Accro(c)(s)

Sujet: Accro(c)(s) Dim 15 Mar 2009 - 12:36

Mars.
Le printemps bourgeonnait et James attendait Ehlana.

Rendez-vous hebdomadaire qui était né de la simple curiosité et qui était devenu... une habitude dont il avait du mal à se défaire. Il ignorait pourquoi la Serdaigle continuait à accepter ces pseudos rendez-vous mais il ne s'en plaignait pas. C'était une manière comme une autre de s'abstraire à la réalité.

Tout avait commencé avec le cours (et son TP) sur le philtre pensine. ca n'était qu'à contre-coup qu'il avait pris conscience combien l'expérience lui avait plu. Entrer dans la mémoire d'une fille, c'était la meilleure façon de les connaître. Sans les mots qui pouvaient tout déformer. Alors, simplement, il lui avait proposé de réitérer l'expérience. En bonne Serdaigle, l'idée de se perfectionner devait lui plaire.
Voilà comment un simple exercice était devenu le moment phare de ses semaines. Et plonger dans le passé était un bon moyen d'oublier le quotidien.

Il en sortait plus serein. Il pouvait, de cette manière, porter une attention plus grande à ceux qui en avaient besoin. Jörgen, en particulier, allait mal, comme si... comme si il y avait quelque chose de plus et qu'il était incapable de se reposer sur quelque chose ou sur quelqu'un pour pouvoir se donner un de répit. Il pensait trop.
Jupiter se taisait.
Wart était plus exubérant qu'à l'ordinaire. Et en voulait à la Terre entière. Boudait la nourriture.
Ellsworth pleurait.

Alors, ces petits intermèdes rééquilibraient ses semaines.
Et l'avaient rapproché d'Ehlana.
Ils s'étaient découvert plus de points communs qu'on n'aurait pu le supposer au prime abord. S'aventurer dans la mémoire de l'autre avait un côté intimiste qui apportait forcément confiance et complicité.

Les serres étaient l'endroit idéal, peu fréquentées, surtout un dimanche matin et les plantes avaient une aura apaisante. Devant ses deux bols d'argent, James tapotait nerveusement le bout de la table. Nerveusement parce qu'Ehly lui avait promis un souvenir un peu particulier. Et qu'il ne savait pas quoi lui offrir en échange.

Sujet: Re: Accro(c)(s) Dim 15 Mar 2009 - 21:31

Était-il possible de s'intoxiquer au filtre pensine ? Et si oui, des Lys avait-il le remède miracle ? Quoi qu'en une dizaine de semaines, ils auraient tous deux eut le temps de se tordre de douleur à force d'ingurgiter des litres de potion. Comme tel n'était pas le cas, l'on pouvait raisonnablement penser qu'elle et James étaient en bonne santé, qu'ils ne risquaient pas de tomber malade sous peu et qu'ils pouvaient continuer tranquillement leur thérapie mutuelle.

Quand elle eut renvoyé dans leurs parchemins un duo de Serdaigle qui s'était décidé à se disputer alors qu'elle allait partir, Ehlana quitta la Salle Commune. Elle était encore en retard, comme si il y avait une force supérieure qui voulait à tout prix l'empêchait de se montrer sous son meilleur jour. Heureusement, James n'avait jamais semblé lui en vouloir d'arriver perpétuellement avec quelques minutes de retard. Une perle.

Depuis la semaine précédente, elle avait aussi eu le temps de mettre au point le souvenir qu'elle voulait partager, entre autre, aujourd'hui. L'habitude aidant, ils réussissaient maintenant à mêler plusieurs souvenirs, étalés sur une longue période, dans une seule et même 'vision' et cela allait grandement aider Ehlana. Il ne resterait simplement que les doutes pour l'empêcher de le faire. Était-ce le bon moment pour cela ? Oui ? Non ? Peut-être ?

Elle aurait bien le temps d'y penser parce qu'elle n'avait pas l'intention de faire de ce trombinoscope de souvenirs le premier de leur séance hebdomadaire. Il fallait savoir exacerber le désir, à ce qu'il paraissait...

Enfin, elle arriva jusqu'à la serre dont ils avaient fait leur QG et bien sûr, James était déjà là, à l'attendre. Était-ce de l'impatience qu'elle percevait dans ses doigts qui tapotaient le plan de travail de la serre ? Affichant un sourire contrit, Ehlana s'avança jusqu'à lui pour le saluer.

- Désolée, je suis encore en retard. J'ai dû régler un différent intra-maison. Ça doit être le printemps qui libère les hormones qui commandent aux disputes et à l'enquiquinage de préfète.

Les semaines passants, ils avaient commencé à personnaliser leur coin de serre, pour éviter de repartir courbaturer de partout et un joli florilège de bleu et de jaune en provenance direct de leur Salle Commune respective colorait l'intérieur.

Sujet: Re: Accro(c)(s) Lun 16 Mar 2009 - 14:29

Ces temps-ci, James souriait rarement autant que lorsqu'il se trouvait en compagnie d'Ehlana. La preuve en était, ses zygomatiques venaient d'entrer en action en même temps que la Serdaigle pénétrait dans les serres. C'est à grand peine que le jeune homme se retint de sauter en direction des coussins. Un peu de conversation et de rites humains, d'abord.

Il approcha sa joue pour la bise réglementaire qui marquait le début de la rencontre.

"Pas grave, voyons. Je prenais l'air en attendant."

Puis, plus par curiosité que parce qu'il fallait dire quelque chose:

"Les tiens aussi sont tout émoustillés?
God bless me, c'est Isis qui se tape le gros boulot. Les filles sont infernales avec l'arrivée du printemps."

Les gars n'étaient pas mal non plus. Mais plus gérables. moins en hystérie et plus en force brute.

"Jus de citrouille? Chocolat?"

