Couple 13: Elinor Redgrave - Allanah Raines

Elinor avait finalement retrouvé Raines. La jeune fille était arrivée légèrement après elles. Elinor lui sourit et fit de son mieux pour la mettre à l'aise. Les filles s'étaient surpassées ce soir question beauté. La Grande salle accueillait une profusion de couleur digne du plus beau des feux d'artifices.
Elinor décida de poser enfin sur regard sur sa cavalière et laissa un sourire prendre possession de son visage.

- Allanah tu es... rayonnante.

A Poudlard les deux jeunes filles n'avaient jamais rien partagé ensemble. Elles ne se connaissaient que de vue. Eli avait appris par Sacha que le jeune Poufsouffle qu'elle avait rencontré quelques mois plus tôt Caleb Sutham était sorti avec elle. Qu'elle était un peu solitaire et que Choup' lui était venu en aide sans qu'il ne lui en dise plus. Ce genre de tendresse n'était pas habituelle de la part de Sacha, ce qui laissa penser à Eli qu'Allanah en vallait vraiment la peine.

Logiquement, ceci n'aurait jamais dû se produire. Dans un espace-temps normal, en juin 2008, Elinor devait passer la soirée chez elle avec Ecko Sagamenti, et elles devraient se disputer sévèrement, ce qui refroidirait leur relation pour quelques temps. Mais depuis que Noah avait remonté les années pour porter secours à sa mère, le temps suivait une course différente, modifiée par chacune des actions du fils prodigue. Compliqué. Très compliqué.
Au lieu de faire vraiment connaissance au mariage de Sacha et Charlotte, Eli et Al apprendraient à s'apprécier plus tôt. Bien avant qu'Eli ne se fasse enlever deux ans plus tard par Antarès dans la forêt interdite après une excursion avec Al. Compliqué vous disais-je!

Elles écoutèrent patiemment les anonces faites par les organisateurs de la soirée. Ces personnages paraissaient étranges, assez irréels en même temps. Elinor redoutait le sortilège qu'elle subirait pour la soirée. Mais il falalit le faire si l'amusement était à ce prix!


- Nous devrions peut-être aller tirer une carte.

Elle prit Allanah par le bras et l'emmena devant la pioche qui déterminerait le reste de leurs actions pour la soirée.

A l'entrée de la Grande Salle l'excitation était à son comble. Beaucoup de filles gloussaient en espérant tomber ou éviter tel ou tel péché. En général c'était éviter surtout celui de la gloutonnerie pour éviter de grossir. Pathétique! soupira Eli intérieurement.

A son tour Eli piocha.

- Luxure?

Avant que le sortilège ne prenne possession d'elle, elle se mit à rougir bêtement.
Fallait bien que ça tombe sur moi ça. En plus avec une hétéro. On n'a pas idée de aprticiper à un jeu aussi débile !

Elle be s'en rendit pas compte mais la carte dans ses mains se mit à irradier. Il en sortit une douce lumière verte qui se diffusait dans sa main et irradia son corps l'espace d'une seconde. Impossible de reculer à présent.

Eli prit place et attendit patiemment. Patiemment mais pas sagement. Les effets du sort lié à cette mauvaise carte ne s'étaient pas faits attendre. Chaque coup d'oeil était prétexte à caresser un corps et inventer un nouveau fantasme. Pour une Serpentard psychorigide de base comme Elinor Redgrave, la soirée s'annonçait terriblement difficile, mais le plus extraordinaire dans l'histoire, c'était que l'enchantement ne laissait guère de place à la gêne ou à la pudeur.

Sur sa chaise, elle prit une position lascive, explicite. Elle s'arrangea pour ouvrir un peu plus son cécolleté et secoua sa crinière brune pour se donner un air faussement sauvage.

Mais qu'est-ce que je fais?

Il y en aurait une qui se marrerait si elle était là... Une autre brune, mais sans fausse pudeur celle-là. Ecko. Ah si elle la voyait! Elle n'en croirait sûrement pas ses yeux.

