peut-être que finalement si elle ne veut pas passer pour une folle, il vaut mieux expliquer ce pourquoi elle est là. Elle baisse les yeux, inspire un coup et s’explique :

- Je n’étais pas bien ce matin et je suis sortie pour me changer les idées. Lorsque tu m’as vu appuyée contre ce mur, j’avais une migraine atroce.

Léa s’arrête. La suite, elle n’a pas envie de la raconter. A coup sur qu’il va la prendre pour une folle.

" Je ne l’ai même plus ma migraine… j’aurais du raconter autre chose, mais quoi ? "

Elle reprend tout de même :

- Et j’ai voulu repartir mais, la suite tu la connais… enfin là je n’ai plus mal à la tête.

" Guérison miraculeuse ? Ben tiens ! je suis fichue… "

- Cette fille sur la photo, qui étais-ce ?

Finalement, elle se dit qu’elle ne voit pas le mal à le demander. Il lui répondra s’il en a envie, sinon tant pis.

Il répond, Léa se met à réfléchir.

"bon alors, récapitulons ! un, je n’ai pas halluciné, ces personnes existent, deux, génial je ne suis pas folle ! trois, mais pourquoi j’ai vu ça ? c’était quoi au juste? "

Mais pour le coup Léa repense à ses paroles, il a dit sœur jumelle. Mais elle n’a pas souvenance de l’avoir déjà vu. Bien sûr, Poudlard est grand et elle ne peut pas se vanter de connaître tout le monde. Le silence toujours, entrecoupé par ci, par là, mais toujours dominant.

- je pense l’avoir déjà vu quelque part… elle est à Poudlard aussi, non ?

Léa demande cela doucement. Son but n’est pas de brusquer Adel, déjà en a-t-elle un ? connaître les gens de sa vision ? ça ne lui expliquera pas grand chose, mais pour l’instant elle n’a que ça. Léa voit très bien qu’il a des doutes vis à vis d’elle, mais elle se borne à ne rien dire de ce qu’elle a vécu, du moins pour le moment, tant qu’il n’y en a pas de raison.

La raison de tout dire, la voilà qui approche à grands pas. Adel s’est maintenant rapproché d’elle. Léa est troublée, elle se sent soudain bien petite, mais elle ne bouge pas. Elle sait qu’elle n’aurait pas du être aussi indiscrète, ou encore être aussi bornée à ne rien vouloir dire. Les cachotteries sont près d’être terminées, mais elle bloque. Fuir ? Non ce n’est pas son genre. Mais elle donnerait presque n’importe quoi pour revenir en arrière et revivre sa petite vie tranquille. C’est peine perdue…

- Je ne veux rien…

Léa répond simplement, presque franchement.

- ou si plutôt, je veux comprendre ce qu’il m’arrive depuis un bout de temps…

Léa baisse les yeux et réfléchit, elle ne sent pas prête à expliquer ce qu’elle a pu vivre quelques instants auparavant mais elle sait qu’elle n’a pas beaucoup le choix. Elle relève la tête et le fixe à nouveau.

- je vais t’expliquer ce pourquoi je te parais étrange dirons-nous… à toi de voir si tu me crois ou pas, je veux juste que tu gardes cela pour toi, je ne tiens pas à ce que cela se sache…

Léa le regarde pour voir comment il va réagir. Ce n’est pas qu’elle ne lui fait pas confiance mais elle préfère mettre les choses au clair avant de continuer.

Après la réponse simple d’Adel, Léa sent se refermer les issues autour d’elle. Le couloir est toujours aussi spacieux mais échapper aux aveux, inutile d’y penser. Elle ferme ses yeux puis les rouvre, résignée.

- tu demande pourquoi je me suis intéressée à ta sœur… sache que je n’ai pas menti en disant que je l’avais déjà vu… en vérité pas exactement…mais…

Léa sait que tôt ou tard elle devra avouer, mais elle a cette manie de prendre son temps avant de révéler les choses. Elle sent qu’elle va vite devenir agaçante si elle continue ainsi. Elle prend une inspiration avant de lâcher à contrecoeur, en baissant les yeux:

- j’ai eu une vision quand on s’est percuté et je l’ai vu et…et je t’ai vu toi aussi…

elle se sent idiote, sûrement qu’elle devait être rouge de honte. Pourtant pas de quoi en avoir honte, mais c’était comme ça. Les yeux fixés sur les dalles, elle attend, elle ne sait plus quoi dire.

"faut que ça m’arrive à moi, bien sûr… je vais passer pour une aliénée "

Cela parait tellement gros, que ça n’étonnerais pas Léa qu’Adel ne la prenne pas au sérieux.

C'est donc une vérité et il n'y a plus à en douter: les Gryffondor sont des barjots. C'est du moins la première chose qui me vient à l'esprit quand Léa aussi rouge que son blason, m'avoue avoir eu des visions. C'était le mensonge le plus minable qu'on ne m'ait jamais fait.

