Jeu de rôle basé sur les règles inventées par J.K. Rowling dans l'univers de Harry Potter.
 
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 Déliverrance

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Jörgen O'Brian
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Jörgen O'Brian

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MessageSujet: Déliverrance   Déliverrance EmptyMar 12 Mai 2009 - 17:45

Gern le toisait à sa façon, protectrice et fraternelle. L'ombre d'un sourire flottait dans ses yeux, éclairant son visage toujours si sérieux.
Face à lui, droit comme un i, Jörgen le dévisageait comme s'il essayait de graver chacun de ses traits dans sa mémoire. Les mots qu'il n'avait jamais osé prononcer à voix haute s'élevèrent, légers, oublieux de la pesanteur ambiante.


- Tu me manques.

Ces mêmes mots, dictés par ce qui aurait dû être vrais, étaient discordants. Et c'était cette dichotomie, entre ce qui aurait dû être et ce qui était, qui était la cause de la légère ride qui plissa son front.

Une petite main se glissa dans la sienne. De loin, on aurait pu croire qu'il serrait le poing.
Face au Mur du Souvenir, le jeune homme souriait.


Déliverrance Line_yell


"On sèche le truc de ce soir?"

C'était tentant. Mais pour faire quoi?
Si c'était pour se retrouver, au mieux, en train de glander dans le Paris moldu, au pire, complètement perdu au milieu des voitures (ces machins à roues conduits par des fous furieux)... Autant dire que l'idée ne l'enthousiasmait pas plus que ça.
A dire vrai, rien ne l'enthousiasmait vraiment.


"Allez, Jörg, bouge-toi un peu. Et puis, ça va te plaire."

James et son enthousiasme à toute épreuve. Il se donnait tellement de mal.

- Ok. Jupiter vient aussi?
"Non."
- Ah.



Ils avaient dû faire trois fois le tour de Paris quand son frère accepta enfin de ralentir un peu. Il ne cessait de scruter sa montre et de presser le pas. Pourtant, Jörgen avait perdu cette mauvaise habitude de s'arrêter tous les trois pas pour observer les Moldus. Il était passé maître du regard assassin (si seulement...) et de l'attitude hautaine, dans une presque antithèse de ce qu'il avait toujours été.

- C'est encore loin?
"Juste à deux pas."
- ...
"Tiens. Je t'ai fait un plan. T'as qu'à suivre les indications."
- Tu viens pas?
"Non."
- Ah.


Muni d'un seul et unique bout de parchemin où quelques mots se battaient en duel, de sa baguette magique et d'une incompréhension grandissante, le jeune homme jeta un dernier coup d'oeil à son frère qui le suivait du regard avec un triste hochement de tête avant de tourner les talons.
Le papier crissait au creux de sa paume.


    Un, deux, trois, nous irons au bois.
    Quatre, cinq, six, près des fleurs de lys.
    Sept, huit, neuf, il y a un boeuf.
    Dix, onze, douze, ne bouge plus d'une bouse.


scratch
Ils avaient passé l'âge des comptines.
Et des blagues débiles.
....
Ca n'était sans doute qu'un hasard s'il se trouvait aux abords d'un parc. Sans doute.
Ca n'était sans doute qu'un hasard que dans ce parc, il trouvât des fleurs blanches. Sans doute.
Ca n'était sans doute qu'un hasard que le chemin de fleur le menât à une statue. Un boeuf, deux chevaux. Sans doute.

Il avait l'air troll, tout seul, au milieu des passants.
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Toni Scheffer
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MessageSujet: Re: Déliverrance   Déliverrance EmptyDim 24 Mai 2009 - 11:46