Phillistine et Hybris venaient de prendre la parole pour expliquer le déroulement de la première épreuve. Mozilla et Job conclurent.
Sur sa chaise, Eli avait parfaitement entendu et compris le discours des animateurs de la soirée, mais son attention était toute portée vers Allanah. Eli avait posé ses coudes sur la table. Une main soutenait sa tête pendant que l'autre caressait la nape de soie. Ses yeux étaient en train de déshabiller Raines et de s'abandonner à mille et unes idées coquines avec elle en soupirant. Evidemment, cette situation ne provoquait pas une once de regret au contraire.

On aurait pu croire que le sortilège se renforçait chaque fois qu'un de ses sentiments était sur le point d'émerger.

... La tour d'astro. Je suis sûre que cet endroit serait parfait pour une première fois avec elle. Eclairées par la faible lueur de deux bougies, nous serions étendues sur une couverture rouge et je laisserait ses lèvres faire connaissance avec les miennes dans une grande douceur...

- Ca y est tu as trouvé une chanson? Je te rappelle qu'on n'a que trente minutes! Bouge-toi le chaudron.

Une voix en colère sortit Eli de sa rêverie romantique - quoi que ce n'est pas le mot le plus approprié - et la fit redescendre sur terre. La chanson...

Asmodée tu m'as bien eue.

A regret elle redescendit son regard sur la table et sur un bout de parchemin et la plume qu'on leur avait distribués. Elle tapota la table de ses doigts en faisant de son mieux pour se concentrer. Une chanson. Les couples défilaient, les fausses notes pleuvaient et tout était prétexte à s'imaginer pendue aux lèvres de Raines. Ce qui était agaçant, c'est qu'elle aussi n'ait pas tiré la carte luxure. C'eût été beaucoup plus amusant dans le fond.

Eli fit de son mieux pour se concentrer et finit par trouver la bonne chanson. Normalement c'était un duo, mais qu'importe. Elle caractérisait bien la relation qu'elle avait eue avec Caleb.

Elle se leva sûre d'elle et sourit à Allanah.

- Chanson sur la soie, sur soi, sur toi.
Mais la plus pure des soies
n'égalera sans doute pas
ce que feraient mes doigts, sur toi...

Un dernier regard appuyé sur la belle et voilà Eli qui monte sur scène après Sakura. Elle ne voyait aucun inconfort à la situation. Se montrer à la vue de tous dans cette tenue provoquante l'amusait presque. Non, en fait ça faisait plus que cela.



- Je suis venue, pour te les dire
Dans le plus doux tissu qui soit
Ces choses qu'on garde pour soi
Tant qu'on s'aime encore, c'est-à-dire

Que dans ces douceurs, honni soit
Qui pense amour ou même désir
Pour toi seul'ment comme tu respires
Tu gardes les dessous de soie

Soit tu déchires
Soit tu t'en vas
Chacun pour soi

Fini le jeu, perdue la mise
Oublie ce que tu aperçois
Par la meurtrière de soie
Qui s'ouvre au cœur de ma chemise

Et ce regard que je perçois
Je vais le jeter sur des feuilles
Où je t'effleure, où je t'effeuille
Sur le papier, ça va de soi

Soit tu me cueilles
Doucement, soit
Chacun pour soi

Écris les vers, écris la prose
Les plus jolies pages qui soient
Si tu te plains, tu me déçois
Écris mon prénom, si tu l'oses

Je garderai quoi qu'il en soit
Pour toutes mes amours à venir
Transparents comme un souvenir
Caché dans un foulard de soie

Soit du plaisir
Soit ces mots là
Chacun pour soi.

Spoiler:

Zut, zut et re-zut ! Patate* ! .* Spécial dédicace à ma topine la Jaune :-D.

Franchement, qu'est-ce qui lui avait pris de sortir une ânerie pareille ? Fallait-il donc qu'elle ait le cerveau tout retourné pour perdre autant le contrôle sur sa langue et ses cordes vocales ? Cette soirée était décidément la pire de toute sa courte vie

...

car rien que de voir Elinor bougeait en tout sens - partir furieuse et surement vexée - vers le buffet, Lanah avait mal à la tête. N'était-elle donc pas fatiguée rien qu'à l'idée de parcourir la distance entre l'endroit où elles se tenaient et le-dit buffet ?

