C'est part où?

*Enzo était au ministère, oui, mais pour faire un stage, non. Il n’était pas là pour tâter le terrain non plus. Le ministère, il trouvait ça chiant, de base. Il ne voulait pas mourir d’ennui dans un bureau ni se mettre dans des situations inutilement périlleuses comme les aurors. De plus, il ne se voyait absolument pas langue de plomb : lui et les secrets, c’était une histoire suffisamment compliquée sans pour autant en rajouter. Il les lâcherait à un moment donné, un jour ou l’autre, de toutes façons. Donc non, il n’était pas là pour le travail.*

*La seule autre raison pour laquelle il était là était son père. Non pas que son père lui ait demandé de venir. Enzo se doutait que le paternel n’aimerait pas l’avoir dans ses pattes au boulot. C’était sa mère qui en avait eu l’idée. Pourquoi ? Allez savoir. Ça lui ait venu comme une lubie. Elle trouvait que lui et son père n’étaient pas suffisamment proches. Sans blague !! Elle trouvait également qu’Enzo ne faisait pas suffisamment d’efforts envers son père alors que ce dernier faisait tout pour être conciliant avec son fils aîné. Ce qu’il fallait pas entendre. -_-*

*N’empêche, après ce sermon, Enzo s’était mis à réfléchir. Encore une preuve que sa dernière année à Poudlard ne lui avait pas fait que du bien : il avait renforcé ses liens avec ses amis mais il avait également appris à se prendre la tête pour des choses qui n’en valaient pas la peine. Était-il si froid avec son père que sa mère lui fasse la remarque ? Pourtant, c’était Mickael en premier qui l’avait rejeté. Était-il obligé que puisque son père faisait des efforts, il devait en faire de même en oubliant ses regards et ses réflexions désapprobateurs ?*

*Après une très longue réflexion qui lui avait valut deux heures en moins à vivre pleinement, il était ici, dans le hall du ministère, à essayer de trouver, dans les environs d’11h00 du matin, une personne libre ou un panneau qui le renseignerait sur l’étage des aurors. Pour l'instant, il regardait la grande fontaine dorée. Bien qu'impressionnante, il la trouvait minimaliste. Il n'y avait pas que ces créatures qui vivaient près des sorciers. Et les sorciers n'étaient pas aussi idylliques que la fontaine voudrait faire croire.*

"Les sorciers sont imbus d'eux-même..." *pensa-t-il en soupirant tout en continuant d'observer la fontaine.*

S’il y avait bien une personne qui pouvait être d’accord avec Enzo, c’était bien Orìn. Les sorciers étaient imbus d’eux-mêmes. Il était d’accord et en avait la preuve parce que d’une part il était sorcier et d’autre part il était imbu de lui-même. Il faut dire qu’il s’en secouait.

Le voilà qui marche d’un pas nonchalant vers les ascenseurs. Derrière lui, un rejeton d’une demi-douzaine d’années le suit en trottant. Orìn ne semble pas y prêter attention pourtant le môme essaye de le rattraper. Vite ! Se faufiler entre les jambes de ces gigantesques choses qu’on nomme adultes ! Glissade sous les robes des sorcières qui poussent alors un petit cri surpris. Le petit crie devant lui, sans relâche :

"Papa ! Papa ! Tu m’attends même pas d’abord !"

Orìn se retourne et allume une cigarette. Il s’est pitoyablement fait avoir par cette drogue moldue. Au début, c’était à une soirée pour fêter son retour auprès de ses amis moldus. Il avait 17 ans, de retour de ses 7 longues et laborieuses années chez les sorciers, il n’avait plus trop souhaité entendre parler du monde sorcier. Il les aimait pas, il les trouvait trop archaïques. Il ne prenait d’eux que le meilleur : la magie. Pour le reste, les moldus avaient raison : la technologie, y’a que ça de vrai. La technologie et toutes ces choses illicites qui font planer et qui rendent dépendant. Il était tombé dedans et il avait du mal à s’en passer. Où qu’il aille dans le monde sorcier, on lui en faisait le reproche. Comme cette grosse bouilloire aux joues roses, boucles rousses permanentées, guindée dans son horreur de robe taillée comme un gant de toilette, cousue de dentelles et de velours ocre et qui commençait à braire pour lâcher sa vapeur. La bonne vieille sorcière puriste par excellence :

"Oh ! Par tous les dieux, Merlin et Zeus réunis ! Qu’est-ce que vous avez dans la bouche ? Pas ici voyons !"
"Et alors, rétorque Orìn ralenti en attrapant son gamin par la main, c’est écrit où ? Il est où ton panneau interdit de fumer ?"

