La fuite en avant. (TM St Val Pv Eleanor Moon)

14 février : la visite au ministère avait commencé depuis une demi-heure, et déjà les bâillements se faisaient sentir.

Le tirage au sort avait été favorable à Julian, qui pour une fois, avait gagné le droit de visiter un lieu qui pouvait lui apporter certaines choses… Visiter le ministère avait en effet un intérêt indéniable, notamment les étages cinq et six parlant toutes deux de la vie des moldus, le sixième étage parlant de l’appareil nommé télé, et le cinquième parlant de l’appareil nommé télécommande. Les thèses philosophiques étaient nombreuses sur ce sujet, et oui, même chez les sorciers, on ne parlait jamais assez de philosophie…

Julian traînait donc les pieds, nonchalamment, suivi de prés par les cinq autres élèves tout aussi chanceux que lui. Il se fait distancer alors par une personne de même taille, mais bien plus âgé, approchant la quarantaine, et qui d’un salut, qui se veut cordial, leur adresse un regard plein d’autorité…

« Bonjour à tous, je m’appelle Caleb Sutter. Je suis ici pour accompagner votre hôte, Miss Otina, qui doit vous faire visiter les recoins du ministère, presque, tout les recoins… Il est évident que beaucoup de lieux vous seront en partie interdit, étant donné l’importance de certains secrets et le fait que beaucoup d’élèves ne savent pas tenir leur langue… »

Après ce cours discours aussi acide que des chocogrenouilles ayant traîné dans le coffre de Jo Campbell pendant des mois, celui si marqua le pas, collant à ceux de notre guide. Notre guide, pour qui le sourire amical et les gestes bien placés, n’avait pas du être conseillés pour sa fonction au ministère…

Julian décide alors de briser la glace pour éviter que cette visite ne se transforme en balade mortuaire. Avant que les gargouilles traînant ici et là, ne commencent à chanter une mélopée sordide, animé seulement par le grincement des dents en email majeur de Mr Sutter. Et s’approchant d’une élève, il fait connaissance.

« Bonjour, je suis Julian Falcon, j’étudie à l’université de Poudlard, et je ne crois pas te connaître… Toi aussi, tu as été tellement chanceuse pour être sélectionné à venir visiter cet endroit si ennuyeux… Il faut faire gaffe, nous sommes surveillé maintenant… Attention à nos paroles, ou nous risquons d’aller visiter plus tôt que prévu, les prisons du ministère…»

Il sourit, puis se ravise se disant qu’elle n’apprécierait peut-être pas, et qu’il était possible qu’elle ait même un parent au ministère…

Julian, tu parles trop vite…

« Ici, se trouve le bureau des lettres sorciers, qui comme vous le voyez, volètent un peu partout dans cette pièce. »

Julian avait vu, oui. Et déjà trop vu.

Jeudi 14 février 2008
Pour Eleanor Moon, cette journée ne rimait avec amour ni avec violons ou petits cœurs roses, ni aucune de ces étranges futilités si chères à ses camarades d'école. Pour elle, et pour cinq jeunes gens avec elle, cette journée avait été placée sous le signe du blason ministériel. Quelques centaines d'élèves, un tirage au sort, six noms. Le hasard avait parlé. En ce jour particulier dont elle ne saisissait aucune nuance, la BRIME avait organisé pour eux une sortie scolaire, non des moindres. Visite guidée du Ministère de la Magie, sous bonne garde, semblait-il.

Eleanor ne savait trop que penser de cette chance unique. Lorsqu'elle avait appris la nouvelle, Natacha, sa tante, avait pris quelques minutes de son si précieux temps pour couvrir un parchemin élogieux à l'attention de la jeune fille. « Ton éducation a fait toute la différence » écrivait-elle. « Ils n'ont pu que remarquer le comportement exemplaire qu'est le tien et ils t'ont récompensée comme il se doit. » Sa lettre entière n'était constituée que de semblables louanges, rappelant à intervalles réguliers combien il était bénéfique et valorisant que les efforts de la Serpentard soient ainsi connus de membres du Ministère, et peut-être même jusqu'au Ministre lui-même, pour se voir offrir cette chance d'en visiter les bureaux.

« Je suis fière de toi » concluait-elle.

Etrangement, personne n'avait semblé envier les six "élus" de la BRIME. Bien au contraire. Quolibets, jeux de mots, regards moqueurs se suivaient sans fin, dans une joyeuse farandole. L'aversion générale portée au Ministère et à ses représentants, puisée à la source des récents événements, trouvait ici une voie d'expression privilégiée.

A l'heure du départ, nul parmi les cinq confrères de la jeune Serpentard n'avait démontré le moindre entrain, exhibant des mines maussades, lassées, là on l'on attendait d'eux joie et émerveillement. Seul fait étrange, la plus jeune du groupe, au regard intimidé, les joues rosies par l'embarras, s'était ostensiblement rapprochée d'Eleanor, semblant chercher chez elle comme un élan d'approbation. Qu'attendait-elle réellement ? Eleanor n'aurait su dire. Etait-ce dû au fait qu'elles n'étaient que deux demoiselles parmi une majorité masculine ? Quelques minutes d'interrogations vaines - le temps de se rendre dans les locaux ministériels - et Eleanor s'était déjà habituée à sa proximité. Elle ne la dérangeait ni ne la gênait.

Après une demi-heure au sein du Ministère, alors que tous semblaient déjà vouloir regagner le cocon douillet de leurs couvertures, somnolant au son de la voix de Caleb Sutter, un jeune homme qu'elle savait avoir appartenu à sa Maison se pencha vers elle. Julian Falcon. Leur précédent préfet ? Ses paroles la laissèrent perplexe ; mélange de dérision et de sérieux qu'elle parvenait difficilement à démêler. Son regard d'argent se posa sur son visage, lui posant maintes questions muettes, dont les réponses ne devaient lui parvenir. Ses lèvres s'entrouvrirent, afin de laisser échapper les formules de politesse qu'elle avait réappris à prononcer. Mais sa voix fut prise de court.

~Anna Smith, Serdaigle, première année, énonça clairement la jeune fille attachée aux pas d'Eleanor. Très enchantée.

Le sourire resplandissant éclairant son visage encore poupin démontrait aisément la véracité de ces mots.

~Moi aussi j'ai été très chanceuse mais franchement, j'aimerais vraiment pas aller visiter les prisons... Y'a des prisons au Ministère ? Je savais pas. Le monsieur là, Salem Cutter, il est méchant, tu crois ? Hein ? Tu le sais toi ?