C'était un autre des aménagements de leur coin de serre. Si confort ils voulaient, confort ils avaient. Il y avait également dans une sorte de mini-placard, qui tenait plus de la table de nuit, de quoi se ravitailler après leurs "expériences". Ca n'était peut-être que quelque chose qui se passait sous leur crâne respectif, ça n'en était pas moins un effort considérable dont ils s'extrayaient satisfaits mais crevés.

"Bonne semaine, à part ça?"

Ca non plus, ça n'était pas que de la politesse. On ne passait pas ses matinées du dimanche à errer dans les souvenirs d'autrui sans apprendre à les connaître et, par là-même, à les aimer. James avait par ailleurs acquis la conviction que si on était capable d'entrer dans la tête de tout un chacun, il serait impossible de haïr son prochain, pas plus que de les juger.
Il ne pouvait pas plus nier qu'un lien particulier s'était tissé entre Ehlana et lui. L'observant tout en se servant une tasse de thé, il essayait de mettre le doigt sur sa nature exacte.

Sujet: Re: Accro(c)(s) Mar 17 Mar 2009 - 12:09

Ces temps-ci, Ehlana aussi, elle souriait. La raison n’était peut-être pas foncièrement la même que celle de James mais ne valait-il mieux pas sourire que pleurer ? La Serdaigle lui retourna donc son sourire sans se forcer, et de s’installer, et de prendre part aux ‘rites humains’ qui n’avaient de répétitif et ennuyant que le nom.

- Tu te la coules douce alors ? Pauvre Isis, un peu de compassion ne ferait pas de mal James.

Isis était trop gentille si James avait l’occasion de se tourner les pouces. Il n’était pas dit que de son côté, elle laisse autant de mou à Sothis. On est préfet ou on ne l’ai pas Heureusement pour son camarade, plus on est petite, plus on crie fort, ce qui faisait que de manière générale, elle savait désamorcer les conflits sans trop d’efforts, voire même sans hausser la voix. En trois ans, forcément, on apprenait à être connue où qu’on aille.

- Tu connais Mélusine toi ?

Mélusine en référence au jus de Citrouille qui était la marque de fabrique de la Gryffondor, maintenant étudiante, elle supposait.

- Mais Filtre Pensine devrait parfaitement m'aller.

Bah oui, il n'était pas le seul à devoir se retenir de 'sauter dans les coussins' (enfin, elle serait plus classe que ça quand même, elle). A défaut de faire ses devoirs en grande quantité (BUSE à la fin de l'année oblige), Ehlana était bien souvent partisante de ne pas perdre de temps, quand celui-ci était compté. Leurs dimanches matins étaient de ceux qu'on attendait et quand on y était, on voulait en profiter autant que possible. Pire qu'un poison, la potion était une drogue sans grave conséquence. Bien au contraire, ces possibles conséquences étaient à classer dans la catégorie positive.

- Pas mal dans le genre boulot-dodo-boulot-dodo et euh... boulot. Ça sera surement comme ça jusqu'à la fin de l'année et ça risque d'empirer dans les semaines ou mois à venir. Mais je ne me plains pas, le programme est intéressant, c'est plus un plaisir qu'une corvée d'aller en cours.

Serdaigle un jour, Serdaigle toujours.

Ehlana tendit finalement vers James l'un des bols contenant le filtre, avec un sourire sans équivoque.

- Tu as réfléchit à un souvenir ? Parce que c'est à toi de commencer aujourd'hui.

Sujet: Re: Accro(c)(s) Mer 18 Mar 2009 - 16:46

Un sourire vaguement ironique au coin des lèvres qui servait de réponse aux deux premières questions.
Isis était justement très compatissante à son égard et essayait de lui rendre la vie... facile. Essayait.
Quant à Mélusine. Le Egon

"MOI, je ne t'ai pas proposé jus de citrouille ET chocolat."

Il préférait la garder vivante. Loin des mixtures intoxicantes de la Rouge qui parvenait malgré tout à se garder des amis, amis dont étaient Eden et Selene avec qui il s'entendait plutôt bien. Donc, par les voies de l'amitié, une connaissance en amenait une autre.

"Va pour filtre pensine. De quoi te changer de ta semaine."

De son point de vue à lui, c'était un peu ça, le but, changer de sa semaine. L'oublier. La rendre floue.

"Et j'ai des tonnes de souvenirs."

'Reste à en choisir un.'

C'était chose faite, d'ores et déjà.

"Prenez place mademoiselle, l'agence de voyage O'Brian vous offre un aller simple vers le passé."

Le bol, sa main, les souvenirs. La deuxième dans le premier pendant que le dernier repassait dans sa mémoire.
Le liquide tiédit. il était devenu expert pour repérer le moment exact, le moment parfait.

"Cheers, Ehly!"

La tradition voulait qu'on se regarde dans les yeux.... avant de sombrer dans les souvenirs de l'un.

Un jour d'été, entre sa quatrième et cinquième année. Seuls sur le lit, dans la chambre qu'il partageait avec Jörgen et Jupiter. D'un commun accord, ils avaient décidé de s'accorder un peu de liberté. Toujours ensemble, à table, dans la chambre, à Poudlard... Ils s'adoraient mais trop, c'était parfois trop. Même s'ils auraient pété un câble à être séparés trop longtemps.
Ellipse temporelle. La semaine suivante.
Scène presque similaire si ce n'était qu'il y avait du soleil. Oui, du soleil, en Irlande, ça arrivait parfois.

"Jimmy! Descend!"

Traduire: "viens filer un coup de main".
Râlant et pestant tout seul sur la joie des vacances à bosser alors qu'à coup sûr, ses deux copies étaient encore en train de glander devant le babyquid.
C'était toujours pour lui, ces temps-ci, et, même s'il gardait toujours un sourire de façade, il en avait vraiment ras le chaudron.