Le petit morceau de coton venait de sauter du talon de sa chaussure. Un pas de trop. Abandonné derrière Toni, il fit gémir son feutre sur le trottoir de la place du Chatelet, tout près des embruns d’eau que la fontaine qui fuyait de toutes les larmes de sa pierre laissait échapper. Dans la bruyante ville, personne n’entendit se plaindre le petit morceau de coton abandonné. Là où il était tombé, il prendrait l’eau et se transformerait bientôt en flasque magma blanc et rouge. Le rouge, c’était le sang de Toni. Le petit morceau de coton ne protègerait plus ses ampoules et ses brûlures chauffées à blanc contre l’agression assidue du cuir de ses chaussures neuves. La Gryffondor sentit la perte de son pansement de fortune. Elle esquissa un mouvement de ralentissement mais n’osa pas se retourner pour aller le ramasser. En se renfonçant dans sa chaussure, une deuxième ampoule éclata derrière sa cheville. Elle sentit le petit liquide contenu dans l’ampoule se libérer et la peau déchirée s’enrouler sur elle-même et se coller contre la blessure à vif, entre le cuir et la chair.

- Pourquoi tu ralentis, Toni ? demanda Meghan qui marchait devant elle. On est bientôt arrivées. Quelque chose ne va pas ? se soucia-t-elle timidement.

Toni la regarda comme si elle ne parlait pas la même langue. La douleur aux pieds lui semblait une punition minimale pour tout ce dont elle était la cause. Elle n’oserait jamais se plaindre de ses ampoules aux pieds quand tant d’autres étaient mort de balles dans le corps. Un flash rapide passa devant ses yeux. Gern qui s’abattait sur elle pour la protéger. Comme le petit morceau de coton, il s’était placé entre l’agresseur et sa chair si facilement "mutilable." La pupille sombre de Toni se dilata. Elle fit un pas en avant pour rejoindre Mehgan. Dans la chaussure, la chair à vif frottait contre le cuir solide. Le mouvement de balancier dura jusqu’à ce qu’elles atteignent un parc déserté qui faisait front à une haute église.

Meghan consentit à s’arrêter enfin. Elle fit volte face vers Toni, lui prit les mains qu’elle emprisonna dans les siennes, avec un geste passionné et... et... compatissant, auront-on dit. Le geste aurait pu surprendre Toni si elle n’était pas, comme toujours depuis des mois, vide de la moindre expression. Dans les yeux de Meghan brilla une sorte d’espoir que la quatrième année ne comprenait pas. Elle ne comprenait d’ailleurs pas ce qu’elle faisait ici. Ce soir, les "grands" avaient quartier libre mais pas elle. Pourquoi tous ces mystères pour la traîner ici ? Il y aurait d’autres soirs. Pourquoi braver la surveillance de Des Lys pour une sortie en douce ? Elle aurait pu attendre encore un an pour avoir ce droit de sortie. Le temps ne comptait plus pour elle. Il s’étirait comme un élastique incassable, sans saveur, sans couleur, sans bruit.

- Assieds-toi ici, parla Meghan avec la patience et le timbre d’une mère.

Près d’elle une statue étrange les regardait. Comme Toni était malléable, elle obtempéra facilement. C’est parce qu’elle était si malléable que Meghan n’avait eu aucune difficulté à l’amener jusqu’ici sans que la plus jeune ne pose une question.

- Je reviens, mentit Meghan.

Toni sut que Meghan mentait car quand Meghan mentait tout le monde pouvait voir clignoter dans ses yeux "j’ai honte, je suis en train de mentir" aussi clairement qu’un panneau lumineux publicitaire. Elle était incapable de cacher ce qu’elle ressentait. Toni y arrivait très bien. Surtout parce qu’elle ne ressentait plus rien et n’avait de ce fait plus rien à montrer ou à trahir. D’un pas hésitant, l’aînée de Gryffondor recula et s’en alla doucement en jaugeant les alentours d’un regard inquiet. Que cherchait-elle ?

Sans explication, elle laissa Toni assise. Des fleurs blanches lui caressaient les hanches près de la jardinière de béton. Un instant, elle se sentit comme libérée. C’était bon d’être seule. Elle inspira longuement, ôta ses chaussures et fit semblant d’attendre Meghan qui ne reviendrait pas.