Je ferme doucement les paupières avant de me reculer pour contempler ce qu'il restait de Léa: le haut de son crâne. Elle avait la tête baissée et les yeux perdus dans les dalles. Comment réagir à cela? Prendre son temps, tout d'abord. Savoir jusqu'où elle ira dans ce mensonge. Etait-ce possible d'avoir des visions? Oui. Si on s'appelait Trelawney et qu'on buvait des litres de Xerès en douce dans le haut de sa salle de divination.

Je tends doucement ma main vers le visage de Léa... hésite... puis me ravise et la laisse choir le long de mon corps. Je n'ose pas la toucher mais je veux voir ses yeux. En voyant son regard, je saurai si elle ment. Je ne saurai pas pourquoi elle ment, mais je devinerai le subterfuge.

Le silence commençait à être long et il n'y avait pas dix façons d'en avoir le cœur net. Ses yeux et la tester. Alors je relève à nouveau mon bras vers elle pour poser délicatement ma main sur sa joue et redresser son visage vers le moi.

Quand j'ai les yeux plongés dans ceux de Léa, je lui laisse voir un autre Adel: un sourire doux accroché aux lèvres, un regard pétillant qui montre que je suis disposé à parler et une attitude confiante.

Je relâche son visage tout aussi lentement et lui dis après un grand soupire qui se veut compréhensif pour l'état dans lequel elle semble se trouver:

- Bien... nous sommes donc en présence de quelque chose de tout à fait... exceptionnel... extraordinaire, même.

Il fallait bien ça pour essayer de la mettre en confiance. Au moindre soupçon, je serai intraitable mais la vérité arrivera si je montre de la patience. Je ne suis pas pressé de lui infliger ses quatre vérités. Ce qui me choque néanmoins, c'est que dans ses yeux, je ne décèle aucune malice, aucune faille mise à part sa crainte de passer pour une folle. Ce qu'elle est de toute manière à mes yeux.

* Mensonge ou pas mensonge ? *

- C'est la première fois que cela t'arrive ou...? dis-je en laissant ma phrase en suspend pour qu'elle la complète, confirme ou infirme.

Léa fixe le sol, elle n’aura pas le courage de relever la tête et d’affronter la sentence. C’est Adel qui lui relève le visage, il sourit doucement. Inquiète, Léa le regarde. Il prend la parole, et elle cesse de respirer un instant, appréhendant le pire. Lorsqu’il finit sa phrase, Léa relâche la pression. Il ne la rejette pas du moins à première vue. Il lui pose une question et Léa répond :

- Oui, je n’ai jamais eu ça avant. Pas à ma connaissance.

Léa respire doucement, elle ne sait pas s’il la croit, mais qu’est-ce qu’elle pourrait dire de plus pour qu’il la croie. Elle n’a pas vu grand chose et c’était si inattendu.

- Ça paraît idiot, n’est-ce pas ? je suis désolée, je ne voulais pas t’embêter comme ça…je ne comprends pas…

Et voilà, pour changer, elle s’excuse. Au fond elle en viendrait presque à regretter ses rêves. Elle se demande qu’est-ce qu’elle a bien pu faire pour mériter ça. Elle n’y gagne qu’à se sentir mal et elle n’a plus personne à qui se confier. Sa grand-mère est décédée et ses parents sont devenus distants. Si elle n’avait pas sa petite fierté, elle fondrait en larmes. Mais elle se retient. Au fond d’elle même, elle espère. Elle espère qu’il va la croire, ne pas la rejeter. Et si ce n’est pas le cas ? elle partira avec dignité, mais elle aura mal.

- Non, ça ne parait pas idiot, en fait.

Je mets un certain temps avant de réaliser que c'est à cause de mon comportement qu'elle a cette attitude qui pousse au doute. Elle ne me donne aucun élément qui me permette de la croire. Pour l'instant, elle a l'air sincère mais des fois l'on se trompe et l'on se fourvoie seul. Elle aurait très bien pu voir cette photo, ou Mai-Lan, ailleurs... à un autre moment et en avoir gardé un vague souvenir qu'elle prit pour un rêve éveillé. Je ne sais pas exactement où elle aurait pu voir Mai-Lan, ou une de ses photos, mais les impressions de déjà-vu sont fréquentes. Juste un dérèglement.

* Elle est donc peut-être sincère mais se trompe... *

- Ca arrive à tout le monde les impressions de déjà-vu, fais-je pour tenter une autres explication, plus plausible cette fois.

Je guette sa réaction pour savoir si elle avait pensé à ça. Si la solution pouvait être celle-ci. Dans ce cas, il ne serait vraiment pas nécessaire de se mettre dans états pareils.