"Mom? T'es où?"

Un marmonnement lui parvint. Dans la salle avec les clients? Curieux. D'autant plus que ladite "salle avec les clients" paraissait furieusement silencieuse. Curieux.

'Si c'est pour faire le ménage, sûr, je râle.'

Non, sérieux, Katarzyna pouvait bien s'en occuper. Après tout, c'était une fille.
Absence de bruit un peu perturbante.

"Mom?"

Il poussa la porte pour tomber sur la "salle avec les clients" ... vide. Pour ainsi dire. Il n'y avait que les O'Brian, un immense sourire jusqu'aux oreilles, qui, reconnaissons-le, leur donnait l'air un peu niais. Sullivan et Siegfield, ses parents, puis méli-mélo, Jörg et Jup, Katarzyna avec Ernst dans les bras, Siegwart, Sloveig, Ellsworth et enfin, Gern, un à l'écart, comme à son habitude.

"SUUUUUUUUUURPRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIISE!"

Un coup de baguette maternel fit apparaître les plats préférés de James, tandis que celle de son père lançait la radio sur sa station favorite. Des cris, un chant avorté, des rires, des éclats de tout et rien, des sourires grands comme des bananes.
Le matinée traîna en un après-midi. Juste pour lui. Juste pour lui faire plaisir.

Ellipse.
La journée de Jörgen.
Ellipse.
La journée de Jupiter.
Ellispe.
Revenir un instant à ce moment parfait.

Sujet: Re: Accro(c)(s) Sam 21 Mar 2009 - 21:29

Sans même les avoir jamais vu, Ehlana adorait la famille O'Brian dans son entièreté. Elle connaissait bien sur déjà la fratrie quasiment au grand complet mais ils prenaient tous totalement leur ampleur que quand ils étaient ensembles, chez eux, avec leurs parents. Sa condition de gamine abandonnée, ensuite de fille unique, faisait apparaître James et les siens comme une mini tornade en liberté, un concentré de vie et de joie de tous les instants.

Quitte à ce qu'Ehlana doive jalouser une seule chose dans sa vie, ça serait ça : leur grande famille quand elle n'avait elle que sa mère et son père adoptif. Elle les aimait comme si elle était de leur sang mais elle avait toujours été seule quand eux partaient barouder dans des coins perdus, dans des pays paumés. Pas même de tantes, oncles, cousins, cousines, coupés qu'ils étaient de leur famille respective.

Elle n'aurait jamais l'occasion de ressentir ce que cela faisait que d'avoir quelqu'un à qui parler n'importe quand, d'avoir des frères et sœurs qui même casse-pieds (et les O'Brian n'étaient pas mal dans le genre) répondaient toujours présent. Il lui fallait alors se contenter du ressentit des autres.

Quand la Serdaigle reprit peu à peu conscience de la serre, de plus en plus rapidement à force d'utiliser le Filtre Pensine semaine après semaine, elle resta ballante quelques instants. Quand elle se redressa finalement, elle amena à eux les boissons ainsi que des verres en plastiques qu'ils pensaient toujours à apporter. Ehlana versa une rasade dans un premier verre qu'elle tendit à James puis en fit de même pour elle.

Genoux relevés, coude posé sur l'un d'eux et tête posée sur la main, elle prit le temps de réfléchir trente secondes au souvenir de James.

Ça devait être l'un de ses inconvénients de la vie avec des copies conformes, ce manque de libertés et de dissemblances entre les trois par le reste de la famille. Ça ne l'empêchait tout de même pas de l'envier, malgré ce problème. James désirait-il aussi quelque fois la solitude telle que la sienne, la pression familiale devenant trop forte ?

- Qu'est-ce que ça fait d'être une famille très nombreuse ?

Le manque d'habitude l'empêchait de dire 'famille nombreuse' tout court. Les images étaient parlantes, certes, mais on communiquait bien plus souvent par le biais des mots ce qui faisait qu'Ehlana était souvent adepte du décortiquage de souvenir les effets de la potion dissipés. Jamais eu besoin de se creuser la cervelle pour avoir quelque chose à dire ou à demander.

Sujet: Re: Accro(c)(s) Mar 24 Mar 2009 - 9:32

C'était toujours le même problème, juste après être sorti de l'un de ses propres souvenirs: les effets secondaires, le contre-coup émotionnel, la vague de nostalgie. Quel que soit le terme qu'on lui donnait, la sensation était la même: vouloir prolonger un peu plus ce moment ou s'empresser de se fondre dans la mémoire d'Ehlana. Mais, bien évidement, ça ne se faisait pas.
Et, au bout de quelques instants, de toute façon, l'amitié de la Serdaigle l'enveloppait; chacun était conscient de la fragilité de l'autre au sortir de cette expérience, même si James n'aimait pas employer le mot de "fragilité". Il accepta le verre de bonne grâce avec un sourire d'effort et avala une gorgée de liquide qu'il aurait été incapable d'identifier. Il y avait quelque chose d'indéfinissable dans cette brève sensation d'entre deux mondes.

Ils reprenaient lentement leurs esprits en silence. De moins en moins lentement, d'ailleurs.
Question?
Un pincement au coeur.
Réponse.

"C'est... indescriptible."

Il y avait souvent deux classes de gens: les envieux et les "ça doit gaver". Ils avaient à la fois tort et raison.
De par l'histoire personnelle d'Ehlana, il la soupçonnait de faire partie des premiers et il n'avait pas forcément envie de la contredire.

"Il y a pas mal de points positifs... la solidarité. On est obligé de se tenir les coudes dans les coups durs. On ne se sent jamais seuls et tu sais qu'il y aura toujours quelqu'un avec qui parler. Mais, tu n'as jamais un moment vraiment à toi. Je te laisse imaginer... Une maison avec onze personnes..."

Dix, maintenant.