Elle avait résolu de tordre le cou à ses cinq sens mais parfois les stimuli étaient si forts qu’ils traversaient ses remparts pour venir mettre à l’épreuve sa douloureuse décision. C’était le cas de ces fleurs. Elles répandaient un parfum qui berçait avec constance la douceur de cet instant paisible. Toni caressa la cicatrice que lui avait fait un cognard au bord du front. Elle faisait souvent ce geste quand elle songeait à des évènements passés ou à ses sens mutilés. Alors, elle se souvenait que certains maux étaient incontrôlables. Elle n’était pas assez forte pour maîtriser tout ce qu’elle ressentait. Des fois, il y avait des ratés. Comme, par exemple, la vision angélique et ténébreuse à la fois de Jörgen qui avançait en sa direction. Le cœur de Toni fit un salto dans sa poitrine. Elle resta tétanisée sur place, les yeux pendus à cette apparition dont elle ne savait pas encore si elle était un rêve ou la réalité.
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Jörgen O'Brian
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MessageSujet: Re: Déliverrance   Déliverrance EmptyMer 27 Mai 2009 - 12:58

Il lui semblait bien avoir entendu une voix. Sur le moment, Jörgen n'y avait pas plus prêté attention que ça, malgré le timbre qui aurait dû lui être familier, malgré la langue qui différait du bain de français rythmé et rapide dans lequel ses oreilles étaient plongées. Alors, pourquoi avait-il fait quelques pas en direction de cette voix? Peut-être parce que la véritable question était: pourquoi pas?
Et il la vit. Toni.
Il y avait longtemps qu'il n'avait pas pris le temps simple de la regarder, comme si quelque chose en lui savait qu'il n'y parviendrait pas sans voir resurgir les fantômes, les cris et le sang de ce matin-là. Il avait cherché à la fuir même s'il se l'était caché. Il n'y avait rien de très glorieux là-dedans. Il avait trop peur de ce qu'il aurait pu lire sur son visage. Il était pourtant resté à son chevet, après le match de Quidditch, à contempler d'un air absent la plaie qui béait sur son front. Il était resté jusqu'à ce que ses yeux papillonnent, puis, il l'avait quitté, avant même qu'elle put prendre conscience de sa présence? Il aurait dû, pourtant, savoir que tout ce qu'il avait imaginé, toutes les rencontres qu'il avait pu "voir" ne ressembleraient en rien à ce qui se produirait vraiment. Cette honte qui lui envahissait les joues à mesure qu'il la détaillait et que la Toni d'alors, enjouée et pleine de vie, s'effaçait douloureusement devant la Toni de maintenant, amaigrie, regard vide et cernes creusées.


*Qu'est-ce que j'ai fait?*

La honte, encore, qui lui embrasait la poitrine.
Comment avait-il pu...? Comment avait-il osé...?
La seule qui l'avait aidé à tenir, à surmonter la perte de Gern, était cette assurance que son frère s'était sacrifié pour sauver son amie. En mourant son frère était devenu un héros, ressuscitant le mythe du chevalier sans peur et sans reproche. Et lui, Jörgen, en s'éloignant d'elle, par pudeur, par égoïsme, avait fait fi du don désintéressé que son ainé lui avait fait.
L'état dans lequel se trouvait Toni faisait mal aux yeux, mal au coeur et le jeune homme se demanda comment il avait pu l'ignorer si longtemps, comment il avait réussi à être assez aveugle pour se cacher la vérité.

Il l'avait défendue, pourtant, contre Siegwart qui l'accusait de leur avoir volé leur frère, contre ses autres frères qui se taisaient, autant que lui taisait ce sentiment embarrassant que, pour rien au monde, il n'aurait échangé la place de la Gryffondor contre celle de Gern.
Inavouable. Inavoué.

Au gré de ces pensées, Jörgen franchissait la distance qui le séparait d'elle, cherchant n'importe quel prétexte pour se distraire du spectacle poignant qu'elle offrait, n'en trouvant aucun. Condamné à regarder son déshonneur au grand jour.
Devant elle, il ne trouva rien à dire et se contenta de continuer à la dévisager, incapable de retrouver la discrétion ou le tact nécessaire. Ses traits se crispèrent et il ouvrit la bouche pour bafouiller trois mots. Il aurait dû sourire, marquer d'une manière ou d'une autre qu'il était heureux de la retrouver, sans y parvenir.

