Assez gênant...

Le mois d'Août répandait sa douce chaleur à travers les fenêtres de la bibliothèque de Poudlard. Cet été, elle n'avait quitté le château qu'un mois. En revenant, elle avait retrouvé son Ernest. Ils ont passé deux jours entiers tous les deux, à tout se raconter, combien ils s'étaient manqués, ce qu'ils avaient fait, vu ou découvert.

Tout en étant assise à une table, l'esprit et le coeur de la jeune fille n'était pas là. Elles sortait machinalement ses affaires lorsqu'un détail attira son attention. A côté de la poubelle gisait une feuille de parchemin. La première des choses qui lui traversa l'esprit fut de ramasser le papier pour le mettre à la poubelle.

Alors qu'elle allait le mettre en boule, elle lut une phrase qui l'intrigua et lui donna envie de lire la suite. Apparemment, c'était un document personnel, et cela gêna Hermione. Elle se demanda quoi faire. Peut-être la feuille était-elle tombée, et son propriétaire l'avait perdue. Elle ne put se résoudre à la jeter, et la glissa dans sa robe.

Quelqu'un approcha lentement derrière elle.

HJ: Continue qui veut.

Elinor pénétra inquiète dans la bibliothèque. Elle n'était pas tant revenue à poudlard pour le tournoi que pour éviter de cohabiter plus longtemps avec son père. Cet homme vivait dans un monde imaginaire d'où il ne sortait que trop rarement. Maintenant que sa fille était grande et à même de s'occuper d'elle toute seule, il éprouvait de moins en moins le besoin de revenir à la réalité. Au contraire même, le visage d'Elinor lui rappelait trop feu sa femme, Elisabeth. Elinor aimait son père malgré tout, mais à sa façon, et le voir dans cet état ne l'encourageait guère à rester dans leur maison d'Oxford.

Peu à peu, Poudlard était devenu son véritable port d'attache, surtout depuis la mort de Margaret, dont elle ne s'était pas véritablement remise. La correspondance qui lui restait de Margaret était son seul trésor, et elle venait de s'apercevoir qu'elle en avait perdu une. Une lettre, la dernière en plus. Elle était venue ce matin lire quelques pages d'un grimoire assez ancien, et en - sortant ses affaires, elle avait dû la faire tomber...

Il n'y avait qu'une fille dans la bibliothèque, et elle était assise à la même table qu'elle ce matin. Il n'y avait rien par terre. Peut-être dans la poubelle... Elle avança à pas feutrés vers la jeune fille. Elle avait les cheveux emmêlés et touffus. Plusieurs fois elle s'était faite remarquer dans des cours. Elle s'appelait Hermione. Elle se trouvait juste derrière elle à présent. La poubelle était vide.

* Il va falloir que je lui adresse la parole! Damned. Je ne la connais pas et elle m'insupporte déjà. Commençons de manière civilisée.*

- Excuse-moi ...

Prise dans sa réflexion, elle n'entendit pas la propriétaire de la lettre arriver. Lire ou ne pas lire, telle était la question. Si elle devait retrouver à qui appartenait cette lettre, elle devait la lire. Mais si c'était personnel... et apparemment, ça semblait l'être.

Tant pis. Elle tira la lettre de sa poche et la regarda, elle était encore pliée. Après avoir hésité une dernière fois, elle soupira et entreprit de la lire. Le bruit du papier était grisant. Hermione savait très bien qu'elle allait envahir la vie privée de quelqu'un...

Si ça se trouve, se dit-elle, il ne s'agira que d'une liste de fournitures scolaires... Cependant, elle n'en était pas convaincue. Elle avait déjà lu une phrase qui lui avait donné envie de la lire.

"Ma grande fille,

Je n'ai pas su t'écouter sans oublier mes préjugés, ..."

- Excuse-moi...

Hermione sursauta sur sa chaise. Elle ne s'attendait pas du tout à trouver quelqu'un ici, et maintenant.

A peine eut-elle fini de prononcer sa phrase qu'elle aperçut la préfète des chatons en train de la lire. Elinor n'était pas du genre à perdre facilement son sang froid. Toute sa vie elle s'est battue pour apprendre à se contenir, à soumettre les faibles, et à entrer dans les bonnes grâces des forts, ou supposés tels. Elle avait connu des moments difficiles, de doutes, mais tout cela avait été effacé par ses victoires, aussi minimes soient-elles. Elle s'était toujours contenté de peu.

Mais la vision de cette sans-gêne envahissant l'intimité de sa vie privée la fit sortir de ses gonds. Rien n'est plus dangereux qu'un animal blessé. Et dans le cas de Margaret, sa seconde mère, la blessure était encore trop récente.

* Quelle abjecte personne! Aussi curieuse qu'un pot de chambre! Tu vas voir ce que j'en fais des gens aussi peu scrupuleux que toi...*

Elle sortit sa baguette d'un geste compulsif et la pointa sur le cou de la jeune fille.

*Je sais bien que c'est interdit de te jeter un sort. Mais ne me cherche pas. Il y a quelque chose d'excitant à te tenir en joue, à ma merci...*

Son visage annoçait la fureur qui s'était emparée d'elle sur le moment. Elle fit le tour de la préfète tout en la tenant en joue.

- Donne-moi ça tout de suite!

Lorsqu'elle le fit, un sentiment de honte s'empara d'Elinor, et elle rangea sa baguette.