Elle se tourna vers la fille de Lune un regard circonspect, où se mêlaient indécision et scepticisme. Elle semblait avoir oublié la visite, le guide, jusqu'au lieu même où elle se trouvait. Et n'accordait pas tant d'importance aux réponses qu'aux questions qu'elle se posait. Eleanor la regarda un instant, sans comprendre. Cette enfant avait quelque chose d'étonnant qu'elle ne parvenait à saisir. Retour à Julian Falcon.

¤ Eleanor Moon ¤ dit-elle dans un murmure. ¤ J'appartiens à ton ancienne Maison. ¤

Elle-même ne se souciait que peu des lieux, personnes et objets que leur présentaient Mr Sutter et Miss Otina. Il ne lui avait fallu que très peu de temps pour s'apercevoir de l'intérêt limité de tout cela.

. Un peu long :-s

Julian eut un léger recul en arrière, lorsqu’Anna se rua sur lui, parlant indélicatement à la place de la jeune fille…

« Hé bien bonjour… Serdaigle donc… les érudits, et les travailleurs, mais pas les plus respectueux hein… »

Julian réprime un rire, afin de ne pas paraître trop désagréable devant les autres élèves, venus là pour assister à la plus sinistre des soirées depuis une séance au cinémagic, avec un film de Leonhart.

« Il y a sûrement des tas de prisons, du genre plutôt secrète et réservé aux gens de petites tailles, il faut bien enfermer les gnomes de Gringott, ailleurs que dans un coffre scellé. Les élèves insouciants finissent bien emmuré dans les sombres cachots de Poudlard, ou finissent à vie dans les toilettes, celles des femmes qui plus est. Quel sort abominable… »

Il marque une pause, le temps de se dire que malgré l’age, il n’a pas tellement changé et que son rôle de Préfet lui tient encore à cœur…

« Ce Sutter est surtout ennuyeux et barbant, il me rappelle une certaine Trelawney, sauf que l’on aurait pendu par les pieds, on aurait attaché sa langue, puis forcé ensuite à parler jusqu'à ce qu’elle nous fasse une prédiction correcte… »

Il revient lui aussi, au regard d’Eleanor.

« Nous allons arriver bientôt au 5éme étage, je vous rappelle qu’il est interdit d’utiliser les poudres de cheminette pour partir du ministère, et que ceux qui les utiliseront, se retrouveront directement à Sainte Mangouste dans la section des personnes ayant de graves problèmes mentaux… Nous savons déjà que Poudlard a bien alimenté cette section durant ses nombreuses années d’existence… »

« Rahh, ce qu’il est barbant… Et s’il y avait un chemin à suivre, Eleanor, le prendrais-tu avec moi ? On pourrait aller boire un verre, sur le compte du ministère… Crois-tu qu’ils accepteraient que tout soit réglé sur le compte de ce bon vieux monsieur Sutter… Et pour te convaincre, j’ai même mieux… On peut toujours faire confiance à son Préfet, n’est ce pas ? Même s’il ne l’es plus actuellement… »

« Et puis ton amie peut venir aussi, si elle le désire… »

Il adresse un clin d’œil à la jeune Serpentarde, quasiment certain que pour fuir la Serdaigle, elle se surpassera pour décamper d’ici…

Anna accueillit la remarque d'une moue contrariée. Qui donc osait prétendre que la Maison des Bleus ignorait le respect d'autrui ? Un ex-Vert ? Elle n'était là que depuis quelques mois, il était vrai. Mais, même en si peu de temps, elle en avait beaucoup entendu au sujet de cette Maison, à la si méprisable renommée. Elle s'apprêta, mutine, à lui faire découvrir le rose d'un petit bout de langue, lorsqu'il ajouta quelques paroles... troublantes. Déconcertantes. Proprement... terrifiantes. Qu'était-ce ? Des menaces ? Vraiment ? Apeurée, Anna se dissimula à demi derrière Eleanor, gardant son regard fixé sur le jeune homme qu'elle avait, de prime abord, trouvé si... attirant. Elle pouvait croire ses amis, à présent. Les Verts étaient bien tous les mêmes. Sauf Moon. Si belle, si douce... elle ne pouvait être que gentille.

Pour Eleanor, rien de tout ceci n'était tout à fait accessible. Elle ne comprenait l'intérêt ni de la jeune fille, ni de son ancien préfet. Pour quelle raison l'un et l'autre se tenaient-ils si proches d'elle ? Quelle pensée pouvait les pousser à lui adresser la parole, au lieu de la fuir, comme tout un chacun, à leur place, se serait pressé de le faire ? Elle observait Julian avec une attention polie, et regardait la Serdaigle se placer derrière elle, agripant son bras, avec une surprise non feinte. Elle écoutait, s'interrogeant sur la réalité de cette rencontre. Il y avait dans ces regards, ces sourires, ces paroles, ces gestes aussi, quelque chose qui lui échappait. Cette étrange proximité avec deux jeunes gens la laissait perplexe. Et la proposition de Julian, autant dans le fond que dans la forme, la prit au dépourvu.

Anna Smith, en revanche, oublia bien vite ses récriminations envers le jeune homme, à l'entente de son intrigante invitation. S'éclipser de cette visite ennuyeuse, et aller boire un verre ? En compagnie d'Eleanor Moon, et de ce beau garçon ? Etait-ce une chose que l'on pouvait refuser ? Pas lorsqu'on s'appelle Anna Smith et que l'on a onze ans. Que l'on appartienne à la Maison des érudits n'y changeait rien. A cette âge, et dans de telles circonstances, l'aventure reste l'aventure. Elle serra plus fort le bras de la Serpentard, et se hissa sur la pointe des pieds.

~On vient ! s'exclama-t-elle.

Son sourire rayonnant, son visage angélique, auraient fait craquer n'importe qui. Les enfants, à cet âge, pouvaient parfois se montrer si adorables... Confusément, Eleanor laissa d'anciens souvenirs remonter à la surface. Quelques années plus tôt, lorsque Natacha, sa tante, l'avait amenée, pour la première fois, au manoir Raines. Lorsqu'elle avait découvert, avec émerveillement, la beauté juvénile de celle qui allait devenir sa demi-sœur. Oui, cette enfant, avec son regard candide, lui rappelait Allanah, au même âge. Un fin sourire étira ses propres lèvres, alors qu'elle posait sa main sur celles de la Serdaigle ravie.

¤ Je te remercie, Julian Falcon, pour cette offre généreuse ¤ murmura-t-elle. ¤ Nous te suivons, montre-nous le chemin. ¤

Anna s’éloigna de lui, comme si elle avait pu prendre la mesure de toutes ses souffrances intérieures… Pourtant tout cela était déjà loin, et il n’avait fait que leur proposer un verre, ce n’était pas un outrage… Heureusement Eleanor, se désintéressant d’Anna un instant, éternellement vissé à son bras, réfléchit un instant.