"Tu as la petite soeur qui veut jouer à la poupée.. c'est très mignon mais... Le petit frère dont il faut s'occuper parce qu'Ellsworth a la dragoncelle. Les responsabilités qui te tombent dessus parce que tu deviens grand...
C'est comme tout, je crois, y a des points faibles et des points forts. Seulement, quand tu aimes autant de gens qui te sont proches, tu te fais d'autant plus de souci..."

L'envie étrange d'être fils unique l'avait saisi récemment, très récemment. On ne pouvait souffrir la perte d'un frère quand on n'en avait pas.

"D'un autre côté, ça multiplie les bons moments par dix. "

Ca faisait aussi qu'il fallait se battre pour être unique et se démarquer du lot. Ca, c'était une autre histoire.

"Tu pourrais venir constater par toi-même... cet été."

Un vrai sourire. Rare, ces derniers temps.

"Ca me ferait plaisir."

Indescriptible ? Ehlana n'aurait pas pu trouver mot plus approprié que celui-ci. Forcément, quand on était dans sa situation, on pouvait croire bien gentiment que parler de sa vie à plusieurs de manière claire et concise puisse être compliqué. Elle n'attendait de toute façon pas un roman détaillé de sa vie privée. Parce que c'était privé et que malgré leur ouverture d'esprit - littéralement - il y avait toujours une certaine part d'ombre en chacun d'eux. Même en plusieurs semaines on ne pouvait pas revenir sur une vie entière.

Ses blancs. Ce n'était pas par manque de confiance. Pour Ehlana, il y avait certaine chose qui transcendait cette simple notion, qui faisait barrière à ce qui pourrait l'obligeait ou lui donnait l'envie de partager certains de ses souvenirs. Comme son enfance, le fait surement qu'elle n'ait pas encore totalement accepté d'être classée dans la catégorie des enfants dont les parents n'avaient pas voulu, un rebut qui ne méritait rien de moins que d'être oublié très vite, abandonné dans un coin sans plus se soucier de ce qui pourrait lui arrivait, de la manière dont il serait traité.

Ça faisait mal dans la poitrine de penser à cela malgré les années, aussi Ehlana se résolut-elle à revenir à l'instant présent.

Elle fronça les sourcils, incertaine d'avoir bien entendu James. Consciente que sa réaction loin d'être enthousiaste pourrait être mal prise, la Serdaigle se détendit visiblement, souriant même, bien que les traces de son retour en arrière le voilait toujours. En bonne pragmatique qu'elle était, Ehlana avait d'abord pensé aux obstacles avant de se réjouir concrètement de la proposition du Poufsouffle.

Elle pouffa en pensant à la réaction des O'Brian, plus particulièrement du père et de la mère de James, mis devant le fait accomplit, obligés de faire bonne figure après l'invitation de leur fils qui ne les avait pas consulté au préalable. Ça ne faisait pas très plaisir ce genre de comportement.

- Et tes parents ? Tu ne leur as même pas encore demandé, si ? Et il faut que je demande aux miens, pour faire bonne figure, bien qu'ils ne diraient surement pas non, grimaça-t-elle, mutine.

Sa pauvre maman serait affolée... par la joie. Ehlana s'était toujours contentée de rester seule chez eux quand ses parents décidaient de partir en voyage et que cela ne l'intéressait pas. Alors qu'elle troque sa solitude contre des vacances chez un ami (sujet à crise aussi ce détail) allait forcément les ravir.

- Demande 'officiellement' à tes parents et j'en ferais de même de mon côté, et on en reparle plus tard ? proposa-t-elle, raisonnable malgré l'impatience qui se percevrait presque dans sa façon de se tenir, un peu trop penchée en avant.

Peut-être était-ce le temps d'adaptation, mais il sembla à James qu'une ombre passa sur le visage d'Ehlana avant que celui-ci revienne en mode sourire. En tant que chasseur d'ombres engagé volontaire, il eut envie de pondre une trollerie juste pour la faire rire, malgré le contexte qui ne s'y prêtait pas forcément.
Mais l'ombre passa sans son intervention et il en était rendu à se persuader qu'il était victime d'illusions. S'il se mettait à avoir des hallucinations, c'était carrément le début de la fin. Il allait vraiment falloir qu'il se reprenne.

Mais la réaction d'Ehly parvint à le faire sourire et il laissa tout cela de côté pour profiter du moment. Elle avait cette sorte de dons pour le sortir de ses pensées grisâtres. Il ne s'attarda pas sur cette question, qui, réflexion faite, n'en était pas une. Bref. il ne s'attarda pas sur cet état de fait.

"Prévenir? Ma mère?"

Déjà, son père, ça ne servait à rien. S'il y en avait un qui portait la culotte, chez les O'Brian, c'était bien Siegfield, sa mère.

"Elle aime avoir du monde. Je pense pas que ça la gênera. Au pire, on te fera passer pour une cliente de l'auberge..."

Il avait fini par la pondre, bien qu'involontairement, cette petite phrase destinée à la faire rire.
Il se reprit pourtant, tout de suite plus sérieux.

"Ca nous fera du bien à tous, d'avoir... des gens à la maison. Des gens qu'on aime."

Entourés d'étrangers, ils allaient devoir affronter la compassion des autres ou, dans certains cas, jouer la pantomime du bonheur pour éviter les questions et les condoléances. Pour se retrouver ensuite, tous les dix, à ne pas oser se regarder, sans pour autant oser s'éloigner, de peur de n'avoir pas le temps de se dire adieu. La compagnie du silence gênant.

"Vraiment. j'aimerais que tu viennes."

Il devenait un peu trop insistant pour être honnête.

"Mais demande à tes parents, avant. Tu me diras."

Le silence qui suivit était inconfortable. Il l'abrégea du mieux qu'il put.

"Si tu crois te défiler comme ça...
Tu es prête pour ton souvenir...? Oui, oui, celui-là."