Dans sa main gauche, le parchemin se mit à crisser une fois de plus, comme une alternative bienvenue.


    Il était un ptit homme
    Qui s'applait ptit Jörgi, carabi
    Au détour d'un ptit parc,
    Il retrouva Toni, carabi

    Au détour d'un ptit parc,
    Il retrouva Toni, carabi
    Et par la belle arcade,
    Tous deux ils sont partis, carabi.


Parce qu'il ne voyait rien d'autre à faire, il fouilla des yeux le paysage direct. Evidemment, il y avait une arcade où s'entrelaçait du lierre.
Le jeune homme eut une crispation qui put passer pour un sourire et murmura:


"Tu viens, Toni?"

De sa main libre, il s'empara de la sienne, la trouva trop froide, la serra un peu plus fort comme par peur qu'elle lui échappe et désespéra de la sentir se réchauffer. A pas lents, comme s'il craignait que le moindre heurt ne détruise ce qui lui apparaissait encore comme une illusion, Jörgen l'entraîna vers l'arcade sans plus se poser de question. A pas lents encore, il gravit les marches protégées par la voûte. Il lui sembla que le monde se brouillait, pris de vertige. Le parc s'effaça pour laisser place à une longue allée bruyante et peuplée de capes et de baguettes magiques. Le Paris sorcier s'ouvrait devant, fourmillement d'invitations à la dépense, à la détente, à la découverte.
Clignant des yeux à deux ou trois reprises, le Poufsouffle finit par prendre pied dans cette nouvelle réalité. Du regard, il chercha à croiser celui de Toni, comme si, par ses simples yeux, il parviendrait à trouver ce qui pourrait lui faire envie.
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Toni Scheffer
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MessageSujet: Re: Déliverrance   Déliverrance EmptySam 27 Juin 2009 - 15:18

Qu’il fût rêve ou réalité n’avait plus beaucoup d’importance tant qu’elle avait sa main dans la sienne.

Etait-ce sa solide main qui était brûlante ou la si petite sienne qui était trop froide. Elle avait l’impression d’avoir le bras glacé. Un bâtonnet givré comme on en vend dans les boulangeries.
Si ses talons la brûlaient et paraissaient sadiquement redonner vie à ses membres inférieurs dont les élancements constant rappelaient à Toni qu’elle n’était rien qu’humaine, la partie supérieure de son corps était comme posée accidentellement sur son bassin. Les bras accrochés aux épaules et la tête encastrée dessus avec la rigidité d’une sculpture cubique auraient normalement dû évoquer cette silhouette anthropomorphe des plus communes qu’on nomme aussi « adolescente » mais la construction s’apparentait plus aujourd'hui à une figurine de Playmobil affichant la grâce et la souplesse d’un troll. Elle aurait pu se faire sourire elle-même en imaginant ce à quoi tous les deux pouvaient ressembler de dos: Jörgen baladant son Playmobil géant. Toni pouffa. Elle fut étonnée par ce petit souffle qui s’échappa de ses lèvres. Ses pupilles roulèrent jusqu’au coin de ses yeux pour saisir le profil de Jörgen mais ce fut à son visage de face qu’elle se confronta. Les deux prunelles filèrent bien au centre du regard brun qui se chargea de brume et se fixa loin devant, sur les nombreuses silhouettes parisiennes qui fourmillaient sur leur chemin.

Elle avait fui le regard de Jörgen parce qu’il y résidait une question à laquelle elle se sentait tout bonnement incapable de répondre. Il avait une attente : que voulait-elle faire ? Ou plus simplement « que voulait-elle » à présent qu’ils étaient là sur le chemin de traverse parisien. Elle aurait bien proposé d’aller se pendre joyeusement dans un fond de cour mais son humour noir ne lui semblait pas très approprié. Elle chercha de l’inspiration en brassant les alentours d’un lent regard circulaire qui s’arrêta net juste avant l’endroit qu’elle n’osait pas trop regarder et qui s’appelait le Jörgen O'Brian.

