La nuit est tombée depuis déjà des heures.
J'ai oublié le couvre-feu.
Je me dirige vers les extérieurs du château.
Qu'est-ce que je risque si je suis surprise ici ? Rien ? beaucoup ?
Il suffit que personne ne me remarque.
Je note dans un coin de mon cerveau de rester attentive au moindre bruit, à la moindre lueur. Si jamais mes sens sont en alerte, je pourrais plonger sous une table pour me cacher de la vue d'un badeau retardataire.
J'ai trouvé à la bibliothèque un vieux grimoire de potions.
L'une d'elle me semble intéressante, mais pour la réaliser j'ai besoin de matériel.
J'aurais pu demander au professeur de botanique s'il me permettait d'utiliser ses serres pour une expérience personnelle, sauf que n'allant jamais à ses cours - ou m'y faisant très discrète -, j'ai craint qu'il ne refuse - ou pire me demande ce que je voulais y faire et dans quel but.
Donc me voici, de nuit, bravant l'interdit, devant ces lieux chers aux plantes.
Par méfiance, je regarde une dernière fois alentours. Personne à gauche, idem à droite.
Je tente d'ouvrir une première porte. Elle est close.
A-t-on idée de fermer les salles de classe une fois le soleil couché ? Normalement tout le monde dort à cette heure, il n'y a pas de risque ni de danger, ne puis-je m'empêcher de pester.
A la réflexion, je suis bien là, moi, sur le point d'en violer l'accès... Je ne dois pas être la seule élève à aimer les virées nocturnes et les serres sont le meilleur endroit pour commettre des méfaits.
Bref, je dois entrer.
Avec une formule, peut-être ?
Non, il vaut mieux de pas essayer, qui sait si les huis de l'école ne sont pas piégés ?
Comment feraient des moldus ?
Une carte, une pince à cheveux, une pierre...
J'aurais du prévoir un manuel de serrurerie.
Par chance, il n'y a pas qu'une serre. J'en teste une seconde.
Miraculeusement, elle est ouverte.
Un oubli, peut-être ?
Je ne perds pas de temps à la réflexion, la salle est accesible, j'y pénètre.
Je fais mentalement la liste de ce dont j'aurais besoin : un flacon, un chaudron, une cuillère, un mortier, du feu, de l'eau...
J'ai dans la poche des racines.
Où sont les armoires ?
Il faudrait que je sois plus attentive en classe, je le saurais surement !
L'obscurité est maîtresse la nuit. Je ne peux rien allumer pour m'éclairer, de peur de me faire surprendre.
Je distingue néanmoins un meuble de grande taille au fond de la pièce. Je m'y rends à tâtons.
Une clé le garde fermé.
Je la tourne, le chambranle craque lorsque la porte s'en détache. L'armoire est ouverte.
J'attrape le matériel dont j'ai besoin tout en constatant le manque de prudence de mes professeurs. N'importe qui peut voler des accessoires, dis-je assez haut.
Je me m'étonne parfois de mon manque d'objectivité. Il y a cinq minutes je les croyais surprotecteurs et à présent je les pense naïfs.
Je vais vers une table éloignée des fenêtres et m'y installe.
Je vérifie les objets que j'y ai déposé et armée du mortier commence la préparation de ma potion.
Tandis que je réduis en poudre les racines de violette, je pense à l'usage prochain que je pourrais faire de ma décoction.
Je dois d'abord la mettre dans le flacon et... Le flacon ? J'ai oublié de prendre le flacon ! Je l'avais pourtant touché tout à l'heure.
Je perds la tête...
Heureusement qu'il n'y a pas de timing à respecter dans ma préparation.
Encore qu'il faille faire vite pour pouvoir regagner ma chambre et faire semblant de dormir.
Je retourne donc à l'armoire, jetant un dernier regard à ma table. S'il me manque quelque chose autant le prendre tout de suite.
Je ne voudrais pas riquer d'être repérée par des allées-venues continuelles.
Je ne me sens pas à l'aise.
Pourtant, j'ai l'habitude d'enfreindre le réglement, mais il règne ce soir une atmosphère particulière.
Peut-être à cause de ma potion ?
Celui-ci est trop petit, celui-là trop fragile...
Parfait !
J'attrape le récipient face à moi sur l'étagère.
Je remarque des filtres. J'en prends un. Il me sera utile. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?
Je retourne, les mains chargées d'une petite bouteille et d'un filtre, à ma place.
Les racines ne sont pas encore assez poudreuses. Je continue donc à les écrasser.
A présent, je peux commencer le plus long mais le plus simple : réduire l'eau et la poudre.
Ou bien, je laisse macérer toute la nuit ?
Pendant que l'eau s'évapore, je mélange pour que chaque particule de liquide soit chargée d'une poussière de violette.
Demain, je testerai la formule sur un Serpentard. Un première année, qui ne devinera pas que je cherche à l'empoisonner.
Pourquoi lui plutôt qu'un autre ? Je ne saurais répondre. Mais, la maison symbolisée par un serpent n'est-elle pas rivale de la mienne ?
Deviendrais-je sournoise ?
Le chaudron est brûlant. Je le laisse donc atteindre une température plus basse avant de le vider.
Si j'empoisonne tous les Serpentard peut-être que l'on pensera à un virus trainant dans les cachots.
Mais je ne pourrais plus utiliser la potion sur moi, sans risquer d'éveiller les soupçons.
Non, je dois m'en tenir à mon plan initial.
Je referme mon flacon et le mets dans ma poche.