Elle s’offusque, elle cherche partout autour d’elle mais il n’y a rien de tel car les sorciers ne fument pas de clopes, ils ne fument que la pipe et ça doit drôlement être meilleur pour la santé et pour l’image parce que personne te regarde de travers quand t’as une pipe à la bouche. Ca doit faire plus noble, tu vois... Et, dans les alentours, pas plus de panneau anti-pipe qu’anti-clope ; heureusement, c’est si bon une... je m’écarte. Giboulées de reproches moraux en perspective. La grosse bouilloire vire au rouge furoncle. Orìn lui rend un sourire obscène de satisfaction et il écrase sa cigarette par terre. Avec sa baguette, il fait disparaître la preuve nécrosmoking de son délit car la sorcière s’apprête à appeler du renfort puritain pour la soutenir dans sa purge grotesque pour un monde meilleur où tout le monde est scandaleusement exemplaire, en bonne santé, avec son ticket "bienvenue au Paradis" serré contre son coeur. Il tourne le dos à la vieille sans lui adresser autre chose qu’un au revoir militaire moqueur qui veut dire bon vent et tire-toi. Elle pousse un trois cent quatre-vingt-dix-huitième oh outré et elle lui fiche la paix. Elle va avoir plein de choses à raconter à ses copines à midi.

Maintenant, le môme. Il regarde son père en se mettant le doigt dans le pif. Orìn roule des yeux en le regardant, il n’en croit pas sa vie qu’il a participé à la création d’une chose qui ne jure que part les chocogrenouilles, qui croit que les crayons de couleurs sont de parfaites baguettes magiques pour mettre dans l’œil de son petit frère ou pour repeindre le mur du salon dans le dos de papa et que la meilleure position pour réfléchir, c’est les doigts dans le nez.

"Gwen, tu veux bien virer tes doigts de ton nez ?"
"Pourquoi ?"
"Comment ça pourquoi ? Je sais pas pourquoi ! Ta mère elle te dit pas des trucs comme ça ?"
"Non, môman elle dit juste que j’dois pas faire comme papa."
"Ah ouais, elle dit ça ta mère ?" fait Orìn à peine outré. "Quelle scroutt !"
"Elle dit pareil pour toi" fait le petit sans ôter les doigts de son nez.

Orìn se met le doigt dans le nez à son tour en regardant son fils droit dans les yeux. L’enfant rigole et ôte le sien de son pif. Orìn cesse et, sans rien dire de plus, il dévisage le petit qu’il prend dans ses bras pour marcher plus vite vers les ascenseurs :

"Pas faire comme papa !" s’exclame Gwen, tout content, à son père bougon.
"Ouais, ouais, ça va, j’ai compris. Mais me prends pas pour un scroutt toi aussi. Tu crois quand même pas que je vais me laisser faire par un être humain dont la seule préoccupation est de pas dépasser des traits."

En passant devant la fontaine, Gwen lève son bras vers un jeune homme aux cheveux rouges :

"Je veux toucher l’eau !"
"Non, tu vas rien toucher du tout."

Gwen pleure. Un cri comme il sait si bien le faire pour que son père lui cède. Orìn cède car il déteste les cris autant que les caprices mais, à choisir, il préfère le caprice et le silence qui s’en suit. Il pose Gwen à terre qui crapahute vers la fontaine. Comme prévu, le rebord est trop haut pour qu’il puisse toucher quoi que ce soit. Orìn trépigne de joie et sourit bien grand à son fils. Pas dupe, sachant que son père ne va pas l’aider, Gwen se tourne vers le garçon aux cheveux rouges et lui tire le pantalon pour attirer son attention :

"Tu m’portes, monsieur ? Je voudrais toucher l’eau !"

Derrière eux, Orìn ne fait pas un geste, il les regarde.

*L'entrée de Darcy était remarquée, sans nul doute. Entre ses tendances moldus à se tuer à petit feu et la tête blonde qui effrayait les femmes pour pouvoir rattraper son père, son entrée ne pouvait pas ne pas être remarquée. Surtout après l'altercation avec la vieille dame. Le père semblait se foutre de tout et de provoquer tous ceux qui essayaient de le raisonner. Une tête brûlée. On aurait pu prendre ça pour de l'irrespect et on aurait sans doute raison. L'homme semblait n'en avoir que faire des conventions, des coutumes et des cultures du monde sorcier. Était-il moldu? Possible. Mais dans ce cas comment se faisait-il qu'il se baladait si librement et qu'il était si présomptueux dans un monde qu'il ne connaissait pas?*