Hermione se dit que son erreur était à présent manifeste et qu'elle n'aurait jamais dû se pencher sur cette maudite lettre. Le visage d'Elinor lui était familier, mais comme elle ne disait jamais rien, ni en cours, ni ailleurs, et comme elle n'avait pas d'amis, elle donnaît davantage l'impression d'être un fantôme qu'une élève. Pourtant en ce moment...

C'était la première fois qu'elle entendait le ton de sa voix, et il n'était pas rassurant. Dans ses yeux noisette brillaient la flamme de la colère, non de la méchanceté aveugle. Elle avait fait une erreur et allait le payer. Hermione se dépêcha de lui tendre la lettre d'une main tremblante. Elle ne s'était jamais trouvée à la merci de quelqu'un ici, sans aide à proximité.

Elinor lui arracha la lettre des mains et baissa sa baguette. Hermione laissa échapper un long soupir. Les deux jeunes filles se toisèrent du regard pendant un moment, puis, Hermione se décida à parler, même si elle se doutait qu'elle risquait d'envinimer la situation.

- Je ne voulais pas te blesser, je cherchais surtout un nom pour pouvoir rendre la lettre à son propriétaire (menteuse! Ce n'est pas tout à fait vrai, se dit-elle. Elle même n'était pas convaincue).

- Garde tes explications. Obtenir la lettre est la seule chose que je voulais.

* Quel culot elle a celle-là. Que faire à présent, partir la queue entre les jambes ou lui tenir tête? J'ai honte de ce que j'ai fait. Quel manque total de maîtrise, c'est indigne de tout ce qu'on m'a appris. M'excuser? Peut-être... Qui sait?
Cette sensation de pouvoir que m'a procuréle bout de ma baguette sur son cou élégant est aussi fascinante que déroutante. Tenir la vie de quelqu'un au bout d'un morceau de bois et d'une parole... Ce pouvoir n'est qu'illusoire, puisqu'il conduit fatalement à la perte de celui qui lui succombe.*

Elinor était toujours troublée par l'instant de folie qui l'a prise. A présent, elle se trouvait ridicule. Par contre, elle, elle a su rester digne et courageuse. Elle n'en devint que plus honteuse.

Il ne fallait pas être un fin psychologue pour voir qu'Elinor n'était pas fière de ce qu'elle venait de faire. Néanmoins, Hermione lui trouvait quand même du cran pour ne pas être partie, et pour avoir rangé sa baguette sans faire plus de cérémonie que nécessaire. Elle éprouva alors le besoin de s'expliquer.

- Je... J'ai voulu et j'ai commencé à lire la lettre. C'est quelque chose de très personnel et je n'aurais pas dû le faire. Je suis désolée. Mais sache que je n'ai pas lu plus d'une phrase. Ne te sens pas gênée.

Quelque chose lui dit qu'elle était en train de ramer pour faire ses excuses, et surtout que la jeune fille en face d'elle avais mis les voiles dans ses souvenirs. Son regard était absent. Elle se sentit soulagée de ne pas être allée plus loin dans sa lecture. En même temps, ce comportement l'intriguait énormément.

* Suis-je si prévisible? Mon masque serait-il tombé? Qu'a-t-elle lu au juste? Je veux garder mes problèmes pour moi, tant mieux si elle n'a rien lu de tout cela. C'est ma vie et je n'ai pas envie d'en parler.
Ce qui est sûr aujourd'hui, c'est que ce malaise détruit la carapace que je me suis forgée. Si j'ai décidé de me faire des amis, est-ce que je devrais obligatoirement leur faire part de ces émotions contradictoires? De mes angoisses? Je n'en ai pas vraiment envie. D'un autre côté, maintenant que je n'ai plus Margaret, à qui parler? Ce n'est pas Hector qui pourra m'aider...*

L'idée de son hibourépondant à ses questions intérieures la fit sourire sur le moment.

- Ne t'excuse pas je t'ai dit.

Elinor tourna les talons et enfouit sa lettre dans ses affaires. C'était une bonne chose de faite.

Elinor partait en laissant Hermione sur sa faim. Elle était habituée à présent à ce que certaines personnes viennent lui parler, comme l'avait fait Micka Harris. Mais cette fille-là, elle était vraiment secrète. Hermione n'était pas très curieuse au naturel, mais là, elle se demandait ce qui tracassait celle qui avait failli l'attaquer.

En parlant d'attaque, ce n'en était pas vraiment une... Elle l'avait arrêtée dès qu'elle retrouva la possession de son bien. Elinor était froide et apparemment, elle savait se contrôler. Mais rien que cette lettre l'avait troublée. Elle devait être très importante... Cette fureur dans ses yeux, sentir la baguettecontre sa peau... Hermione avait eu peur, très peur.

Elle la regarda marcher vers la porte.

Ce regard posé sur elle devenait gênant, mais pas autant que le sentiment de culpabilité qui la rongeait toujours. Elle ne pouvait pas s'excuser, non. Il fallait qu'elle trouve autre chose...

* Pardon, je m'excuse... Non! J'aimerais ne jamais avoir eu à faire ça? Non. Je ne peux pas partir comme ça sans ne rien lui dire, après tout, il vaut mieux qu'elle l'ait trouvée elle. Dans le meilleur des cas elle aurait fini à la poubelle, dans le pire... Non, faut pas que j'y pense.*

- Merci, dit-elle toujours de dos.

Elle attrapa la poignée de la porte et sortit silencieusement, soulagée.