Puis Anna accepta sa proposition finalement, avec un oui très évocateur de l’ennui qu’elle aussi ressentait. Eleanor suivit dans la foulée. Brave Serpentard…

« Dans la suite de la visite, nous n’allons pas tarder à atteindre le service des timbres ambulants que l’on doit attacher aux lettres pour désigner une destination particulière. Les hiboux se référant souvent aux images afin de mieux situer le pays ou la lettre allait être envoyé… C’est très pratique pour les hiboux débutants, mais seulement pour eux, car les timbres ne sont que très peu utilisés à notre époque, il n’y a guère plus que les moldus pour les collectionner… »

« Nous te suivons… Voilà une phrase comme je les aime. Et bien soit, on n’a pas beaucoup de choix pour sortir d’ici, le ministère grouille de mondes, ce qui nous permettra de nous glisser dans la foule pour échapper à la surveillance de Monsieur Sutter… Après il reste la poudre de cheminette, je suis sur que cette méthode peut marcher, contrairement à ce qu’il en dit… Il nous reste aussi la possibilité de prendre l’ascenseur magique mais il faudrait être rapide, et avec tout le monde qui doit attendre, nous ne pourrons le prendre qu’au bout de la 6éme montée… »

« Ou alors, nous adoptons une nouvelle méthode de voyage, nous nous déguisons en timbres, et Anna se débrouille pour nous rapetisser… Mais ce n’est peut-être pas une bonne idée, Anna n’est qu’en deuxième année, et elle n’a pas énormément de connaissances en ce domaine… »

« En tout cas, j’imagine déjà le dessin qui pourrait être sur ce timbre. »



« La proportion d’objets magiques est comparable au nombre de lettres qu’il y a sur la devise du ministère. Je vous rappelle la devise pour ceux qui l’aurait oublié depuis le début de notre visite alors que je l’ai dite, maintes et maintes fois… »

Julian réprima l’envie soudaine de se boucher les oreilles pour ne pas participer au massacre.

« Allez, on s’enfuit discrètement, j’en ait marre de l’entendre… »

Julian fit un signe discret à Eleanor, l’invitant à la suivre tout de suite. Il ne fallait pas perdre de temps et éviter qu’Otina et Sutter ne s’aperçoivent de leur absence, et au plus ils se faisaient discret, au plus cela leur permettait de gagner du temps.

Il s’infiltra dans la masse compacte, se faufilant entre un homme barbu et d’assez forte corpulence qui aurait eu plus l’air d’un chasseur de fauves que d’un membre du ministère, et une dame plus gracile ayant le même coup qu’une girafe, assisterait-on bientôt à une chasse à cour en pleine forêt de dossiers administratifs ? Ils frôlèrent d’autres masses informes, et toutes anonymes, pas de héros, pas d’aurors reconnus, juste des personnes circulant de bureau a bureau, dans un grand brouahaha plus que communs.

Le trio d’évadés se faufila un chemin jusqu’aux réseaux de cheminées, Julian tapota la poudre de cheminette avant de regarder Eleanor.

« Allez… Je vous laisse choisir une destination adéquate, il y a des tas de lieux pour aller boire un verre… Tachez juste d’en trouver un avec une cheminée… Et de préférence, pas une dans un quartier malfamé… Je pense ne pas avoir ma place là bas, à vrai dire.»

Le jeune homme s'engagea dans la foule, traversant lestement la marée humaine, comm mû par une longue habitude. Les deux filles suivirent sans un mot, tâchant, autant que possible, de ne pas le perdre de vue. Anna, silencieuse, gardait en elle les quelques répliques qui lui sont venues à l'esprit suite aux paroles de Julian. « Je déteste les ascenceurs... » ou « Transformer en timbres ?!... » ou encore « Je ne suis qu'en première année... » ou peut-être, encore « Je déteste encore plus la Poudre de Cheminette... » Un silence boudeur valait parfois mieux qu'un long monologue de récriminations. Eleanor, quant à elle, ne songeait qu'à vivre, jusqu'au bout, l'étrange journée qui se profilait devant elle.

Elle croisa d'innombrables personnes. Des êtres humains, d'autres, qui le semblaient moins. Parfois, le doute était permis ; d'autres fois, non. Son regard d'argent allait de l'un à l'autre, cédant à la plus primitive, mais aussi la plus innoncente des curiosités. Jamais encore elle n'avait croisé tant de différences, de créatures étonnantes. Ou peut-être n'y avait-elle jamais prêté attention. Elle suivait leurs mouvements, levait vers eux ses yeux étonnés lorsque, souplement, elle s'écartait d'un pas pour ne pas les heurter. Tirée le long du couloir par la poigne ferme de la Serdaigle, elle ne se souciait bentôt plus du chemin à prendre. Anna saurait pour elle où retrouver leur guide improvisé.

La petite Smith n'eut aucun mal à suivre Julian. Elle ne le quittait pas des yeux. Pas une seconde. Le perdre, serait perdre la seule chance qui lui était offerte de vivre "autre chose". Une aventure en compagnie de deux Serpentards, deux figures de l'école. Une fuite hors du Ministère. S'échapper de ce bâtiment, impossible ? Julian Falcon se targuait de leur démontrer le contraire. Elle ne pouvait rater une telle choise. Elle se devait de participer. Hormis la faible résistante opposée par l'attention nouvelle qu'Eleanor semblait soudain porter aux choses et aux gens, elle parvint sans difficulté à le rattraper. Devant l'une des cheminées du réseau ministériel, usée par le temps et les passages, ininterrompus, des sorciers. Elle s'arrêta, contempla un moment les sculptures abîmées et la cendre de l'âtre. Réfléchissant à une possible destination ; Eleanor saurait-elle en trouver une ? Au vu de sa réputation, Anna était loin d'en être sûre.

~Le Cat's Clover, proposa-t-elle, souriant de ravissement. C'est dans un petit village irlandais, mon cousin m'en parle souvent. Il paraît que c'est très douillet, ajouta-t-elle, avec un petit rire. J'ai toujours eu envie d'y aller... insista-t--elle, tournant vers la Serpentard silencieuse un regard implorant.

Muette, Eleanor le resta quelques secondes supplémentaires, durant lesquelle son regard grisé resta fixé sur le visage enfantin de la jeune Serdaigle. Elle avait comme un faux air de l'une de ses camarades... non des moindres. Eleanor ne pouvait rien lui refuser. Et, en son for intérieur, cette idée la charmait. Ensorcellée par la requête que les yeux d'Anna semblaient lui adresser, Eleanor confirma la destination à celui qui serait, désormais, une sorte de chaperon. Il fallait s'en tenir aux codes établis - bien qu'un chaperon qui ne fut pas choisi par Natacha n'eut valeur que de trompe-l'œil à ses yeux.