Un souvenir de filles. Du genre auquel il ne pourrait jamais assister. Auquel il n'aurait jamais pu assister.
Cette demande était née d'une conversation qu'ils avaient eu quelques temps plus tôt. Quant à savoir comment elle était arrivée dans leur échange, il était bien incapable de le dire. Mais elle avait promis.

- Non, ton chien... Bien sûr ta mère !

Ehlana se prit à rire, s'imaginant très bien avec ses grosses valises, traitée comme une cliente banale avec pour seule différence qu'elle trainait toujours avec le fils de la proprio. Vraiment pas de quoi mettre la puce à l'oreille. Attendrie bien qu'elle le cachait, elle acquiesça, promettant d'avoir une autorisation parentale en bonne et due forme le plus rapidement possible.

Mais ses yeux s'agrandirent finalement, signe même de l'innocence. Il ne manquait que l'auréole au dessus de sa tête pour parfaire ce tableau véridique.

- Celui là ? Lequel ? ... Ok, ok, c'est bon, je n'ai pas oublié.

Elle avait arrêté de jouer la comédie de celle qui avait un trou de mémoire au premier froncement de sourcil amusé de James. Non, elle n'avait pas oublié 'ça'.

- Je ne sais pas pourquoi on n'a pas fait ça avant.
"Parce qu'on n'a jamais eu l'idée ?"
- Non, tu crois ?

Totale narquoise. Ehlana observait l'échange sans rien dire. D'abord parce qu'elle ne voulait pas s'immiscer dans la querelle entre les deux filles, et ensuite parce qu'elle appréhendait ce qui allait suivre. Les moldus avaient certes de bonnes idées, mais Ehlana n'avait jamais voulu toutes les tester. Et folâtrer dans un bain de vapeur n'était pas ce dont elle avait toujours rêvé.

Un regard vers ses deux 'accompagnatrices' (ses chiens de garde) lui apprit qu'elle se disputait toujours, le ton montait et les passants les regardaient d'un drôle d'air. Sauf que ce n'était pas parce qu'elles avaient sur le front une pancarte avec écrit 'SORCIÈRE' dessus, qui aurait fait peur aux moldus, mais bien parce qu'elles criaient presque, comme des chiffonnières. De vraies gamines.

- Ah ! Épargne-moi tes morales sorties toutes droit d'un mauvais magazine de mode !
"Il n'y a que ceux qui ont peur de la vérité qui ne reconnaissent pas la vérité, même si on leur amène sur un plateau, juste sous leur nez."
- Si on entrait ?
- Quelle vérité ? Tu oses le dénigrer et tu viens me parler de vérité ?!
"Ce n'est tout de même pas ma faute si il est bien en deçà de sa réputation tout de même."
- Hey, oh !! On est arrivées, on entre oui ou non ??
- Oui, oui, on entre.

Non sans maugréer, elles entrèrent toutes les trois dans l'établissement moldu, l'atmosphère lourde leur tombant sur les épaules. Ehlana laissa les 'vieilles' réglaient les frais et les suivit ensuite jusqu'aux cabines où elles se séparèrent. La fine cloison entre chaque n'arrêtait pas la discussion mais heureusement, pour le plus grand plaisir de la préfète (oui, même en ce temps là), les deux filles avaient arrêté de se disputer.

Quand dans le souvenir, Ehlana finit par réapparaitre, elle était jambes nues, avec juste un maillot de bain deux pièces sur le dos. C'était la première fois qu'elle le mettait, acheter juste pour l'occasion, sous les injonctions pressées de ses amies, qui mouraient littéralement d'envie de la sortir un peu. Ses cheveux étaient attachés pour ne pas être embêtées toutes les 5 minutes. Puis ce fut le bol de vapeur.

On n'avait pas idée de la torture que c'était, juste pour respirer. C'était chaud, on croirait presque manger des nuages tellement la vapeur d'eau était épaisse. L'air était complètement saturée et sous ses inconvénients, on sentait presque les calories s'envolaient, les muscles se détendrent et les soucis s'envolaient. D'assis, Ehlana finit allongée, détendue, la sueur coulant sur son front, ses bras, ses jambes.

- Dommage que Lucas ne puisse pas apparaitre, là, maintenant. Sans vêtement de préférence, soupira Circé, remettant sans en avoir conscience sur le tapis la dispute entre elle et Natacha à leur arrivée. Et c'est un fou rire après concertation brumeux entre Ehlana et Natacha qui répondit à Circé.

Présence fantôme, James observait le spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Il écouta les trois jeunes filles jacasser encore un moment en souriant de toutes ses dents. Il était impressionnant de voir comment une fille pouvait parler de tout et de rien. Et que dire de trois filles ensemble, même si l'une d'entre elles étaient plutôt silencieuse. Ne voulant rien gâcher du moment, il essayait de se détacher des mots quand leurs sens ne lui paraissaient pas assez important. Il y avait trop à voir.

Un seul souci. A la différence d'une pensine (même si, en tout état de cause, il ne pouvait en connaître les propriétés), les visiteurs du filtre n'étaient pas des observateurs omniscients. Elhana l'avait invité dans ses souvenirs. A elle. C'était donc son point de vue sous le signe duquel était placé ce souvenir. Traduction: il ne voyait que ce que Ehly avait vu alors. Il ne pouvait en aucun cas forcer son champ de vision à se diriger vers la droite, la gauche. Et Ehlana n'avait aucune raison de s'attarder sur ses partenaires de ... bain? Encore moins sur elle-même. Pas de surface réfléchissante à l'horizon. Dommage. Pas d'aperçu de son corps hormis le bout de maillot de bain qu'il devinait et...

La vapeur se fit d eplus en plus dense et, bientôt, un autre décor se superposa.