En même temps, c'est de ma faute ...

Outre le fait qu'elle l'avait prise pour un garçon - un garçon !! - elle lui demandait d'être prête à satisfaire tous ses désirs. Tous sans exception si elle en croyait les paroles de la Serpentard. La Serdaigle vira au rouge, tandis qu'elle attendait, contrite, le retour de sa camarade.

Lanah accepta sans broncher le verre qu'elle lui tendait et en avala une gorgée. Puis, éberluée, elle le posa sur la table, par peur de le voir finir par terre, souillant pieds et chaussures dans la casse. Danser ? Cela faisait des années qu'elle avait oublié comment on mettait un pied devant l'autre sans faux pas, ni anicroche. Alors faire cela devant la quasi totalité de l'école...

Lèvres pincées, Lanah hésita à répondre par l'affirmative. Un petit démon et un petit ange se battaient au dessus de sa tête à coup de fourche et d'auréole lumineuse pour prendre le dessus sur l'autre.

Le démon personnalisait la magie de la carte paresse, qui lui susurrait que reposer ses pieds était bien plus important que de danser. La chaise derrière elle n'attendait plus que son arrivée pour l'aider à remplir cette tâche hautement importante qu'était ne rien faire. L'ange, lui, lui assénait sans pitié qu'elle devait au contraire accepter l'invitation. Elle avait gaffé et tout acte répréhensible méritait réparation de la manière dont le voulait le parti lésé. Dans la limite du raisonnable tout de même. Et une danse n'avait à ce jour jamais tué personne.

Il n'y avait encore aucun couple sur la scène, aussi les musiciens avaient entamé une musique de leur cru, pour maintenir l'ambiance au beau fixe chez les collégiens.

Alors après un soupir de consternation, Lanah hocha la tête en signe d'acquiescement et se laissa guider en silence vers la piste, sans attention pour les regards qui se fixaient sur leur chemin. Quelle chose hautement passionnante que de voir deux jeunes filles ensemble !

Seconde épreuve. Sans un mot, Lanah se leva de la chaise sur laquelle elle était assise depuis la fin de la danse. Elle évita le soupir de soulagement audible pour se contenter de regarder droit devant elle, suivant les autres filles jusqu'à elle ne savait où. Tant qu'elle pouvait être tranquille et se laisser lentement happer par le rien, elle était contente. Assise, elle attendait, les yeux fermaient.

Puis la délivrance du sort. Encore devoir marcher. Rien qu'en faisant ça, les organisateurs étaient sûr d'épuiser tous les élèves en un rien de temps. Etait-ce fait exprès ? Ou juste une façon subtile pour rendre cette soirée plus infernale qu'elle ne l'était ? Lanah optait pour la seconde solution, bien mieux pour pouvoir se plaindre. Tout en lenteur, elle leva le bras pour se pencher sur les questions qui apparaissaient à mesure qu'elle touchait de la baguette les carrés de couleur sur la tablette.

Citation :

Luxure : Qu'est-ce qui vous fait succomber à la luxure ?
Sacha Tout. De la naissance de sa poitrine dans cette robe outrageusement sexy, à ses sourcils froncés quand elle se fâche contre moi.

Avarice : Vous n'avez que trois Gallions en poche pour lui offrir un cadeau, que lui achetez-vous ?
Sacha Une boîte vide que je lui demande de remplir de sept bouts de papiers où elle écrit tout ce qu'elle voudrait faire. On y piocherait tant qu'elle n'est pas lasse.

Gloutonnerie : Un dîner à deux, quel est le menu ?
Quelque chose de simple, mais d'appétissant à la fois. En fait, ça serait des ingrédients basiques mais améliorés par des sauces etc.
Sacha : Elle.

Envie : Avec quelle autre fille du bal n'aimerait-elle pas vous vous voir fricoter ?
A part elle même, je ne vois vraiment pas.
Sacha Toutes.