¤ Le Cat's Clover, en Irlande ¤ murmura-t-elle.

L'annonce fut accueillie d'un cri de joie de la benjamine, plus heureuse encore qu'à son arrivée à Poudlard ; si cela fut possible.

« Le Cat’s Clover ! En Irlande ! »

« Je ne sais pas si la poudre de cheminette peux nous emmener aussi loin, voire même j’en doute, il nous faudrait pouvoir transplaner à l’intérieur même du ministère, et avec tout les gens qui marchent autour de nous, l’un d’entre eux seraient bien capables de nous pousser, et d’empêcher l’un de nos membres de nous rejoindre et croyez moi, un bras c’est très utile… »

Pour ne pas avoir à subir les reproches d’Eleanor, ni le regard sûrement triste d’Anna, Julian préféra leur proposer l’idée qui lui semblait la plus proche de ce qu’elles désiraient…

"Je connais un pub Irlandais pas très loin d’ici, et il se trouve qu’il a une cheminée couramment utilisé pour rentrer, d’ailleurs, ce qui devrait nous éviter de nous retrouver plein de suie à l’arrivée. Et puis ce sont des grands supporters de l’équipe de Quidditch d’Irlande, ça nous promet des moments sympas…"

« Ici l’entrée de la porte de service, ici l’entrée où se tiennent… Ouvrez bien vos oreilles, les anciens dossiers des élèves de Poudlard. Au tout début certains dossiers avaient été laissés aux soins du ministère pour leur bonne préservation et ici sont notés le nom des fondateurs de Poudlard, et cela va faire plaisir à certains d’entre vous, Salazar Serpentard y a laissé lui aussi quelques instructions qui n’ont jamais été ouvertes, après tout, elles ne sont plus d’actualités maintenant, et l’intérêt à les ouvrir serait donc moindre. Mais ça devrait donc faire plaisir aux élèves ici présent et ancien Serpentard, juste avec vous, qui sont… qui ont curieusement disparu. »

Le long silence marqué soudainement par les élèves contrastait avec la bonne humeur de Julian qui se voyait déjà quitter ce lieu si ennuyeux.

« Ils ont du se perdre… Miss Otina, veuillez continuer la visite sans moi, je vais chercher ces retardataires, ils ne doivent pas être très loin, au pire… Je leur mettrais sûrement la main dessus très vite. »

Julian lança le premier la poudre au sol, et arriva aussitôt dans le pub irlandais le O’Briens. Eleanor et Anna surgirent elles aussi de la cheminée dans un grand flash dû aux flammes vertes.

« Bien, on va allez s’asseoir, puis commander à boire quand le serveur arrivera. Je prendrais bien une liqueur de dragon... Je me demande combien de temps ils mettront pour s’apercevoir de notre présence. Vu les longs discours dont on nous a gratifié jusqu’à maintenant, je parierais pour une éternité. J’espère juste que s’ils s’aperçoivent de quelque chose, que l’on ne découvre pas qu’en fait Mr Sutter est au Auror du même style que Maugrey Fol Œil… Sinon, il faudra savoir courir et vite… »

Il adresse un clin d’œil à Anna pour lui montrer qu’il plaisante, quoi qu’il devrait plutôt l’effrayer, ça lui rappellerait son ancienne maison et son habituel caractère associable. Ah mon vieux Falcon tu t’es assagi avec le temps…

Dans le pub, il y avait des affiches de Quidditch sur tous les murs.

« Dire que je jouais au Quidditch avant… Ca me rappelle des souvenirs. Vous jouez aussi au Quidditch toutes les deux ? Et j’espère que ce pub vous plait quand même, même s’il n’est pas en Irlande… »

Eleanor émergea de la cheminée comme si elle n'avait traversé qu'un rideau de brume. Son entrée fit planer sur le pub une brève vague de silence tendu de murmures. Avait-on jamais vu, en ces lieux, telle ondine ? Grise en tous ses atours, à la pâleur rehaussée par la ténébreuse couleur de ses habits de velours. Prunelles d'argent, chevelure tissée de fils de lune. Un visage d'ange parsemé de finesse, où brillait l'once d'une singulière curiosité. Jamais on n'avait vu pareille fille, par ici. Ne formait-elle pas un duo étrange, avec le jeune homme qui la précédait ? Ressemblaient-ils à ces amoureux qui envahissaient, en ce jour-même, les rues du monde ? Y avait-il, en vérité, le moindre couple, dans ce pub ? Ce n'était guère le lieu pour tête à tête romantique, ici.

L'arrivée d'Anna Smith, plus mouvementée, ramena les hommes à la réalité. Les rires s'élevèrent à nouveau, le joyeux brouhaha reprit son cours, mettant fin à cet instant de flottement. La jeune fille, ignorant tout de la surprise causée par son aînée, se dirigea droit vers la seule table libre, se dressant sous l'une des fenêtres de verre épais qui dispensaient une intense lumière verte sur tout le pub. Elle avait cru céder à la déception, lorsque Julian avait déclaré qu'ils ne pourraient parvenir à une cheminée si éloignée que pouvait l'être celle du Cat's Clover. Mais l'ambiance du O'Biens, où il les avait conduites, se révélait tout aussi intriguant. Même ici, même hors de l'Irlande, l'ambiance était telle que le lui décrivait son cousin, lors de chacune de ses visites. Elle ne regrettait pas une seconde le choix de l'ancien ressortissant des Vert et Argent. Il avait su choisir.

¤ C'est parfait ¤ répondit Eleanor, aux inquiétudes formulées par Julian. ¤ N'est-ce pas ? ¤

S'asseyant aux côtés de la Serdaigle, la jeune fille la vit hocher vivement de la tête, son visage poupon illuminé d'un sourire ravi. Ni l'une ni l'autre ne semblaient craindre que l'on découvre leur disparition, au Ministère. Pour l'heure, elles étaient loin de tous ces soucis, et comptaient bien profiter de cette escapade, et de toutes les merveilles qu'elle pourrait leur offrir. Pour Eleanor, surtout, cette journée promettait d'être riche. Riche en expériences. Riche en apprentissage. Cette complicité dont elle n'avait pas l'habitude l'emplissait, contre toute attente, d'une sorte d'euphorie ; dissimulée par l'indifférence polie que son visage avait coutume d'arborer en permanence.

Ces deux personnes seraient-elles capables d'amener un improbable sourire sur son visage inexpressif ? Combien de fois Allanah avait-elle regretté que ces lèvres ne sachent esquisser ce simple geste ?