*Dommage.*

James était pourtant tout sourire quand sa vision redevint nette et qu'il croisa le regard d'Ehlana.

"Merci."

Ses lèvres s'étirèrent en un sarcasme.

"Moi qui croyais que les filles y allaient nues, dans ces.. machins. Je suis déçu. Circé... C'est bien Circé? ... avait l'air magnifique."

C'était pousser le bouchon un peu loin mais sa résolution prit racine.
Une résolution basée sur des soupçons. Et une envie qu'il peinait à s'avouer. De toute manière, il aviserait en fonction du résultat. Et s'éviterait de passer pour un troll, le cas échéant.
Les présomptions...
Il se trompait rarement mais..

"Hum? Ehlana?"

Silence.
Un peu lourd.

"J'aurais un... autre souvenir à te proposer."

Le ton était un peu trop grave pour être honnête. Et s'il souriait... intérieurement, el doute avait pris place.

"Partante?"

Un homme resterait toujours un homme. Consternant.
Ce n'était de toute façon pas comme si elle aurait pu rivaliser avec Circé. On ne mélangeait pas les torchons et les serviettes, surtout pas. Elle n'avait jamais vu aucun garçon, quel que soit son âge, qui ne s'arrêtait pas un instant sur Circé, Ehlana avait eu l'occasion de le remarquer le peu de temps qu'elle avait passé avec les deux filles. Elles étaient toutes les deux plus âgées qu'Ehlana et cette sortie, entre autre, n'avait été organisée que pour marquer le coup d'apprendre qu'elles vivaient dans la même ville.

Un truc de filles qu'avait décrété Circé. La Serdaigle avait alors simplement suivit le mouvement sans en savoir plus, sachant juste (dans leur grande bonté, herm) qu'elle devait prendre ses affaires de bains. Sauf qu'elle n'avait jamais vraiment l'occasion de voir une piscine souvent, donc pas de maillot, donc passage obligé dans la temple dédié aux maillots de bain made in Circé, et...

Enfin bref, on s'éloignait du sujet là.

- C'est un endroit public et c'est moyen le genre d'endroit où on est nu. Mais...

Ehlana se pencha en avant, vers James, un brin provocante. Mordra ou ne mordra pas ?

- Mais tu sembles si libéré, on verra ce qu'en penseront les voisins, cet été. Ça pourrait être... intéressant.

Ehlana se redressa, se contentant simplement de voir la scène en version brouillée. Son imagination n'allait pas aussi loin, elle ne voulait pas penser à la réaction des voisins ou des clients. Parce que bien sûr, Ehlana ne visait que les hommes dans son sondage. Il paraissait (enfin c'était Circé qui le disait et elle en connaissait un rayon dans ce domaine) qu'il n'y avait rien de mieux pour piquer la jalousie d'un homme.

Mais la jeune fille finit par redescendre sur ta terre, s'alarmant du ton qu'employait James. Elle n'osa pas demander quoi, se contractant instantanément. Quoi ? Elle faillit rire de son propre emportement quand il proposa simplement un autre souvenir.

- Partante. Je suis ici pour ça.

N'empêche, pourquoi un tel sérieux soudain ?

Libéré?

Oui. Bon.

"Oh, je suis sûre que les voisines seraient ravies. En particulier Maighread et Neve."

Quoi que Maighread, peut-être pas. Pas depuis l'été dernier. Sa jeune (et jolie) voisine avait plutôt mal pris son départ et son "on se voit l'été prochain". Sous-entendu: pas de lettres, il n'aurait pas le temps. Peut-être aurait-il dû.

”Par contre, je ne suis pas sûr que le spectacle de mes... de moi soit un ravissement pour ma petite soeur."

Là-dessus, il accumula des "trop jeune" tout en visualisant sa mère sortant du pub sa baguette à la main et visant... Non, il y avait des choses qu'il valait mieux ne pas tenter.

"Avoue que tu es déçue."

Ca n'était qu'une boutade qui faisait écho à ce qu'il avait l'habitude de dire... autrefois. Ca n'était qu'une boutade mais il compatit bien être bientôt fixé. Parce qu'il s'était mis à douter. De lui.
Elle acceptait. C'était une bonne chose.

Le même rituel, encore et toujours. Concentré sur son souvenir à faire tourner le filtre méticuleusement.



Un après-midi d'été. Le vent soufflait gaillardement sur un décor d'herbe et de feuillage. Quelques oiseaux criaient aux amours et James n'était pas seul.
A ses côtés, répandant un parfum sucré légèrement trop fort pour son propre goût. Mais qu'importe. Il avait réussi à l'extraire de la présence envahissante de son frère et le spectacle de ses cheveux blonds ondulant à sa démarche gracieuse valait tous les coups réciproques à tous les audaces du monde.

Le soleil brillait. James avait treize ans.

Un flou léger accompagna le changement de cadre.

Ils étaient près d'un cours d'eau. Julia avait ôté ses sandales et un de ses mollets, conservant encore les rondeurs enfantines se hasardait dans l'eau vive et fraîche. Les yeux de James peinaient à s'en détacher. Un arbre leur offrait son ombrage rafraîchissant. Ils baignaient dans un silence gêné, comme hésitants devant une évidence et sceptiques de cette même évidence.
Elle éclata d'un rire frais quand une algue -une herbe, sans doute, plutôt- lui effleura la peau. James aurait préféré une algue. Préféré qu'elle crie. Il se sentait volontiers une âme de pourfendeur d'algues pour peu qu'il eut droit à son sourire reconnaissant.

Ils balbutièrent deux mots, partis d'une même inspiration, avant de se taire dans un petit rire gêné.
Le vent les poussa l'un vers l'autre, comme pour les encourager à cesser de lutter contre la gravité ambiante. Leurs nez s'entrechoquèrent, première représentation ratée d'un spectacle millénaire. Ils s'y reprirent à deux fois, doucement, hésitants. Des lèvres sur les siennes, ça n'était pas si compliqué. Chaud et surprenant. Mais agréable.