Orgueil : Que ne lui pardonneriez-vous pas ?
De me dire que je ne vaux pas un mec.
Sacha De me contraindre.

Paresse : D'un côté, un important dossier à rendre à la première heure le lendemain et vous n'avez pas terminé, d'un autre côté, une soirée tranquille dans les bras de votre compagne. Que choisissez-vous ?
Le Dossier.
Sacha Ses bras.

Colère : Que pourrait-elle faire qui vous mette hors de vous ?
Sacha Me demander de lui ôter la vie...

Je repartais dans deux jours vers mon époque et à part quelques broutilles, je n’avais rien arrangé de la situation de ma mère. En tout cas, il ne me semblait pas l’avoir fait. J’en aurais le fin mot dès mon retour, présageant déjà que ma prochaine rentrée se ferait à Poudlard, en l’an 2008...

Un échec total.

Le bal de fin d’année battait son plein. Je voulais y errer dans l’infantile espoir d’apercevoir Raines toute en beauté dans une belle robe de soirée et emporter avec moi cette dernière image même si je la savais avec un autre cavalier. Bêtement, j’aurais préféré que personne ne se risquât à l’inviter qu’elle fût seule et que j’intervinsse en grand messie: "Viens, bébé, je suis là maintenant."

Paf ! Quelque chose me percuta en pleine rêverie. Je relevai la tête près à hurler quand le visage de Rogue entouré de son rideau de cheveux gras s’abaissa vers le mien. Il puait. Je reculai instinctivement.

- Professeur...

De son air étrange dont seul lui avait le secret, il plissa ses yeux soupçonneux, renifla comme si j’étais celui des deux qui sentait, me contourna sans rien dire et se perdit dans le couloir obscur qui menait aux cachots.

- Bonne soirée, monsieur... Sutham, lâcha-t-il dans mon dos, sans se retourner.

Je ne trouvai rien à lui répondre. Il m’a semblé que ma nomination avait quelque chose de sarcastique. Pouvait-il savoir ? Je devenais parano. Je fis volte-face pour m’éloigner le plus rapidement possible de ce sentiment d’avoir été découvert et je plongeai dans la foule des convives du bal de fin d’année.

Je saluai distraitement ceux qui m’adressaient la parole sans envie de m’arrêter dans un groupe plus qu'un autre. Je cherchai Raines. Même si je ne comptais pas lui parler, je voulais au moins la voir. Découvrir qui était son cavalier pour – sait-on jamais – avoir l’opportunité de lui faire un croche pied involontaire (évidemment) si le troll passait près de moi pour aller vers le buffet.

Sur la scène, sommés par les organisateurs du bal d’y monter, des garçons étaient assis sur des fauteuils noir et répondaient à un questionnaire. Plus tard, des filles firent de même et vinrent s’asseoir devant eux, en bas de la scène. Je regardai le ballet de jupons et de smoking s’activer. Suivai le jeu avec assiduité car je venais de repérer Allanah.

Je compris très vite qui était son cavalier pour le bal. Comment était-ce possible ?

Nom d’un troll à bicyclette, elle est la cavalière de ma mèreee!!!

Cette époque me traumatise.

Je fis profil bas durant toute la cession des questions réponses.
Me marra comme un scroutt lorsque Raines se planta sur les réponses de ma mère.

Et quand les rôles furent inversés et que ce fut au tour de maman de répondre aux questions d’Allanah, je lui volai la parole et répondit à sa place depuis l’endroit où je me trouvai. Au fond, dans l’ombre.

- Luxure, tu as peut-être répondu Elliot et nos avis auraient différés.
Avarice, je te crois économe et sage et si je me suis trompé, c’est que tu ne m’as pas laissé assez de temps pour te connaître.
Par orgueil, il est probable que tu ne pardonnerais pas à ta belle-mère d'avoir ruiné ta vie.
Gloutonnerie, j’aimerais croire que tu préfères un dîné brûlé préparé avec amour.