Elle était si indifférente qu'elle ne prit pas le temps - ou la peine - de s'étonner ou de s'émerveiller des nouveautés nombreuses qui les entouraient. Ca piaillait en français partout. Elle comprenait quelques mots à la volée.

Il y avait une fontaine presque semblable à celle qui se trouvait dans le parc en haut. Une vieille femme vêtue d’une redingote d’homme qu’elle portait par-dessus une longue robe de sorcier noire et mitée avait disposé trois cartons sur le rebord de pierre de la fontaine. Les sorciers passaient à côté d’elle sans lui jeter un regard ou s’arrêter à ce qui était peut-être son stand. Pourtant, elle épiait tout le monde et interpelait certains passants en murmurant. Comme si elle recrutait. Tous passaient sans ralentir après un bref regard acariâtre dans les cartons.

D’où ils se trouvaient, la vieille regarda les deux ado avec intensité. Elle venait de les choisir. Ses yeux bleu transparent mettaient mal à l’aise. Il émanait d’elle quelque chose ou de malsain ou de profondément inquisiteur et qui paraissait déshabiller l’âme si on se laissait regarder trop longtemps.

Toni fit une légère pression sur la main de Jörgen. Elle signalait la vieille dame. Mais n’osant pas regarder son camarade, elle ne savait pas s’il regardait lui aussi dans son sens. Pour le savoir, elle devait lever les yeux vers lui... c’était dur. Un petit geste très difficile. Un petit geste freiné par le sentiment de culpabilité.

Parce qu’elle ne ressentait plus la peur et se laissait parfois séduire par tout ce qui était inutilement risqué ou déconseillé, la vieille femme bizarre l’attira.

- Tu veux... on peut... fureter ? proposa Toni hypnotisée par la vieille femme qui finit par leur faire signe de s’approcher. Elle nous appelle...

Nouvelle pression de la main. Excitation. Mélange soudain d’envie et de crainte. Ressentir de nouveau. Toni voulait y aller malgré le fait que tout son être lui suggérait plutôt de fuir... une intuition qui lui disait que cette rencontre faisait partie de celles qui changent un destin pour toujours. Mais elle n’oserait jamais sans Jörgen.

Dois-je le regarder pour qu’il comprenne que j’ai envie de savoir ce qu’elle nous veut ? Que je veux y aller bien que j’ai peur ?

Elle lève le menton vers lui. Un long geste qui suit le circuit visuel mains-bras-épaule-cou-menton-nez-yeux-de-Jörgen. Un battement de cœur vrombit dans sa poitrine. Le regarder dans les yeux lui fait presque aussi mal que les cloques dans ses chaussures. Les cloques sur son cœur explosent et brûlent. Le ventricule fait des siennes mais son regard est sans équivoque : elle est tentée.

- O...on y va ?
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Jörgen O'Brian
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MessageSujet: Re: Déliverrance   Déliverrance EmptySam 4 Juil 2009 - 19:50

La preuve en était faite, Jörgen n'avait pas la fonction décodeur visuel intégrée. Du bref regard qu'ils avaient échangé, il n'avait réussi à capter qu'un seul et bref éclair chocolat teinté de vide. Alors, son attention s'évada loin de Toni et de son mystère dans le désespoir de trouver quelque chose. Cette même attention se centra sur le bout de parchemin fraternel qui demeurait résolument silencieux. A croire qu'il n'avait pas eu d'autre but que de l'attirer dans ce lieu. Le mutisme du morceau de papier lui tordit étrangement les entrailles comme un abandon inattendu. Il n'en tirait qu'une seule conclusion: à lui de se débrouiller maintenant. Majeur et sorcier dans un monde étranger. Cette fois, au moins, aucune incartade de baguette ne lui coûterait quoi que ce soit. Comme si cette idée pouvait lui apporter un tant soit peu de réconfort.

Non, là, à ce moment précis, la seule chose qu'il fut à même de faire, fut une promesse aussi vague qu'incertaine.

*Je vais me rattraper.*

Une promesse courant en parallèle à la certitude âpre qu'on ne pouvait pas rattraper le temps perdu et que tout ce qui n'avait pas été vécu avait disparu à jamais dans cette étendue floue qu'on appelait le passé. Une amertume niché dans la poitrine. D'où la naissance d'une deuxième promesse.