~Je ne joue pas au Quidditch, ma mère veut pas que je monte sur un balai... Elle sait même pas que j'ai des cours de vol, je préfère ne pas lui dire... D'ailleurs je ne vais pas lui raconter non plus la visite d'aujourd'hui, ajouta Anna, une lueur malice dans ses yeux pétillants. Quoique si jamais Batem Sansel s'aperçoit qu'on est plus là...

Elle laissa échapper un rire enfantin, prouvant bien le peu d'intérêt qu'elle apportait, à cet instant, à la possibilité d'être découverte. Au vu des circonstances actuelles, pourtant, il ne fait aucun doute que l'appréhension aurait dû laisser un germe au fond de l'esprit de l'enfant.

~Monsieur Falcon... J'aurai droit à un peu de liqueur de dragon, moi aussi... ? demanda-t-elle, se penchant vers lui comme pour lui confier un secret, sous le regard mi-réprobateur mi-amusé d'Eleanor. Pour qui l'amusement se trahissait par une légère ridule au coin des lèvres.

Le O’Briens sentait encore les vapeurs des différentes liqueurs, laissés par les supporters pendant le dernier match qu’ils étaient venus supporter… Des articles de journaux étaient affichés sur le mur juste devant eux et annonçaient la dernière victoire en date de l’équipe. Victoire 160 a 70. Les Irlandais battant les Ecossais, grâce à leur attrapeur ayant capturé le vif d’or. Tout autour du bar, il le remarquait seulement maintenant, une grande banderole faisait tout le tour, et on pouvait y voir un membre de l’équipe d’Irlande qui volait sur son balai et faisait continuellement le tour de la pièce. Sa tenue verte brillant étrangement.

« Le balai, ça aide beaucoup, même si beaucoup de personnes privilégient le transplanage, ça garde tout son charme, à condition de ne pas s’amuser à slalomer entre les moldus. Mais il y a des pointes de vitesse amusantes à franchir… Mais qui est ce Batem Sansel ? Et quand à te faire goûter la liqueur…»

Amusé, il regarda Anna comme une enfant qui désirait quelque chose lui étant encore interdit… Mais il allait jouer son rôle d’adulte et lui refuser tout simplement, cela étant la seule solution raisonnable qui s’imposait.

"Je pense que ton estomac ne supporterait pas la liqueur de dragon et si tu es malade, je ne tiens pas à avoir en face de moi une dragonne cachant le feu… Et c’est une petite fuite que l’on s’offre, il nous faudra avoir toute la possession de nos moyens pour nous remettre à suivre les autres, ou du moins, avoir l’air de les avoir… Alors prend plutôt un jus de citrouille…"

*

Le dénommé Sutter arpente les couloirs du ministère, comme si sa vie en dépendait. Il les avait cherché partout et ne les avait pas trouvé. Comment des élèves, de simples élèves avaient pu déjouer sa surveillance ainsi… Il ne permettait pas que l’on s’évade pendant qu’il faisait une belle description de son ministère si chère à son cœur… Il attrape une longue veste, une canne et réfléchis au moyen le plus rapide qu’ils auraient pu utiliser pour s’enfuir. L’ascenseur est à exclure d’office.

« Les cheminées ! »

Il se rue vers les cheminées, et s’approche de l’une d’entre elles. Il y en a quatre en tout, et qui ne sont jamais utilisé, en général… Il faut dire qu’elles sont surveillés par le ministère et qu’il est possible de remonter facilement jusqu’aux fuyards en les utilisant une à une, et en se servant des cheminées pour surveiller les dernières destinations. Avec appréhension, il teste la première. En espérant ne pas tomber sur un endroit étrange… La fumée l’entoure, et il va vérifier si les candidats à la fuite ne sont pas derrière la 1ére cheminée.

*

Le serveur apporte les verres, servant aussi ce que désirent Eleanor et Anna. Il boit une gorgée tout en se disant que c’est toujours aussi fort, mais au moins, ça calme l’esprit… Etrange que ça calme l’esprit à ce point d’ailleurs… Et puis ce n’est pas si fort. Il n’aurait pas coupé la liqueur avec de l’eau, par hasard ? Etrange, et puis cette sensation de flottaison un instant. Non l’alcool ne peux pas en être la cause c’est étrange. Par contre qu’est ce qu’Eleanor est jolie…

« Eleanor, je voulais te dire que je suis ravi d’être en si bonne compagnie… Et je suis ravi que tu ais accepté ma proposition de venir ici. Il s’approche d’elle et attrape sa main. Et si jamais, l’ignoble Monsieur Sutter, venait à nous courir après, promet moi qu’on ne sera pas séparés hein… »

C’est vrai qu’elle était jolie. Une belle peau blanche, des cheveux mettant en valeur tout le reste, et puis le silence provoqué par son arrivée dans le bar, avait titillé son imagination. Falcon serais- t’il de retour ? Etrange qu’il pense ça maintenant… Mais parfois le cœur a des raisons qui ne sont pas compréhensibles.

~Mais le jus de citrouille c'est nul, on en boit tout le temps à l'école...

Il semblait qu'Anna Smith n'apprécierait pas de devoir boire, en ce lieu typique, autre chose qu'une boisson tout aussi typique. Après avoir adressé une moue boudeuse à Julian, l'enfant avait ouvert un carton joliment décoré posé sur la table, et s'était plongée dans une lecture attentive du menu. A ses côtés, Eleanor, peu encline à faire son propre choix, sacrifiant à la politesse si chère à sa tante, répondait à Julian d'une voix égale, désintéressée. Son visage lui-même, peu expressif, n'incitait pas à la conversation. Mais à cela, Anna avait déjà trouvé une solution. D'ici peu, Eleanor verrait, probablement, la vie en rose...

~C'est bon ! déclara-t-elle au jeune homme, victorieuse. Nectar de trèfle à trois feuilles pour moi, et à quatre feuilles pour Eleanor.

Ce que la jeune Serdaigle s'abstint de préciser, et à quoi elle substitua à leur intention un sourire candide, fut la nature de ces boissons. Ou, plus exactement, de son second choix. Elle attendait avec impatience de voir l'effet que ce nectar de trèfle à quatre feuilles pourrait avoir sur une demoiselle telle qu'Eleanor, l'inaccessible poupée de porcelaine de la Maison des Vert et Argent. Car, à la vérité, ce doux nectar contenait une faible quantité d'alcool, dont était totalement dépourvu le nectar de trèfle à trois feuilles. Et, bien que le goût soit semblable, si le second était autorisé aux enfants de l'âge d'Anna, le premier leur était déconseillé. Elle songerait à remercier son cousin pour ces utiles informations.