Paresse, si c’était face à moi, je serais le plus paresseux des deux. Face à Elinor... peut-être pas.
Colère, face à moi, j’aurais aimé que tu cries car me disputer avec toi est un plaisir. Face à Elinor, probablement que faire la tête suffirait pour montrer ton mécontentement.
Envie... oh... il y a mon prénom!... Mais je ne saurais pas répondre à cette question à ta place... J'avoue, j’aurais aimé que tu dises "elle fait ce qu’elle veut mais pas toi", ou "toutes sauf toi."



- Raines, veux-tu danser avec moi?... Maintenant... Tu me manques.


Ce qui me prend? Je ne sais pas. Je ne veux pas voir ma mère "en couple" avec celle que j’aime. Je crois que la raison est légitime.

Je sortis de l'ombre le bras tendu vers elle pour qu'elle ose descendre de scène pour venir se blottir contre moi. Juste une danse. Sentir son regard contre moi, ses bras autour de moi, sa respiration par ici et soupirs par là.

J'interrompais l'épreuve sous quelques regards désapprobateurs mais, pour ce que cela me coûtait de honte et de ridicule face à l'optique de ne la revoir plus jamais, je n'en avais rien à foutre.

Je rattrapai l'épreuve de chant sans le vouloir. Une envie. Je lui chantai une chanson qui me secouait quand je pensais à elle. Néanmoins, je n'éprouvai pas ce sentiment de soumission à une carte magique quelconque.

Mais comment s’en lasser?

Même lorsque le dernier son sortit de ma bouche - un son plus chuchoté que chanté – je restai debout pour servir de reposoir à Allanah dont le corps amorphe continuait de se laisser bercer par les menus mouvements de mon corps. Dernière nous l'épreuve reprit.

Combien de temps?

Il se passa au moins une vie avant que nous nous mettions de nouveau en marche. Cette vie fut peuplée de pensées, de situations imaginaires où je réinventai tout ce que j'aurais aimé faire. Qu'est-ce les choses les plus simples paraissent compliquées quand on est ado.

N'aurions-nous pas pu résoudre tout cela en en parlant? Me demandai-je en caressant ses cheveux quand je n'aurais pas dû.

Si simple de parler.

- Raines, je viens du futur. Mon père est Sacha de Lansley et ma mère n'est surtout pas Charlotte!!... c'est Elinor. Mon père et ceux qu'on appelle la Résistance, m'ont envoyé ici pour observer et régler quelques problèmes afin de prévenir un danger qui détruirait beaucoup de monde.
- Je ne comprends pas tout... moi, il me semble que je perds tous mes souvenirs. Ca va très vite. Comme ma mère, j'ai accepté de m'occuper des Arbres-Mère pour la prospérité. En échange de quoi, ma vie passée se perd. Je ne sais plus qui tu es.
- Voilà qui laisse perplexe. On essaye comme nous pouvons de sauver ceux qu'on aime. Quel couple de super-héros! C'est nous qu'on devrait gagner la couronne du bal.
- Qu'est-ce qu'on fait maintenant, on n'est pas plus avancé.
- Non. C'est sûr mais au moins, je sais. Et toi tu sais. Je me sens plus léger... ça ne change rien. Je dois toujours repartir à mon époque. Ca ne change rien, tu m'oublieras complètement... et pour toi, je n'ai que deux ans... ça ne change rien et ça change tout car maintenant, nous n'aurons jamais de regrets.

Je pensais à moi lui racontant le futur. Cela m'obligeait à lui révéler que je n'étais pas réel pour elle. Que je n'étais qu'un bébé. Peut-être lui aurais-je gâché le plaisir de découvrir son destin en lui révélant que mon père serait son hôte durant quelques années... et puis, en lui en parlant pour de vrai, je changerais une nouvelle fois la donne sans en connaître les répercussions. J'avais déjà fait trop gaffes... c'était impossible. Navrant.

Voilà, les trolleries auxquelles je rêvais pendant que se terminait le second round. C'était si facile dans la tête, si dur dans la vraie vie. Je m'écartai d'Allanah sans oser lui voler de baiser. Pas cette fois. C'aurait été tellement malvenu. Son regard était imprégné d'une drôle de lumière que je ne connaissais pas. J'hésitai. Droguée ou... absente. Elle avait l'air fatigué. Flapi. Plus un petit quelque chose.