Le souvenir coupa court précisément à ce moment.
Et James hésita à rouvrir les yeux, jouant du flou qui les enveloppait toujours à la sortie d'un de ces voyages en provenance du passé.
De deux choses l'une... soit il s'était magistralement trompé et elle se contenterait d'en rire, au pire, d'en sourire, au mieux.
Soit...

- Tu as une sœur vraiment étrange.

Mais Ehlana avait très bien compris pour quelle raison sa sœur n'apprécierait pas le spectacle. Elle était peut-être pas la mieux calée dès qu'il était question de garçon mais elle n'était pas stupide à ce point. Et même si James n'avait pas compris sa phrase comme elle aurait voulu qu'il le comprenne, Ehlana souriait de la scène que cela pourrait créer, non sans ressentir une pointe de jalousie malvenue à la mention de truc et machin (elle avait déjà oublié leur prénom, ce qui montrait bien le grand cas qu'elle faisait de ses filles).

- Horriblement, répondit-elle en entrant dans son jeu. Et en même temps, pour elle aussi des certitudes se renforçaient et la convainquit du bien fondé du souvenir spécial qu'elle avait concocté à son intention. Il serait même bientôt temps car il ne leur restait plus beaucoup de potion, remarqua-t-elle en regardant le fond qu'il restait.

Elle en avala pourtant une gorgée pour se plonger dans le souvenir au goût d'été de James.

Difficile d'expliquer de quelle manière elle passa d'une relative bonne humeur au flou total et nébuleux. Elle s'était d'abord demandée en quoi le souvenir de la nature et des petits oiseaux gazouillants avait comme intérêt. Jusqu'à ce qu'apparaisse une toute petite fille, à côté de James, qui avait lui aussi rétréci de quelques centimètres. Elle avait dans sa tête un James plus jeune mais qu'elle reconnaissait pourtant. Il n'avait pas fondamentalement changé entre ce souvenir et la personne qu'elle connaissait (si ce n'était la taille).

Le silence était de mise, finalement troublé par leur rire mêlé et gêné. Dans son sommeil artificiel, les traits d'Ehlana se crispèrent devant la scène qui se déployait sous ses paupières closes. Pas besoin d'être Trelawney pour comprendre que la potentielle raison du flou venait de là.

Ça forcé la réflexion. Ehlana n'hésita pas à rouvrir les yeux, pour se sortir de cette torpeur dérangeante et qui l'empêchait de réfléchir de manière logique et détachée. Mais il y avait des situations où on devait laisser le cerveau de côté et ne se laisser guider que par ce que l'on ressentait. Après avoir mis le doigt sur ce que l'on ressentait précisément bien sûr. Pour Ehlana, c'était un beau mélange de ces dernières semaines, depuis le cours de des Lys en fait. Ils s'étaient rapprochés et personne ne pouvait soupçonner ce que cela faisait de connaître de quelqu'un ce qui est généralement gardé précieusement dans un coin de sa tête.

Sa réflexion et sa décision ne prit en tout et pour tout que quelques secondes. James n'avait toujours pas ouvert les yeux et la Serdaigle se demanda si c'était parce qu'il était encore tout entier tourné vers son souvenir, en l'oubliant complètement ?

Ne désirant pas s'appesantir sur cette possibilité dérangeante, Ehlana rangea ses doutes au placard. Elle approcha son visage de celui du Poufsouffle, appelant James d'une toute petite voix, préférant qu'il sache ce qui l'attendait et la repousse avant s'il le voulait que pendant, ce qui la consumerait bien plus facilement que même le sortilège le plus dangereux qu'elle ait subi. Et que deux solutions : soit elle s'était trompée quelque part dans l'interprétation de leurs journées ensembles et de tout le reste et il se contenterait de la remettre sèchement à sa place, au pire, de la morigéner gentiment, au mieux.
Soit...

Comme il s'en était déjà fait la réflexion dans un autre lieu et dans un autre instant, le temps était un capricieux insaisissable qui se jouait d'eux. Un jour, il filait comme le vent alors qu'on tentait vainement de le rattraper. Et, le lendemain, il traînait en longueur comme effrayé de se transformé en passé. Il y avait des jours comme ça.
Et, là, tout de suite, maintenant, sous ses paupières clauses, James pouvait littéralement sentir le temps traîner de la patte. Récalcitrant.

Un murmure vint le troubler. Un murmure qu'il ne peina pas à interprêter. Le murmure qu'il avait attendu mais n'avait pas osé espérer. Un murmure qui était un "soit" à part entière. Le deuxième, celui qu'on n'arrivait pas à formuler.
La tentation fut la plus forte, il ouvrit les yeux un instant. Il aurait voulu être fort, s'abstenir de douter. Mais le doute était devenu son compagnon. Inséparable et collant. Vampirisant.
Un bref clin d'oeil suffit pour capturer la scène et faire courir son sang un peu plus vite. Il ne réussit pas à retenir son sourire. C'était sans importance, il était le seul à le savoir.
C'était aussi cela qu'il aimait chez Ehlana, la sensation de bien-être qu'il ressentait à ses côtés et qu'il cherchait désespérement dès qu'elle tournait le dos.

Le reste... le reste était tellement facile. Se rapprocher un peu, effleurer sa peau du bout des doigts et se laisser tenter à découvrir son goût. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas eu une telle absence de besoin de se contrôler, de faire bonne figure. Ne pas avoir à paraître.
C'était simple et c'était chaud. Simplement cueillir un peu de réconfort sur les lèvres d'une fille.

Apaisant.