Elle attendit avec impatience le retour du serveur, craignant qu'à tout instant Julian ne se rende compte de son facétieux stratagème. Aurait-il accepté que son ancienne camarade de Maison s'abreuve d'une quelconque boisson alcoolisée, ou le lui aurait-il, à elle aussi, refusé ? Le serveur revint. Eleanor, de ses gestes lents et distingués, se saisit de son verre, le regarda un temps, en silence. Anna, près d'elle, observait attentivement ; elle ne voulait, à aucun prix, manquer le moment où la jeune fille si pâle porterait à ses lèvres le liquide translucide aux reflets d'émeraude. Où enfin, peut-être, sa peau se colorerait des vapeurs de l'alcool, aussi faible soit-il.

Dans un recoin de son étroit champ de vision, centré sur un unique visage, Julian buvait tranquillement sa liqueur de drragon, plus alcoolisée que jamais. Il avait déjà avalé une longue gorgée qu'Eleanor attendait encore. Pourquoi ne buvait-elle pas ? Pourquoi restait-elle là, immobile, à fixer ce verre, d'un regard si absent qu'il semblait que son corps fut dépourvu de son âme ? Enfin, avec une lenteur extrême, comme voulant retarder le moment fatidique - se doutait-elle de quelques chose ? - elle porta le verre à ses lèvres pâles, et effleura l'odorant nectar de trèfle. Anna sourit ; elle allait enfin assister à la métamorphose d'une Eleanor Moon en prise avec les effets de l'alcool. Nul doute qu'ensuite, elle irait se vanter de cela dans toute l'école. Anna Smith, Serdaigle de première année, parvient à transformer Eleanor Moon, de fantôme d'indifférence en cette jeune fille distinguée qu'elle aurait toujours dû être.

*Bois, bois...*

Le liquide glissait le long de sa gorge, y laissant comme d'intenses traînées enflammées. La chaleur, douce mais puissante, s'insinua en elle, réchauffant sa poitrine, s'infiltrant le long de ses bras, de ses jambes, pour redonner un peu de chaleur à ses mains, à ses pieds glacés. Elle avait chaud ; c'était... étrange. Fort peu désagréable. A la fois douillet et immensément enivrant. Son visage devenait brûlant ; y portant la main, elle devina la chaleur qui s'en dégageait. Quel étrange sentiment. Quelle étrange sensation. Quelque chose se produisait. Etait-ce là ce qu'on appelait l'effet de l'alcool ? Cette boisson en contenait-elle ?

La deuxième gorgée poursuivit l'office de la précédente. Et Julian parla. Prit sa main. Riva son regard au sien. Le nectar se perdit dans la gorge d'Eleanor, provoquant une incontôlable toux. Pourtant... elle devait lui répondre. Elle ne pouvait détacher son regard du sien, se noyait dans ses prunelles envoûtantes, comme s'il n'existait rien d'autre dans l'univers que ses yeux brillants posés sur elle. Rien. Il n'y avait plus rien. Juste lui ; et elle.

¤ Votre regard m'évoque les terres sacrées du Stonehenge, dont les pierres s'élèvent vers le ciel comme pour implorer son regard bienveillant. Avez-vous déjà vu le Stonehenge ? Vous possédez semblable beauté, fragile et intemporelle, puissante et mystique... Je ne lâcherai pas votre main. ¤

Ses fins doigts se refermèrent, en douceur, sur ceux du jeune homme, comme pour sceller ce pacte. Non. Comme jamais auparavant, elle ressentait le besoin de s'attacher à lui, et de ne jamais le laisser d'éloigner. Jamais.

Assise à côté, juste à côté, la petite Serdaigle assistait à cette scène sans parvenir à saisir le sens du changement qui s'opérait devant elle. Sans y penser, elle avala sa liqueur de trèfle et perdit toute notion de réalité. Elle le savait, à présent. Son seul et unique amour. Elle le connaissait. Et son nom était... Eleanor Moon.

Anna commanda un nectar de trèfles à quatre feuilles… Allez donc savoir qui leur donne des noms aussi bizarres… Après neufs ou dix verres, on n’arrivait même plus à sentir s’il y avait un goût de trèfle ou non… C’est curieux, il avait voyagé à travers beaucoup de pays, dans sa quête d’identité, et il avait connu pas mal d’alcool et il savait que cette boisson contenait de l’alcool et qu’Anna ne devrait pas en boire… mais alors pourquoi donc ne s’en offense t-il pas, pourquoi il pense à autre chose en ce moment, pourquoi il n’arrive pas à se sortir de la tête, cette image d’un glaçon aux jolis yeux…

Ce glaçon accompagnant ses paroles par d’autres toutes aussi jolies, lui prenant la main, elle lui parle de Stonehenge, de sa puissance, de son regard, et Julian ouvre légèrement la fenêtre de ses pensées, pour qu’en ressorte, juste quelques secondes, une grande déesse… Une déesse sortant de son esprit, comme Athéna sortant de la tête de Jupiter… La déesse de l’orgueil seul sentiment capable de rendre à Julian toute sa lucidité. Il commence à se demander pourquoi elle le flatte comme ça soudainement. Il se dit que ce n’est pas pour l’alcool, non, il n’y a qu’Anna qui soit alcoolique notoire… Eleanor est douce, et sensible.

En fait, elle est plutôt chouette tout compte fait…

*

La première cheminée avait donné tout droit sur un village moldu ou des humains encapuchonnés tentaient de brûler une femme en hurlant, sorcière, sorcière… Un coup de baguette rapide détacha la jeune fille, causa une belle pagaille et lui permit de fuir.

La deuxième cheminée l’avait mené tout droit à une prairie déserte… Jusqu’au moment ou un dragon s’était pointé et avait incendié sa veste, du moins le temps qu’il se rue de nouveau dans la cheminée…

La troisième cheminée… Mieux valait ne pas en parler.

La quatrième… le mène directement dans un pub Irlandais. La brume le fait tousser, il ne lui reste plus qu’à repérer les deux élèves… Il est toujours plus probable qu’il se soit échappé pour aller boire un verre plutôt qu’ils soient allés se jeter dans la gueule d’un dragon…

Il repousse la brume d’un revers de la main sous l’œil étonné des clients du pub.

