[QUIDDITCH] Le match

- Ca pèle, lâcha Japhet après que James eût vérifié les balais et les équipements.

Seth ne répondit pas. Il n’avait jamais froid. Le ciel était triste mais cela était toujours mieux que les pluies diluviennes des derniers matches de la saison antérieure. Ca lui sembla si loin.

La saison actuelle avait souffert du Combat Blanc. Personne n’avait eu le cœur à la compétition. Tout avait longtemps paru vain et l’inanité de certains sports et autres divertissements avaient très vite sauté aux yeux. Il fallut attendre le mois de mars avant de voir certains entraînements reprendre. Avant cela, seuls quelques joueurs solitaires venaient tourner en rond sur le terrain dans le seul but de se changer les idées. Plusieurs semaines étaient passées. Elle avait mis le temps, néanmoins l’école se relevait petit à petit mais toujours timidement. Les responsables du Quidditch avaient alors eu l’idée de mélanger les maisons. Beaucoup restaient sceptiques sur le procédé. Seth faisaient parti des non-convertis. Le Quidditch était affaire de maison. Il embrassa du regard son hétéroclite équipe et ses yeux s’arrêtèrent sur Eden. Il admettait cependant sans conteste qu’il était plus agréable d’avoir Eden dans son équipe plutôt que comme adversaire. Cela ne lui briserait plus le cœur qu’il n’avait pas de la voir se prendre les Cognards de sa petite sœur. Cette dernière était d’ailleurs ravie de jouer avec la Gryffondor.

- Hé ! Eden, je t’ai déjà dit que j’étais trop contente que tu sois notre coach ?

Dans sa tête, Seth : « Oui, tu lui as dit cent fois depuis le petit déjeuner. »

On donna le signal de monter sur les balais. Recueilli, Seth vola jusqu’à ses anneaux. D’où il se trouvait, impassible, il regardait Ehlana. Il ne lui adressa pas de salutation. Ce n’était pas l’esprit de compétition mais celui de contradiction. Un soutien silencieux à Clarence qui se remettait moralement moins rapidement que d’autres du Combat Blanc. Seth avait vu l’investiture d’Ehlana comme de l’opportunisme. Aussi, maintenant, Ehlana était-elle omniprésente et cela avait tendance à agacer le Serdaigle.

Le souafle était lancé et Japhet ne doutait pas que Seth serait en mesure de l’arrêter. Ce qui ne voulait pas dire qu’il le ferait effectivement. Comme ça s’était produit d’autres fois, peut-être déciderait-il de laisser passer un ou deux souafles pour ne pas éveiller les soupçons. Toutefois, il était rare qu’il se hasarde à laisser entrer la 1ère balle d’un match. Sans se préoccuper davantage du souafle, elle vola vers les deux cognards qui filaient tous deux dans la même direction. Pour être sûre de ne pas rêver cette stupéfiante gémellité, Jah se frotta les yeux avec le revers de son bras droit, lequel tenait sa batte.

Je délire, pensait-elle, normalement les cognards ont la même consistance mais des volontés différentes. Au même instant, pour la contredire, les deux balles réalisèrent un virage identique. Elle jeta un coup d’œil effaré en direction de Jupiter. A part des bosses et des égratignures laissées par des coups de batte passés, les balles noires paraissaient analogues. Intriguée, elle accéléra pour les voir de plus près. Elle brandit à peine son bras droit qu’une vive clameur et un coup de sifflet retentirent. La vive clameur provenait des supporteurs qui les soutenaient. Elle en déduisit que Seth restait fidèle à ses habitudes : il arrêtait toujours le premier souafle. Mais le coup de sifflet ? Elle s’immobilisa dans les airs à côté de Jupiter et parcourut le terrain du regard à la recherche de sa réponse. Plus bas, Eden volait à côté de James Alhambra qui faisait un geste circulaire des mains en la désignant. Japhet sentit son cœur battre la chamade en pensant immédiatement avoir commis une faute ! Son obsession pour les cognards lui avait-elle fait négliger un article du règlement ? Mais l’arbitre tendit ensuite son bras vers les anneaux devant lesquels Seth se tenait, souafle sous le bras. La Serdaigle n’y comprenait rien ! Un changement ? Pourquoi un changement de poste ?

- J’ai fait une boulette, l’informa Seth en la rejoignant pour lui donner la balle rouge. Tu n’as pas senti ?
- S-s-senti quoi ? cafouilla-t-elle tourmentée.
- Le laps de temps qu’il y a eu entre mon arrêt et les clameurs. Je me suis laissé emporter... Je crois que j’ai bougé trop vite.

N’ayant pas le temps d’obtenir plus de détails, Japhet se dirigea vers les anneaux tandis que le commentateur expliquait abasourdi : « Quel technicien ! Minutie hors du commun ! Célérité encore jamais vue ! Prodigieux arrêt de Cullen ! Presque inhumain !!! »

Le cœur de Jah battit plus fort. « Inhumain » disait le commentateur. S’il savait à quel point cette remarque était aussi perspicace que véritable et dangereuse. Elle comprit alors la décision d’Eden. Où les autres voyaient un « prodigieux arrêt », elle ne voyait qu’un funeste danger. Le tir d’Ehlana avait dû être très bien calibré pour soumettre Seth à ce débordement au lieu de ce qui lui demandait si peu d’effort à l’ordinaire. Le vampire avait prit la batte de sa sœur. Celle-ci ou une autre ne ferait pas de différence puisqu’il aurait pu renvoyer les cognards avec son petit doigt... alors pourvu qu’il ne tue personne, angoissa-t-elle brutalement. Etait-ce réellement un meilleur poste ? se demandait-elle en remettant le souafle en jeu, direction Jacob, tandis que Seth commençait déjà à faire des folies de sa batte en visant Léa. La Serdaigle savait qu’il frappait sans force mais cela n’empêcha pas le cognard 1 de charger la Gryffondor dans un sifflement menaçant.