*Enzo s'était tourné vers la scène intrigante mais n'intervint pas pour aider la vieille dame. Être jugé selon les apparences et non sur ce que l'on était réellement, il connaissait. Avec ses cheveux rouges et ses tatouages en dessous des yeux, il en avait déjà fait les frais. Peut être était-ce d'ailleurs pour ça que l'homme réagissait ainsi devant le monde sorcier. Peut être en avait-il assez d'être jugé. Qu'importe, Enzo ne pouvait que construire des hypothèses sans les fonder sur quoi que ce soit de concret. Pourquoi réfléchissait-il encore et toujours? C'était fatigant. Il n'était pas un ex-serdaigle, bon sang!*

*Enzo regarda la cigarette écrasée se volatiliser. Quel était l'intérêt de ce petit bâton qui se consumait et qui détruisait peu à peu la santé? Il n'avait jamais goûté de cigarette. Il n'en avait même jamais réellement vu auparavant avant aujourd'hui, sauf dans un livre d'Etude des moldus. Il ne savait pas pourquoi les moldus avaient inventé la cigarette. Il ne savait pas ses avantages, seulement ses inconvénients parce qu'on le lui avait enseigné. « Ne pas toucher à ça! Bouuuu, pas bieeeen! », c'était ce qu'on a voulu qu'il retienne. Et il l'avait retenu. Mais pourquoi créer cela dans ce cas? Ça il ne l'avait pas encore compris.*

*Le garçon à la chevelure flamboyante ne put s'empêcher de sourire à la façon dont les deux ennemis, la "bouilloire" et l'homme, se sont dits au revoir. La grand-mère savait-elle s'arrêter de râler? Cela rappela à Enzo certaine de ses virées entre amis pendant les vacances quand il était plus jeune. Ces « oh » outrés, il les avait entendu aussi. D’ailleurs, il les entendait toujours de temps en temps quand quelqu’un n’était pas un habitué des environs du chemin de traverse et voyait cette crinière rouge pétant. Heureusement, Enzo vivait à Londres. Dans cette grande ville, les gens côte à côte ne se voyaient généralement pas.*

*Enzo s’attarda sur le petit garçon. Il devait avoir l’âge d’Anna environ et ne ressemblait absolument pas à son père. Il se mettait le doigt dans le nez sans aucune gêne. L’ex-gryffondor réfléchit et ne se rappela alors pas qu’Anna faisait de même. La réaction du père était de toutes façons justifiée, qu’Anna le fasse ou pas. Mais la suite de leur discussion devint plus intéressante et en bon gryffondor Enzo ne put retenir sa curiosité. Il écouta donc et compris que les parents étaient divorcés. Enzo retourna à la contemplation de la fontaine. Les êtres humains étaient loin d’être aussi parfaits que voudrait le faire croire le monument doré.*

*Divorce. Encore une fois, ce mot était rarement utilisé chez les sorciers. C’était une tare d’être divorcé. Cela voulait dire qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas chez vous. Rien que le choix de votre partenaire. Les moldus étaient plus avancés sur ce point. D’où la réflexion du début : était-il sorcier ou moldu ? A moins qu’il était un sorcier venant du monde moldu. Les réflexions du garçon aux cheveux rouges furent stoppées par la crise de nerf du petit garçon. Celui-ci ressemblait plus alors à Juliet qu’à Anna : mignon tant que ce n’est pas chez soi. Le père céda facilement. Dans un sens, Enzo le comprenait. Quand il y a cris, on ne veut qu’une seule chose : que ça s’arrête.*

*Enzo regarda le petit garçon essayer de toucher l’eau et tourna la tête vers le père qui semblait satisfait que son fils n’y arrive pas. Petite vengeance ? Ce serait bien trop puéril. Enzo sentit quelque chose tirer son pantalon et ses yeux se posèrent à nouveau sur le petit garçon. Celui-ci semblait avoir décidé d'utiliser tout ce qui était à sa porté pour arriver à ses fins, autrement dit : lui. Sauf que c’était loin d’être une bonne idée. Enzo jeta un coup d’œil au père qui ne réagit pas. Bon ben à lui de gérer tout seul encore, c’était bien ça ?*

*Enzo s’accroupit alors devant le garçon en lui offrant un sourire. Pas de « bonjour » ni de « s’il te plaît » mais ce n’était pas grave : c’était comme ça avec Juliet.*

-Bonjour toi. Tu veux toucher l’eau ? D’accord mais à deux conditions. D’abord je veux que tu me promettes de ne pas remuer quand je te porterais. Tu risques de tomber à l’eau si tu remues et ton père ne sera sûrement pas content si tu reviens tout trempé. Ma deuxième condition est que tu dois me dire à quel étage se trouvent les aurors. Attention, ne te trompes pas. Sinon tu ne pourras pas toucher l’eau.

*Après avoir énoncer cela avec son plus beau sourire au petit garçon, Enzo tourna la tête vers le père et le salua d’un signe de tête. Ce n’était pas parce qu’il avait les cheveux rouges qu’il n’était pas poli.*