*Tout ce qu'elle voudra.*

C'était bien peu. Trop peu.
Et ça n'était peut-être qu'une manière de cacher une fuite de plus. Oublier sa propre douleur pour se concentrer sur celle de Toni et tenter de l'exorciser. Mais même lui ne parvenait pas à se convaincre de cela.
Alors, oui, tout ce qu'elle voudrait.

Même si ce qu'elle voulait c'était une vieille sorcière aux allures de Baba-Yaga. Oui, même. Et même si son bon sens lui criait de fuir dans la direction inverse tant la femme exsudait tout ce que Jörgen n'aimait pas. Un parfum de mystère entremêlé d'effluves de présages et de voyances.
La vieille, les sentant fléchir (elle devait sans doute penser que c'était une sorte de charisme mystico-truc qui les attirait à elle. il y avait en ce bas monde encore des gens plein d'illusions....), leur adressa son plus beau (et horrible) sourire avant de les attirer vers son coin de fontaine. L'eau n'était certainement pas potable.
Baba Yaga les regarda un long moment, à tour de rôle, comme si elle cherchait à percer leur carapace et Jörgen dut se faire violence pour ne pas partir en courant. Mais il était toujours fermement relié à Toni par le biais de leurs mains et rien ne le résoudrait à la lâcher. Advienne que pourra.

Enfin, la vieille prit la parole dans un français nasillard face auquel le jeune homme s'obstina à secouer la tête.
No comprendo.
Elle passa alors dans une sorte d'esperanto hasardeux guère plus compréhensible. A peine parvint-il à saisir quelques bribes:

]"Woyage... perrrrrrrrrrdu... trrrrrrrrrrrou."

Pragmatique, il manqua de se faire surprendre par un éclat de rire. jaune. Humeur noire. Son humeur était aux couleurs de Poufsouffle. Mais il fallait dire que la Vieille, en guise promesses, leur dévoilait un stand de dents cariées et jaunies, où quelques unes manquaient à l'appel. Répugnant. Et le corps humain n'avait jamais trouvé qu'une parade contre le choc. plus fort que les larmes qu'il refusait de verser. Un éclat de rire pour faire sortir le trop plein. C'était ça ou la syncope.
Et pourtant, il se retint. En souvenir d'une promesse pas si lointaine. Pour les mêmes raisons, il se laissa prendre la main pour se laisser inspecter les lignes. Il ne saurait jamais ce qu'elle y avait vu, question de linguistique, mais pendant un bref instant, il aurait jurer la voir écarquiller les yeux.
La répulsion fut d'autant plus difficile à supporter quand Jörgen vit la Vieille s'emparer de la fine main de Toni. L'image de sa frêle et pâle paume dans celle ridée et crasseuse de la Sorcière... brrrr. Il se tint coi. Encore. Son mal-être n'allait pourtant pas en s'améliorant. Ses jambes le démangeaient toujours. Mais sa volonté demeurait la plus forte, volonté qu'il avait soumise voilà des semaines de cela. Ca n'était plus qu'une question d'habitude.

Enfin, au bout d'un laps de temps qui lui sembla être une éternité, les deux mains furent libres. Et le regard de la Vieille se fit plus insistant. Fureteur, aussi, à regarder de droite à gauche à la recherche d'il-ne-savait-quoi. Une mimique apparut au milieu des rides comme un feu vert. D'un geste, elle leur fit signe d'approcher. Encore. Confiante, elle se détourna afin de farfouiller dans une de ses caisses pleines de bric-à-brac pour en ressortir un sachet en velours écarlate aussi usé que sa propriétaire. Elle le fit osciller sous leurs yeux comme s'il s'était agi de la huitième merveille du monde alors qu'il était évident qu'elle ignorait de quoi il s'agissait. Elle n'espérait qu'obtenir quelques gallions de deux petits touristes un peu crédules.

Jörgen ne fit pas un geste.

Le rire de Toni flottait encore dans l'air. Il aurait donné beaucoup pour le réentendre.
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