Quand ai-je commencé à stresser ? Franchement ? Le 31 aout, juste avant la rentrée scolaire, lorsque je me suis crispée en entendant mon père me dire « Hailley, si tu ne fais pas parti de l’équipe de Quidditch de Serpentard, je t’envoie en Inde finir tes études. A ce moment je me suis étouffée avec un bonbon. J’ai donc du me lancer dans le Quidditch, sinon direction l’Inde, et l’Inde représente pour moi autant de danger qu’un agneau qui se risque dans une cage au lion.

Bref, ce matin, j’ai confié avec beaucoup de mal Maeglin à Elisa. Depuis le Combat blanc elle ne peut plus monter sur un balai. Blessée. Maeglin voulait pas me lâcher, avec Elisa on a du l’endormir pour pas qu’il me suive.
Exceptionnellement je n’ai fait aucune chute depuis ce matin, ce qui m’angoisse encore plus car je sens la grosse chute me tomber sur le nez pendant le match. Et puis je suis avec personne de ma maison, enfin bref c’est la zone totale là. Mon balai en main je me suis concentrée pour mettre un pied devant l’autre jusqu’au terrain. J’ai pas dit un seul mot dans les vestiaires, complètement paralysée.

Et puis nous sommes tous entrée sur le terrain. Je crois que j’aurais été capable de me pisser dessus là. Bien sûre je fus la dernière à décoller du sol, mais autant pour eux c’était super simple de monter et voler sur un balai, mais autant pour moi c’était me demander la lune. Je me suis rangée rapidement vers mes anneaux, et j’ai plus bougé. Lorsque le match se lança réellement, je ne faisais attention qu’au souafle. De toute façon c’était mon objectif du match. Ne pas le faire entrer dans mes anneaux.
Mais là … une question qui tue s’installa comme une feuille morte sur le sol, dans ma tête : Je l’arrête comment la balle ?
Je me souviens l’an dernier pendant les matchs, les gardiens faisaient de superbes figures. Moi aujourd’hui je vais être une vraie larve.
La baballe c’était avancé vers les anneaux adverses. Coup de flip, j’ai commencé à ouvrir la bouche pour hurler.

- …

Rien … pas un son, pas un mot. Bouse ! C’était quoi encore ce bousier ? Tiens ça me fait penser aussi à un truc. Ils n’ont pas trouvé mieux que de me mettre, moi capitaine seconde. Moi la trouillarde de l’altitude. Je ne comprends toujours pas pourquoi, tout comme le souafle qui me fonce droit dessus là. Je ne bouge pas. Les autres doivent être en train de me maudire, ceux de mon équipe j’entends. Et le souafle me heurte de plein fouet dans le ventre, tellement j’ai été incapable de bouger en le voyant arriver. Mais exploit ! Je viens de l’arrêter. Je commence à danser sur place, pas trop longtemps puisque je commence déjà à perdre l'équilibre.

Quelque part, le changement de poste était libérateur. Il y aurait certainement des explications à donner au reste de l’équipe mais un petit mensonge vaudrait bien la protection de son identité. Il ne remercierait jamais assez Eden pour avoir si vite pris la décision.

Son premier coup de batte fit mouche. Il dosait les effets pour ne pas l’envoyer à Pré-au-Lard. Ca aurait paru aussi louche et il ne comptait pas échanger de poste une autre fois. Léa en paya les frais malgré tout. Malgré la douceur qu'il lui avait semblé mettre dans l'envoi. Après tout, tenta-t-il de se consoler, c’était le jeu, elle n’était pas la première ni la dernière à prendre un cognard. Alors, même si quelque chose en lui criait son désarroi, il fit taire la chose et vola à la poursuite des cognards fous.

Durant ce temps, il ne vit pas le regard noir que lui jeta sa soeur après son coup de batte pour Léa. Alors, Jah s'en remit à Eden. Elle lui décerna un regard appuyé pour qu'elle fasse quelque chose.

Une clameur et un coup de sifflet ! Hailley avait "amortie" le souafle de Jörgen avec son ventre et Eden, ayant reçu le message, demandait un nouveau changement. Liam entra sur le terrain et le jeu reprit.

Mais le jeu reprit à peine que le deuxième cognard, celui qui avait rebondi sur Zenosa avant de redécoller en chandelle et de disparaître le temps de l'arrêt de jeu, menaça Eden. Le Serdaigle intercepta sa course à deux mètres d’elle et renvoya le cognard 2 d’une façon hasardeuse en direction d’Ehlana. Il ne visait pas, il écartait le danger pour protéger ses coéquipiers et leur permettre de récupérer le souafle pour le placer où il était bien : dans les anneaux d’Hailley.

De son côté, apaisée par la présence du troisième Cullen, Japhet n'avait plus qu'à s'ennuyer. Elle était possédée par le besoin d’être active et ce nouveau rôle de gardienne ne lui seyait pas. Pour passer le temps, elle continua d’analyser les deux cognards qui soudainement lui paraissaient avoir repris un comportement dissocié. Elle ne pouvait s’empêcher, après mûres réflexions peuplant son ennui, de trouver que l’un était plus grisâtre que l’autre.

Mais on pense vraiment à n’importe quoi quand on s’ennuie comme un gobelin !

« J’étais tranquille, j’étais peinard,
Assis sur le banc d’touche.
Ce troll est entré dans le lard
D’à peu tout ce p’tit monde louche. »

« Ta dada toudidouda...
Il fait des petits trous, des petits trous, des petits trous partout... »