A ce moment, je ne savais rien de ses pertes de mémoires. Aussi ne pouvais-je deviner qu'elle se demandait sans doute qui j'étais. Mais dans mon ignorance, je me contentai de lui désigner nonchalamment Elinor qui s'était levée de son siège en nous jetant un regard souriant. Ma Serpentard de mère avait l'air plutôt heureux de se débarrasser d'Allanah et avant de comprendre vers qui elle s'empressait de courir, je confiai à Raines:

- J'ai l'impression que je viens de gagner une cavalière... veux-tu être ma cavalière?

Ouille!!! Aïe! Nom d'un flute de troll de bouse à cloche pied!! Pavé fiente! Sacré nom d'une chaussette puante!!! Aaaaaaaaaarghhh!! Non! Juste derrière, près de la porte se découpait la silhouette longiligne d'Ecko.

Tout mais pas ça!

Peut-être était-ce maintenant alors? Peut-être que c'était ce soir que les deux filles allaient... je devais les éloigner... hic! Et Raines? J'en faisais quoi? Garrrrrh! Je l'emmène! Pas question de la laisser là!

- Raines, ça te dit une mission sapage de couple gay? Aller, on déguerpit! Je te promets de t'expliquer... un jour!

Ni une ni deux, je pris la main de ma cavalière pour l'entraîner à la poursuite d'Elinor et Sagamenti. Les deux filles venaient de disparaître par l'escalier des cachots. Je courrai en serrant la main d'Allanah mais en bas des marches nous les perdîmes. Je m'arrêtai défait. J'étais prêt à faire toutes les salles de ces maudits cachots. Sagamenti la Jaune. Maman la Verte. Sous-Sols. Deux Salles Communes. Peut-être se sont-elles réfugiées dans l'une d'elle.

Je marquai un arrêt pour reprendre mon souffle. J'aurais aimé prendre celui de Raines mais préféra refouler mon impulsion. Je lâchai sa main et la scruta:

- Désolé pour la course poursuite en talons... Ca va?

Elle était la même et elle était différente. Parfois, j’avais l’impression de n’être personne à ses yeux. Comme si elle m’avait déjà oublié. Je dois dire que la sensation était particulièrement douloureuse. D’autres fois, derrière un voile opaque tiré aux quatre coins de ses yeux, j’apercevais, en me concentrant très fort, les vestiges de ce qu’elle avait pu ressentir un jour pour moi. Toujours est-il que je me fis cette réflexion :

A tord ou à raison, Raines ne m’aime plus.

C’était incompréhensible. Pas de ne plus m’aimer, mais de deviner ce qui lui arrivait... quel était le mystère de ce qui l’attirait et la repoussait chez moi?

Raines...

J’entendis son texte chanté mais ne le compris pas. Des souvenirs lui remontaient? Est-ce que cela était censé infirmer mes inquiétudes? En rien. Cela les renflouait. Le cratère creusé entre nous, même si je ne voulais pas le voir, essayait de m’engloutir tout cru dans le centre de son rien.

Impassible et blême, je me levai et me postai en face d’elle. Je ne détournai jamais le regard du sien. Elle devait recevoir chaque terme de ma composition.

"J’aurais voulu être ta Paresse. Les siestes que tu fais, les peupler de songes où tout va tellement bien.
J’aurais voulu être ton Orgueil. La fierté que tu affirmes à ton bras quand nous nous promenons.
J’aurais voulu être ton Envie. Les jalousies qui prouvent ô combien l’autre nous est cher dans les moments d’insécurité.
J’aurais voulu être ta Gourmandise. La sucrerie, le piment, le sel, l’amertume, la crudité, le repas complet et équilibré de ta vie.
J’aurais voulu être ton Avarice. La mesquinerie éhontée de ne vouloir me partager avec personne.
J’aurais voulu être ta Luxure. Les caresses et la fièvre des désirs qu’on découvre et redécouvre tant on en n’a jamais assez.

