Mind the gap
Le premier jour, j'ai trouvé sa brise agréable, pourfendant la chaleur de la station avec autorité, et bienveillance pour nous autres. Descendant directement de Liverpool Street, nous n'avons pas eu véritablement l'impression de nous engouffrer sous terre. Escalators, couloirs, odeurs neutres, et une surprise: aucune poubelle! Je regarde, mais je ne vois pas. Je ne réfléchis pas. Les sensations affluent comme autant de souvenirs en préparation, mais je ne saisis pas cet instant. J'ai l'impression de le subir. Au fond de moi, je ressens un malaise.
Mon attirail de touriste, l'anxiété de ne pas se tromper de ligne, de trouver l'hôtel, tout a contribué à m'aveugler quant à cette institution urbaine et sa signification.
Le second jour, elle m'est apparue comme . Mais je pris davantage le temps de promener ma curiosité autour de nous. Confortablement installée sur mon siège, je faisais face à différents personnages. Chacun son histoire, chacun son but. Des têtes particulières, normales, des corps graciles, forts, debouts, assis... Visages avenants, renfermés, I-pod sur les oreilles, yeux fixés sur les inombrables quotidiens gratuits, ou sur vous comme si vous étiez une bête curieuse. Parfois, un sourire me percute et me donne une grosse claque, alors j'échange quelques mots.
Mind the gap.
Soudain un souvenir me frappe: une horreur en fait. Les attentats de 2005, voilà le pourquoi de l'absence de poubelle. La religion et sa folie meurtrière, quelle que soit la religion.
Je me dis en souriant qu'en France il y aurait des détritus n'importe où, ici, ce n'est pas le cas.
Troisième jour. Ce matin, nous ne l'avons pas pris. Rejoindre Buckingham à pied en passant par Hyde Park. Queen's Way me nargue lorsque nous passons à côté. Je suis presque triste de ne pas rejoindre les entrailles de Londres ce matin. Un air pur et frais ravit mes narines, ce sont bien les seules à s'en réjouir. Mes jambes sont lourdes à la sortie du parc. Un écureil semble se moquer de moi. Mon amie ne dit rien. Nous sommes quand même heureuses d'avoir traversé ce poumin vert. Hyde Park Corner, voilà encore une bouche que l'on saute. A Buckingham, c'est l'effervescence: passation de pouvoirs between "Prime Ministers". Enfin, à 13h07 nous pénétrons dans la station de green Park. Je m'aperçois que je connais le plan de trois lignes par coeur. J'ai même renseigné deux touristes perdus.
Le soir, mon estomac se noue. 23 heures, il est temps de rentrer. Nous sommes à
Piccadily Circus. Escaliers, couloirs, escalators, je viens de me rendre compte: je suis en train d'enregistrer tout ce qui me touche. Je peste contre les longs couloirs, je râle contre ces anglais qui me font me mettre à droite sur les escaliers roulants pour laisser passer les hommes pressés. Plusieurs fois je me suis mise délibérément à gauche! Et puis tout à coup, alors que nous sommes sur le quai, la brise. Il arrive. Ce courant d'air indique qu'il arrive. J'adore ce courant d'air dans cet endroit bondé. Il fait du bien, il flatte mon visage, caresse mes bras. Je me tourne vers Aurélie. Elle ne sembla pas éprouver le même sentiment que moi.
Il est là, dépêchons-nous... Râté! Il y a trop de monde, on prendra le prochain. Vacarme, silence, bavardages. Deux minutes plus tard, de l'air provenant du tunel sombre, crissement sur les rails, il est là. Cette fois, on pousse.
"The next station is: Tottenham Court Road. Change for: Central Line."Cette fois, je vis. Je vis ce moment et je comprends. J'ai compris que dès notre arrivée, je savais que ce dernier voyage allait me chagriner. C'est pour ça que mon corps et tous ses sens enregistraient.
Oxford CircusCe n'est pas la fin du séjour qui me chagrine.
Bond StreetJ'observe. Je garde le silence et j'observe. Des gens sortent, des gens entrent, s'entassent, s'asseoient, bougent, rient, font la gueule.
Marble Arch" Je suis sûre que demain, je ne verrai rien."Lancaster GateDiscussion. Nous décidons à quelle nous devrons partir demain matin pour être à stansted à midi. Neuf heures, c'est un bon compromis. Nous déjeunerons dans un Starbucks. J'en ai repéré un sur Oxford Circus.
QueenswayMind the Gap.
La Way Out est à gauche en descendant de la rame, au fond. Il faut monter 28 marches pour rejoindre le couloir qui me plaît. Ce couloir me plaît car il est décoré de d'une publicité qui me plaît. L'affiche est très simple. Elle est noire et est ornée d'une écriture blanche. Une phrase que j'affectionne particulièrement. Elle est extraite d'un de mes films préférés: Love Actually.
Je m'arrête quelques secondes et la lis attentivement:
" We may be a small country, but we're a great one too. The Country of Shakespeare, the beattles, Harry Potter... David Beckham's right foot... David Beckham's left foot coupled to that." Le métro de Londres participe à la subvention de quelques films. Cette affiche est là pour le rappeler.
Ascenseur. Il faut sortir le ticket, sortir de l'ascenseur, prendre un couloir qui tourne, et insérer le ticket dans la machine. A la sortie, je range ce ticket sans valeur dans mon porte-feuille.
Quatrième jour, départ.
Je tire ma valise. dans la station. J'ai peur de la perdre, de ne pas pouvoir monter les escaliers avec. Il me tarde d'arriver à Liverpool Street de m'asseoir, ma valise à mes pieds. Je ne remarque plus rien si ce n'est que mon spleen de la veille n'a pas lieu d'être aujourd'hui. Pour les personnes qui prennent le Tube chaque jour, le lieu n'a rien de magique. Il n'est que l'antichambre du bureau le matin ou de la maison le soir. Moi, je l'ai idéalisé. J'en ai fait un lieu chaleureux, un lieu de repos, une aide à notre voyage, un guide, à la limite, le seul ami anglais que nous ayons eu.
I love the Tube