Ca aurait dû être plus. Ca le serait, sans doute, un jour, si Ehlana était d'accord. Pour l'instant, c'était un baume, un peu de la douceur qui lui avait manqué. C'était ça, aussi, que les gars cherchaient parfois, ce petit quelque chose qu'ils n'étaient pas, qu'ils n'avaient pas. Ou qu'ils avaient trop honte de montrer.
A contre-coeur, le jeune homme prit un peu de recul, la laissa doucement.

"Ehlana..."

Un murmure en réponse à un murmure.
Il n'avait aucune idée de ce qu'il allait dire.

Inconsciemment ou non, un sourire fleurit sur les lèvres d’Ehlana tandis qu’elle reprenait gentiment sa place, un peu en retrait. Elle souriait car elle repensait à Loevi et à une nuit précise. Elle souriait parce que finalement, ce n’était pas l’horreur qu’elle avait pensé. Peut-être aussi était-ce le fait de la personne en face d’elle. On ne devait pas ressentir la même chose quand c’était une personne appréciée -ou plus ?- que le tombeur type Liam Cullen qui devait bien avoir embrassé 90 % des filles de Poudlard, toutes maisons confondues.

Elle ne savait pas trop non plus si elle aurait dû se sentir mal à l’aise parce que pour le moment, elle se sentait vraiment bien. Elle ne pensait pas encore à ce qu’elle devrait dire pour expliquer son geste, ou plus ce qu’elle devrait dire tout court. En fait, elle pensait ne rien dire du tout, pour faciliter les choses. C’était très bien le silence, surtout après quelque chose comme ça. Dans le même coup, elle voyait d’une autre manière l’invitation de James pour cet été. La petite préfète ne se voyait plus vraiment refuser, si tant était qu’elle en avait eu l’envie à un moment ou un autre.

Encore que… Il ne fallait pas présumer de ce qu’en pensait le principal concerné. Là aussi, ils ne ressentaient pas forcément la même chose qu’elle après cet interlude intimiste. Ca ne lui faisait peut-être rien -mais Ehlana n’y croyait pas vraiment à cette hypothèse- ou peut-être qu’après une telle intimité, il préférerait en rester là -et là, Ehlana ne préférait pas croire à cette hypothèse. Subtile nuance.

Alors une timidité soudaine l’envahit à l’idée des possibles conséquences d’un tel acte de sa part. Il avait perdu son frère il y avait encore si peu de temps alors engager des sentiments, même si ils étaient bien différents de ceux qui liaient deux frères, ne lui ferait-il pas peur et l’éloignerait d’elle à court terme ? Elle s’en voudrait le reste de sa vie si c’était le cas.

Hésitante, elle tendit sa main jusqu’à effleurer avec légèreté son poignet. Elle était maintenant à l’instant où elle devait réfléchir à ce qu’elle devait dire en pareille situation. Elle ne l’avait jamais vécu auparavant et toute l’intelligence du monde ne l’aiderait sûrement pas. Les sentiments venaient du cœur, pas de la tête et face à ça, elle se trouvait désarmer et aussi frêle et chétive qu’un nouveau-né. Le mieux lui semblait alors d’expliquer clairement et sans fausse pudeur les contradictions qui l’assaillaient : réitérer cette expérience et au diable les conséquences et celle d’agir avec sagesse pour éviter les incidents irrémédiables.

- Je… je n’aurais peut-être pas dû. Je sais que ce n’est pas le bon moment alors que… enfin je comprendrais si tu voulais qu’on en reste là. Mais je tiens juste à préciser que je ne regrette pas ce que j’ai fait et que je referais surement si on m’en donnait l’occasion.

C'était bien des filles, ça. Réfléchir et vouloir mettre des mots sur quelque chose d'aussi simple. Chercher à justifier, comprendre.
Si l'avait fait, c'est qu'il en avait envie. Si elle ne l'avait pas giflé, c'est qu'elle n'était pas contre non plus. Et s'il recommençait, ça n'était pas que pour la faire taire. C'est aussi ce qui s'appelait faire d'une pierre deux coups: se faire plaisir et taire les doutes d'Ehlana. Un garçon, une fille, rien de plus simple.

Bien sûr, s'il s'était mis à réfléchir, il en aurait eu des choses à penser. Que ce deuxième baiser, moins timide, n'était pas que né d'un seul désir. Qu'il venait aussi d'un besoin de réconfort qu'il n'aurait pas su demander autrement. Qu'il n'aurait pas su formuler. Qu'au-delà d'une attirance pure et dure, c'était sans doute l'aboutissement de leur découverte mutuelle. Il paraissait qu'on ne pouvait détester quelqu'un que l'on connaissait. ils ne faisaient sans doute que démontrer une grande vérité universelle, qui était d'autant plus vraie dans leur cas qu'ils se connaissaient de l'intérieur.

Sa main glissa sur sa nuque sans qu'il songe un instant qu'il poussait peut-être le bouchon un peu trop loin. Il fallait savoir profiter des bons moments qui s'offraient à soi... Et les bons moments dans la vie de James, ces derniers temps, avaient tendance à se compter sur les doigts d'un manchot. A vous en faire perdre la foi dans l'hédonisme.

Néanmoins, point trop n'en fallait.
Doucement, sans heurt, James leur offrit un peu de distance. Ils avaient besoin de souffler un peu.

"J'avoue que je ne regrette pas non plus."

L'art de l'a-propos par james O'Brian.

"On est grand. J'en avais envie, toi aussi, personne ne va nous juger pour ça."

La morale par James O'Brian.

"Et je ne suis pas d'accord. Le moment était parfait. Et parfaitement choisi. J'avais vraiment..."

...besoin d'autre chose.

"On va faire un tour, tu veux?"

Laisser un instant l'espace soudain renfermé des serres. Il avait besoin d'air.

"Laisse tes affaires, on reviendra."

Une main tendue vers Ehlana, droite et fière, sans hésitation. Un sourire léger sur le visage comme une invitation.