Malgré qu’il le connût très peu, Seth était convaincu que jamais Ender n’avait agi avec autant d’inconstance. Il lui semblait être en proie à quelques sensations ou pensées qui s’amusaient à dissocier sa voix de son sourire, sa soudaine froideur de sa curiosité, les gestes de son corps des expressions qui transparaissaient. Cette
sémantique de la vicissitude le déconcerta durant les quelques minutes qui suivirent son arrivée dans la volière.
L’explication vint bientôt. Il avait mal dormi. Une moue vers Ender l’informa que son camarade de maison compatissait. Ca lui était égal et ne se formalisait pas pour si peu. Retournant rêveusement à la lettre envolée, il consentit à répondre après un silence indécis.
- Une lettre que j’avais écrite pour demander à quitter à l’école, sourit-il misérablement.
Je demandais à mes parents de bien vouloir comprendre mon abandon et de venir me chercher au plus vite.Le jeune Cullen pivota de nouveau vers Ender en déchargeant sur son camarade un sourire rayonnant, peut-être légèrement forcé, mais il venait de décider qu’il ne sombrerait pas dans les marécages infestés de regrets de la mélancolie. Pour être heureux, il fallait parfois se forcer à dénicher les joies où elles se trouvaient. Comme un
post-it collé au-dessus d’un bureau, cet aide-mémoire participait à lui rendre les journées moins fades.
Son regard descendit sur le tas d’enveloppes que tenait Ender:
- Et toi, tu es venu poster de multiples lettres à tes multiples amoureuses, persifla-t-il incrédule.
Depuis qu’il était à la volière, celle-ci n’avait pas arrêté de subir les allées et venues de filles et de garçons venus envoyer leur courrier aux élus de leur coeur qui avait été diplômé l’année précédente et qui étaient désormais séparés. Il en était même une qu’il avait vu emballer un
sous-vêtement pour homme en guise de cadeau. Seth avait rougi, imaginant qu’il n’arriverait jamais à un stade aussi intime de la vie de couple à cause de son dégoût des autres.
Si quelqu’un avait eu une
multiplette à ce moment, il aurait pu détailler la suite de gestes rapides mais transparents à l’œil humain qui l’avait fait rejoindre l’autre bout de la volière pour tourner le dos à ce spectacle qui l’avait mis mal à l’aise. La fille fut surprise de découvrir Seth à un tout autre endroit que son souvenir l’avait laissé lorsque, deux secondes plus tôt, elle s’était retournée pour empaqueter le caleçon orange réhaussé d'un horrible imprimé de
licorne.
- C’est la Saint-Valentin, précisa-t-il plus sérieux pour annuler la fronde qu’il s’était permise.
Ca rend l’école bizarre... différente. Heureusement que cette folie ne dure qu’une journée.Seth sourit à son camarade avant de le dépasser en tournant le dos à la lettre disparue. Le destin avait sa propre
étymologie du hasard. Peut-être que la missive n’était pas destinée à être envoyée tout de suite. Il avait préféré se confondre sous le masque de l'incident. D'autres choses l'attendaient encore à Poudlard. Il devait sans doute rester.
- Bonne Saint-Valentin, sourit le Serdaigle à son congénère, en ouvrant la porte de la pièce circulaire pour s’engouffrer dans l’escalier.
Il n’avait pas tord d’imaginer que les choses changeraient. Il se dirigea vers l’infirmerie afin de demander à l’infirmier une potion qui lui permettrait de retrouver le sommeil. Ses nuits s’amenuisaient d’étoiles et de rêves. Il ne parvenait à dormir que quelques heures. Là-bas, il ferait la rencontre d’Eden. Cela serait la
naissance d’une touchante et chère amitié.