*

Quelqu’un dans le bar tousse et Julian lève son regard des yeux d’Eleanor, il se demande qui ose interrompre les paroles de cette si jolie fille, en ne sachant pas retenir une quinte de toux. Serait-ce cette forme dans la brume…

« Sutter ! »

Rapidement il attrape la main d’Eleanor, il s’assure au passage qu’Anna les suive bien, puis il sort du pub et s’engage dans une rue étroite. Il s’était aperçu de leur absence. Mais il ne se laisserait pas attraper pour autant. Autant jouer à fuir. Une petite escapade en amoureux en quelque sorte…

*

Caleb suivait les deux élèves à travers des routes plutôt fréquenté, jusqu’au moment, se dit-il, où ils décideraient de tourner dans l’une des rues parallèles, bien connus par les aurors, pour n’être en fait que des impasses. Parfois, on devait surveiller ces impasses de très prés, pour protéger certains sorciers qui avaient bu un coup de trop… Ces ruelles devenaient vite dangereuses le soir. Caleb continuait de courir, et dés qu’une personne s’interposait involontairement entre lui et ses proies, il donnait un coup de coude pour le jeter au sol, ou lançait un nombre incalculable de Levis Corpus, donnant l’impression que le marché qu’il traversait, était un marché ou les gens faisaient leurs courses à l’envers.

Le souffle court, sûrement le manque d’exercice à cause du temps passé au ministère, à faire le guide, il essaya de rattraper son retard, et se dit qu’ils ne pourront pas maintenir la cadence indéfiniment. De plus, il a l’expérience de ses rues, alors qu’eux ne sont que des gamins, à qui il se doit de leur rendre la raison. On ne fuit pas quand le ministère vous pourchasse. Jamais.
*

Julian avait pris la poudre d’escampette aussi vite qu’il avait pu, n’ayant pas envie de regagner le ministère les menottes au point, et même s’il y avait des juges qui auraient pu les prendre en pitié, on écoutait toujours la parole d’un auror en premier. Et il aurait pu dire beaucoup de mal d’eux, d’ailleurs pourquoi ne pas dire qu’ils étaient allés boire ensemble, et qu’il avait tenté de faire boire une élève… Alors que non, elle était bel et bien amoureuse de lui et il se devait de courir, ne jamais s’arrêter pour la protéger, toujours main dans la main. Un passant s’interposa entre eux, il fit une esquive, lâcha la main d’Eleanor, puis la rattrapa au vol, non sans avoir jeté un œil sur Anna qui lui semblait suivre peinement la course des fuyards…

Il était temps d’aller quelque part, en effet, et cette question trottait dans la tête de Julian, bien avant qu’Eleanor la pose sous formes de paroles… Mais il ne savait pas quoi répondre.

Puis il décida de tourner dans une ruelle, et quelques mètres plus loin, alors que Caleb était déjà au début de la ruelle, eux arrivaient à sa fin, une impasse… Mais ça n’était pas fini et tout n’était pas perdu pour autant. Il leur restait beaucoup d’espoir, un espoir… qui ne sied qu’aux amoureux.

Devant eux, des caisses en bois, pouvant servir à leur faire passer le mur. Julian les empile les unes aux autres, et les escalade en aidant les filles à monter, mais une fois que les filles sont redescendus de l’autre coté du mur, d’un coup de pied, il envoie les caisses au loin, Caleb ne les évite que de justesse. Il montre un poing rageur, pendant que Julian souriant saute à terre. Là il aperçoit une plaque d’égout juste en dessous de lui. Il tire la plaque et l’entraîne un peu plus loin. Il sait que le temps est compté et qu’il ne faudra que peu de temps à Caleb pour remonter les caisses et s’en resservir, alors une fois la plaque loin, ils reprennent leur fuite.

*

« Maudit élèves ! »

Il brandit un poing rageur devant le seul garçon de la bande.

Rapidement il aligne les caisses devant lui et il grimpe le mur, et saute…

« Bloup bloup, bloup… »

Il tombe directement dans la bouche d’égout, et par un gros effort, il arrive à s’extirper de ce sale endroit, les vêtements plein de boue, et la colère encore plus grande…

Il s’élance de nouveau à leur poursuite, la boue collant à ses vêtements et la mauvaise odeur le suivant, cette même odeur qui fait se boucher le nez des passants, certains ne pouvant s’empêcher de rigoler de son sort… Mais ils paieront ça… D’une manière ou d’une autre.

*

« Eleanor, jamais on ne se quittera hein… ? »

Vaine frayeur, vive inquiétude, lorsque leurs mains, un court instant, se séparèrent. Mais les doigts chauds effleurèrent de nouveau sa peau, leur étreinte se raffermit, et la course, immuable, se poursuivit. A leur suite, la jeune Serdaigle peinait, peinait, mais, toujours fermement accrochée à la main d'Eleanor, elle laissait s'échapper de ses lèvres un rire saccadé, ivre de vie. Exclamation troublante aux oreilles de sa camarade, vif élan d’une joie, d’une allégresse à peine soupçonnée, imaginée. Tressaillements d’une âme emplie de vie.

Julian s'engagea dans une ruelle annexe, entraînant à sa suite les deux demoiselles essoufflées. Abandonnés, la rue passante, les Moldus inattentifs, le brouhaha de la foule. La ruelle, étroite, sombre, semblait le contraire même de l'artère bruyante qu'ils venaient de quitter.

~Ah ! C'est bouché ! s'écria la fillette, s'immobilisant brusquement.

Sa main glissa entre les doigts d'Eleanor tandis que leur aîné poursuivait sa route sans attendre. Lui-même délaissa Eleanor, afin d’empiler contre le haut mur de l’impasse quelques caisses branlantes et grinçantes qui, ainsi assemblées, formaient l’illusion précaire d’un escalier raide et vacillant. Anna hésita, malgré son entière bonne volonté, et ses goûts d’aventure, mais Eleanor, sur un geste du jeune homme, s’élança sur l’échelle improvisée. Se hissa avec aisance, souple et rapide, jusqu’au sommet. Sourit. Un sourire étrange, un sourire amusé. Puis disparut de l’autre côté.

~Ah !

D’un bond, la fillette fut elle aussi de l’autre côté. Sur les traces d'un unique sourire, aussi énigmatique qu'improbable. A la suite d'une première étincelle de vie éclairant le visage de la poupée d'albâtre.

Un épouvantable fracas de planches retentit derrière elles, signe que le fragile empilement venait de s'effondrer, sous une pression du jeune homme. Celui-ci bondit à terre, saisit d'emblée la main de son ancienne camarade de Maison, et reprit sa course à travers les rues de Londres Moldu. Non sans que leur parvienne, étouffé par la distance, le son attestant de la chute impensable de leur poursuivant.