Mais du gouffre où je me trouve, je ne suis que ta Colère. Le jet impressionniste de ton indifférence qui me blesse et me met en rage... je ne sais pas ce que tu as, Raines, ma Raines. Dis-le moi.

Dis-moi que j’existe et que tu es toujours Raines, la fille qui tremblait quand je l’embrassai. Celle qui souriait comme un soleil dans les vallées de mes trolleries. La Raines qui pleuvait sur moi, inquiète, quand je brisais les règles. Raines, Allanah, Raines, Lanah... qui me disait « je t’aime » quand je ne l’entendais pas. Où sont les roses que tu caches?"

Il était le péché que j’abhorrais et que j’aimais à la fois. La folie de n’être plus dans soi tellement la fureur nous fait sortir de nous. J'étais sur le point d’exploser de colère. Contre rien, je ne comprenais rien et je ressentais trop. Ca m’énervait. J'avais peut-être fait une bêtise en venant; ça me mettait dans tous mes états.

Que me dit-elle ou qu’essaye-t-elle de me dire? Allanah, je ne sais plus qui tu es.

- Ca je le savais, soupirai-je en souriant.

Je ne souriais pas de dédain, ni de cette fureur suffocante qui me plantait ses crocs dans la gorge. Je souriais du sarcasme que m'inspirait la situation. J'étais près à rouler des yeux en lui disant: "Oh, ça va. Ton chapitre sur je ne t'aime plus casse-toi, je l'ai très bien intégré. Ce n'est pas ce que je demandais."

Elle restait muette et ne comprenait rien à mes motivations. Ce n'en était que plus irritant. Quand on dit que les sentiments amoureux frôlent souvent ceux de la haine à cause de la passion qu'ils provoquent tous deux, on n'a pas tord. Je ressentis un mépris instantané pour celle qui refusait aveuglément de m'expliquer.

Et elle qui pense niaisement que j'essaye de la récupérer.

Sarcasme du drame. Sarcasme de l'incrédulité. Sarcasme et enfilade de désillusions.

Je n'entendais pas ne pas comprendre. Qu'elle ne m'aimât plus ou plus encore était loin de mes desseins courants. Tout ce qui m'important n'était pas de retrouver aux larmes acides les bons moments passés mais de découvrir ce qui lui était arrivé. En quoi je la trouvais si changée.

Bien sûr j'y pensai! Bien entendu j'aurais été ému aussi bien que surpris qu'elle se penchât vers ma bouche pour l'embrasser. Mais le rabibochage des coeurs était si loin de mes vraies pensées. Je me sentis méjugé, réduit par l'opinion qu'elle semblait avoir de moi en cet instant et la traduction qu'elle prêtait à ce qui m'avait énervé. Sacha avait raison: "Etre avec elle ne veut pas dire être dans elle mais les filles ont parfois l'esprit plus mal tourné que celui des hommes, fils. Elles pensent toujours que alors qu'en fait, non. C'est ça le problème. Elles pensent."

Elle pense que je veux la récupérer. Elle comprend rien. Elle me sous-estime et me réduit à un lover de seconde zone. Elle se prend pour qui?

Ne pas savoir. C'est ça qui me brûlait. Ne pas savoir et ne pas pouvoir l'aider. Dépendre de choses que je ne contrôle pas ou que je ne comprends pas. Je lui en voulus terriblement de cette méprise. Or, c'était bien injuste de ma part car à l'inverse, je n'aurais rien lâché à Allanah sur ce qui me faisait la fuir. C'était bien ça. Je ne supportais pas de n'avoir aucun contrôle sur notre situation. Je détestais ne pas comprendre ce qui se passait. J'exécrais plus que tout la voix mystérieuse emprunte de sollicitude avec laquelle elle venait de s'adresser à moi. Parce que je ne la croyais pas. Elle se mentait. Je ne pouvais pas la croire.

- Bonne nuit, Allanah. Amuse-toi bien et merci pour la danse.

Ni plus ni plus moins.

Je tournai les talons en direction du buffet pour boire. N'importe quoi mais pourvu que cela soit assez fort pour me faire passer le goût amer qu'elle venait de suciter.