La petite Serdaigle laissa échapper un vif éclat de rire, amusée à l'extrême, la main étroitement enserrée dans celle de sa dame de cœur. Nul besoin de se retourner, de regarder, pour imaginer l'état dans lequel devait dès à présent se trouver leur guide ministériel. La couleur dépravée de ses habits, ou la rougeur furieuse de sa peau. L'intonation grondante de sa voix déformée par la rage. Oh comme elle aurait aimé l'entendre jurer après eux... Mais ils ne s'arrêtèrent, essoufflés, que lorsqu'ils estimèrent se trouver assez loin pour se le permettre. Le rire secouait toujours l'enfant, et l'air leur manquait à tous trois. Sur le visage habituellement impassible de l'ombre de Serpentard, les lèvres pâles s'étiraient d'un faible sourire. Tout juste perceptible, mais présent. Lumineux. Ses iris d'argent, rivés au visage de Julian, brillaient d'une lueur trop rare.

Ils restèrent là, quelques instants. Immobiles ; les yeux dans les yeux. Reprenant lentement un souffle qui se faisait capricieux. Les cœurs battant à tout rompre, les peaux échauffées, le corps et l'esprit en feu. Rien. Rien autre que le contact de leurs mains. Autre que leurs regards liés. Que leur simple présence. La sensation grisante de n'être là que tous deux, hors du temps, de l'espace. Hors de tout. Anna, à leurs côtés, vivante, vibrante, n'atteignait plus la conscience d'Eleanor que comme le bourdonnement lointain de la vie. Ne comptait que Julian. Enivrée par sa présence, par les vapeurs de l'alcool peut-être, elle se hissa, lentement, à hauteur de son visage. Ferma le rideau de ses paupières. Et, en douceur, déposa ses lèvres sur celle du jeune homme.

~Oooh !

Sursauta lorsqu'un bruit soudain, de la rue, vint troubler l'étonnante magie de l'instant. Nouveau sourire, taches rosâtres sur les joues, et la demoiselle entraîna à son tour ses deux compagnons dans leur fuite sans fin.

¤ Jamais. ¤

« Je vous aurais !!!! »

Ce cri sorti tout droit des égouts, ne dépassait la bouche d’égout que de quelques mètres seulement, mais pourtant il semblait à Julian, qu’il l’entendait continuellement comme un acouphène d’avertissement, une sorte d’alarme les incitant à fuir... Tout deux. Et puis avec Anna aussi.

Ce baiser d’Eleanor, qu’il avait tant désiré, la narguant, et jouant avec ses sens, de peur de se voir refuser le doux contact de ses lèvres, celui çi venait d’être franchi…. La cloche résonne alors, indiquant une heure approximative, dans le monde des moldus… Ils se sont embrassés sous une église moldu, celle-ci remplaçant le gui magique… Serait-ce un signe de longévité ? Peut-être bien...

Soudain Caleb est en vue ! Le regard haineux, la boue cachant son visage sur plus de la moitié, il se rue à la poursuite des élèves...

Une musique retentit, le son est grésillant et provient sûrement d’un vieux haut parleur planqué quelque part… Le son des pescadous résonne… Et le train passe…

« Un train ! Eleanor ! La voilà notre chance de fuir ! »

Le train s’arrête et un imprévu arrive, tout comme le jour de la rentrée à la gare 9 ¾ menant au Poudlard Express, c’est la cohue... Julian se précipite pour monter, et s’agrippe à une place, il appelle Eleanor à venir le rejoindre, mais celle-ci ne monte pas à temps, et là voilà qui se retrouve à devoir prendre une place à l’arrière…

Le train redémarre et file à toute vitesse, il prend tout de suite une montée. Je m’assoies et respire un peu tout en cherchant Anna du regard, elle aussi est montée avec nous et elle se trouve du coté d’Eleanor… Le train monte très haut comme s’il ne devait plus s’arrêter de grimper. Mais soudain c’est la panique… Quelque chose cloche, le train ralentit, et le moteur commence à faire des siennes… Je vois Eleanor, qui me regarde, sans se douter de rien, alors que moi je vois ce qu’il se passe… Elle aussi admirait le paysage, mais on ne pouvait pas dire qu’elle était bien chanceuse… Et ce train moldu étant assez vieux, les wagons n’étaient plus ce qu’ils étaient...

Et le 3éme wagon était en train de se détacher !

Julian se lève vite, il observe la distance, puis avance d’une place à l’autre en restant debout et en faisant de grand pas pour éviter les personnes assisses… le 3éme wagon n’était occupé que par Eleanor et Anna, les moldus qui y étaient, étant descendus juste avant par l’un des arrêts. Julian attend quelques secondes puis saute sur le deuxième wagon… Il tremble à cause des vibrations émises par le train... Un train sans rail, mais avec juste des roues, ce n’est pas courant il faut dire… Il s’approche du 3éme wagon sous l’œil des voyageurs qui le supplie de s’asseoir pour qu’ils puissent voir le paysage tranquille, les fous ! Ils ne s’aperçoivent donc de rien…

Julian s’approche du 3éme wagon. Il se prépare à sauter… Arh

Il s’accroche de justesse au 3éme wagon dont l’un des écrous avait déjà commencé à lâcher ce qui faisait que ce wagon s’était encore plus éloigné de l’autre. Il peine à se remettre droit… Il s’approche d’Eleanor, et l’embrassant une fois encore, murmure à son oreille…

« Ton sauveur est là, suis moi… »

Il agrippe la main d’Eleanor et s’approche du grand espace laissé vide… Au dessous la route, et une mort certaine...

« Tiens toi prête ! Je vais devoir te lancer ! »

Il attrape Eleanor et la lance de toutes ses forces dans le 2éme wagon. Elle atterrit un peu brutalement certes, mais au moins elle est sauve… Il fait de même pour Anna qui connaît le même atterrissage… Oups, encore un peu plus loupé celui çi…

Le 3éme wagon achève sa course, le long de la descente… Et en bas de la descente…

Caleb ! Le wagon fonce droit sur lui à toute allure, mais rapidement il sort sa baguette et fige le wagon qui termine sa route paisiblement et finit contre un mur... La montée continue…

Julian s’empresse de reprendre la main d’Eleanor dans la sienne, ne voulant plus la lâcher, voulant tuer la distance qu’ils avaient, lui et elle, entre le 1er et le 3éme wagon… Juste pour cette fois, tuer la distance… Et puis quand ça reviendra, ils se tiendront la main la fois prochaine…

Le wagon achève la montée par un virage à droite… Un virage à droite… Et puis la descente… Le wagon qui peinait à rouler, accélère brusquement, et cale Julian à son siége. La vitesse est grande et rien ne semble pouvoir les stopper à présent...

Mais par un sort adequat, Julian reussit à briser l'élan du véhicule... Heureusement qu'il n'a pas du faire pousser une plante en plein milieu de la rue afin d'amortir leur chute.

Il saute par dessus le wagon et entrainant Eleanor avec elle, il l'emméne jusqu'au ministére où il est temps de retourner...

Il y parvienne sans encombre, et rejoigne leur groupe d'élèves... Mais où est donc Caleb...